Le gouvernement abaisse l'objectif de déficit pour 2024, les collectivités mises à contribution

Le gouvernement anticipe désormais un déficit public de 5,1% du PIB cette année, au lieu de 4,4% prévus antérieurement. Ce qui l'oblige à trouver 10 milliards d'euros d'économies supplémentaires. Sur cette somme, 2,5 milliards d'euros sont attendus de la part des collectivités.

Après le dérapage du déficit public en 2023 (5,5% du PIB contre 4,9% attendus), le gouvernement n'escompte pas ramener le déficit public de la France en dessous de 5% en 2024. Le projet de programme de stabilité qu'il vient de transmettre au Haut Conseil des finances publiques prévoit un déficit public à 5,1% du PIB à la fin de cette année. Un objectif nettement revu à la baisse par rapport aux 4,4% inscrits dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027 publiée en fin d'année dernière. Dans le même temps, le gouvernement réévalue son estimation de croissance du PIB à 1,1% en 2024, contre 1,4% prévus initialement.

Avec cette nouvelle trajectoire des finances publiques qui sera examinée en conseil des ministres le 17 avril, Bercy estime que 20 milliards d'euros d'économies devront être réalisées sur les dépenses publiques, en 2024. En sachant que "la moitié du chemin" a déjà été faite avec le décret qui a été pris le 21 février pour annuler 10 milliards d'euros de crédits dans le budget 2024 de l'État. 

État : un effort supplémentaire de 5 milliards d'euros

Il reste donc un montant identique à trouver pour pouvoir espérer atteindre un déficit public de 5,1% en 2024, si par ailleurs un début de reprise de la croissance est bien au rendez-vous. Dans ce but, un effort complémentaire "de l'ordre de 5 milliards d'euros sera demandé dans les prochaines semaines" à la sphère de l'État. La politique immobilière de l'État (avec des cessions en nette hausse), la création d'une participation forfaitaire des salariés au coût des formations suivies dans le cadre du compte personnel de formation (CPF), ou encore les économies de 1 milliard d'euros sur les dépenses des opérateurs, entre autres, doivent contribuer à financer ce tour de vis, détaille-t-on dans l'entourage du ministre de l'Économie, Bruno Le Maire.

Dans ses calculs, Bercy intègre par ailleurs un effort des collectivités pour freiner leurs dépenses de fonctionnement. Le ministre de l'Économie a précisé les choses le 9 avril, lors d'une réunion du Haut Conseil des finances publiques locales à laquelle participaient trois autres ministres et, du côté des collectivités locales, notamment les représentants de l'Association des maires de France, de Départements de France et de Régions de France (voir notre article). Le gouvernement leur a demandé de respecter scrupuleusement, en 2024, l'objectif fixé par la LPFP, à savoir des dépenses de fonctionnement évoluant de 0,5 point en deçà de l'inflation. Ce qui se traduit dans le projet de programme de stabilité par une hausse de 1,9% des dépenses de fonctionnement en 2024 (l'inflation étant attendue à +2,4%). Ce que veut le gouvernement à l'égard des collectivités traduit "non pas un effort supplémentaire par rapport à ce qu'on leur demandait", mais "la réaffirmation" de l'objectif de la LPFP, souligne Bercy. 

"Dérapage" des dépenses publiques locales

L'engagement qui leur est demandé est "d'autant plus nécessaire" que les dépenses des collectivités ont connu un "dérapage" de 4 milliards d'euros par rapport à ce qui était attendu dans la LPFP, poursuit le ministère. Avec la hausse des prix et la progression de la masse salariale, leurs dépenses de fonctionnement ont été orientées à la hausse (+5,9% contre une inflation de 4,8%), tandis que l'investissement local est resté dynamique.

Bercy compte bien sur la bonne volonté des collectivités locales : celle-ci permettrait de "sécuriser 2,5 milliards d'euros d'économies", avance-t-il.

Les 2,5 milliards d'euros restant proviendraient de la taxation des "rentes" (rachats d'actions, énergéticiens…).

Sous les 3% en 2027

Le gouvernement a annoncé qu'il visait toujours un retour du déficit sous les 3% du PIB en 2027, conformément à ses engagements européens. Il prévoit d'atteindre 2,9% du PIB en 2027, passant pour cela par un déficit de 4,1% du PIB en 2025 puis 3,6% en 2026. "On part d'un niveau un peu plus haut" et, donc, la pente sera "un peu plus rude", commentait-on à Bercy mercredi. Où l'on anticipait déjà les critiques d'une opposition criant à l'austérité. S'il est prévu de réduire d'un peu plus de deux points de PIB la dépense publique d'ici la fin du quinquennat (de 56,7% du PIB en 2023 à 54,5% du PIB en 2027), cette dernière va augmenter d'"environ 30 milliards d'euros" au-delà de l'inflation au cours des prochaines années, évalue le ministère.

"Avec un déficit qui est très supérieur à 3%" du PIB, "il est très clair qu'on n'est pas dans les clous" vis-à-vis des règles européennes, reconnaît Bercy. La France ne se place donc pas en bonne position pour les discussions budgétaires qui débuteront en juin avec la Commission européenne. Mais la réforme du Pacte de stabilité et de croissance négociée avec les partenaires européens prévoit un certain nombre de "flexibilités" pour permettre aux États de retourner en dessous du seuil de 3% de déficit, souligne le ministère.