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Prix des carburants - Le gouvernement maintient la taxe carbone et annonce des mesures d'accompagnement

Élargissement du chèque énergie, super prime à la conversion : à trois jours des manifestations de grogne sociale des "gilets jaunes" sur le pouvoir d'achat, Édouard Philippe a affirmé ce 14 novembre que l'exécutif entendait maintenir la taxe sur les carburants, annonçant une augmentation des aides pour changer de véhicules et payer ses factures d'énergie. Le débat va se poursuivre lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 au Sénat, la majorité de droite souhaitant supprimer la hausse prévue de la taxe sur les carburants l'an prochain.

Comme le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, l'avait fait la veille, Édouard Philippe a mis en garde ce 14 novembre les collectifs de citoyens, baptisés "gilets jaunes", qui ont appelé à une journée de blocage des routes et de points stratégiques samedi 17 novembre pour protester notamment contre la hausse du prix des carburants. "La loi s'applique" et "l'entrave à la circulation, c'est sanctionné", a affirmé le chef du gouvernement sur RTL, avertissant ceux qui veulent "mettre le bololo partout", un synonyme de "bordel". Il s'est dit "par nature pas inquiet" mais "attentif" face aux centaines d'actions répertoriées sur les réseaux sociaux qui catalysent le mouvement.
 Emmanuel Macron devait, lui, intervenir dans le Journal de 20h00 de TF1 ce mercredi. L'Élysée a fait savoir ce mardi, par la voix d'un conseiller, que l'exécutif allait accorder "une attention accrue au quotidien des Français", tout en jugeant qu'il n'y avait "pas de mobilisation" contre les "réformes structurelles" engagées depuis le début du quinquennat. "On ne va pas annuler la taxe carbone, nous n'allons pas changer de pied, nous n'allons pas renoncer à être à la hauteur de cet enjeu qui est considérable", qu'est la transition écologique, a martelé Édouard Philippe. "Mais nous avons également entendu le besoin exprimé par les Français d'être accompagnés dans cette transition, car elle est difficile", a-t-il toutefois ajouté.

Chèque énergie : plus de 2 millions de nouveaux bénéficiaires en 2019

Avant une communication en conseil des ministres sur "l'accompagnement des Français dans la transition écologique", le Premier ministre a confirmé sur RTL l'augmentation du chèque énergie et annoncé l'élargissement de ses bénéficiaires. Ce dispositif d'aide au paiement des dépenses d'énergie (factures d'électricité, de gaz, rénovation énergétique, etc.) a été créé pour remplacer les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz. Il est attribué en fonction du revenu fiscal de référence, qui doit actuellement être notamment inférieur à 7.700 euros pour une personne seule et 11.550 euros pour un couple. L'an prochain, il sera augmenté à 200 euros par an en moyenne, contre 150 euros cette année. En outre, "on va passer de 3,6 millions à 5,6 millions" de foyers bénéficiaires, a annoncé le Premier ministre. Les 2,2 millions de nouveaux bénéficiaires devraient donc recevoir au printemps prochain un chèque de 48 à 76 euros suivant la composition de leur foyer. Au total, le chèque énergie représente une enveloppe de 860 millions d'euros pour 2019, précise-t-on au gouvernement, dont 140 millions pour l'élargissement de ses bénéficiaires.

Doublement de la prime à la conversion des véhicules pour certains ménages

Le gouvernement a également décidé de créer une "super prime" à la conversion pour les véhicules. Pour rappel, la prime à la conversion, mise en place en 2015, vise à favoriser le remplacement de véhicules anciens par des véhicules plus propres. Un acheteur, qui met au rebut un vieux véhicule polluant, peut bénéficier de cette prime allant jusqu'à 2.500 euros. Son montant dépend des performances du véhicule acquis en matière d'émissions de CO2 et de la situation fiscale du demandeur. Depuis cette année, cette prime s'applique aussi sous certaines conditions à l'achat de voitures d'occasion. Le dispositif a déjà permis le remplacement de plus de 220.000 véhicules.
 La "super prime" annoncée par Édouard Philippe consiste à doubler la prime pour deux catégories particulières de ménages : les 20% de foyers les plus modestes et les actifs non imposables contraints à de longs déplacements (salariés parcourant 60 km par jour pour aller travailler et indépendants). Elle atteindra 4.000 euros pour un véhicule thermique - diesel ou essence - et 5.000 euros pour une voiture hybride ou électrique, neuve ou d'occasion. Le nouveau dispositif vise au total 100.000 bénéficiaires.
 Depuis le début du quinquennat, 280.000 primes à la conversion ont été demandées a indiqué le Premier ministre, qui a confirmé la volonté du gouvernement de doubler le nombre d'attributions de prime de 500.000 à 1 million d'ici à 2022. La prime à la conversion subventionne également l'achat de trois-roues ou deux-roues motorisés, pour un montant de 1.100 euros pour un foyer non imposable et de 100 euros pour un foyer imposable, dans la limite du coût d'acquisition. Un montant maximum de 200 euros est également prévu pour l'achat d'un vélo à assistance électrique.
 En plus de la prime à la conversion, l'achat d'un véhicule électrique neuf donne droit à un bonus écologique. Ouvert à tous, sans conditions de ressources, il consiste en une prime de 6.000 euros. Si le Premier ministre n'est pas revenu sur cette mesure, le gouvernement a déjà annoncé qu'elle devrait être élargie aux hybrides rechargeables à partir de l'année prochaine.

Vers une suppression des chaudières individuelles au fioul d'ici dix ans

Le gouvernement veut en outre supprimer d'ici dix ans toutes les chaudières individuelles au fioul, encore utilisées par de nombreux Français, a annoncé Édouard Philippe. Pour cela, il veut "développer la prime à la conversion des chaudières" au fioul qui permettrait de prendre en charge "un tiers du coût global" de changement d'équipement. Le détail du dispositif sera connu d'ici à la fin du mois au moment de la publication de la feuille de route énergétique, précise-t-on au gouvernement. Actuellement, pour changer d'équipement de chauffage, les ménages peuvent déjà utiliser le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) ou les certificats d'économie d'énergie (CEE).

Défiscalisation des aides aux transports des collectivités

Édouard Philippe a aussi confirmé que les aides aux transports versées par les collectivités aux actifs qui font de longs trajets en voiture pour aller travailler seront exonérées d'impôt sur le revenu. La région des Hauts-de-France propose ainsi une aide de 20 euros par mois pour les personnes qui habitent à plus de 30 km de leur lieu de travail et qui n'ont pas d'autre choix que d'utiliser leur véhicule pour s'y rendre. Elle s'adresse à ceux qui perçoivent un salaire net inférieur ou égal à deux fois le Smic. Elle est normalement imposable mais elle sera défiscalisée, a assuré mercredi le Premier ministre, conformément au souhait formulé par le président de la République. Cela sera également le cas si d'autres régions adoptent un dispositif similaire et pour les aides versées par les collectivités pour le covoiturage. Le gouvernement a aussi annoncé qu'il proposera d'introduire dans le projet de loi de finances pour 2019 la possibilité d'exonérer de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu la participation des employeurs aux frais de covoiturage à hauteur de 200 euros par an. Le dispositif d'indemnités kilométriques, qui permet de déduire de ses revenus déclarés les frais liés aux déplacements professionnels, sera aussi élargi aux "petites cylindrées", soit les véhicules de 3 ou 4 chevaux, pour les Français roulant au moins "60-70 km" par jour, a dit Édouard Philippe.
 Des associations de lutte contre la pauvreté et de défense de l'environnement dont le WWF, la fondation pour la Nature et l'Homme (FNH) ont applaudi le maintien de la taxe carbone mais estimé qu'il était "temps de s'attaquer aux racines du problème qui nous enferment dans le piège du pétrole". En revanche, les "gilets jaunes" ne décolèrent pas. "Ce gouvernement est sourd, aveugle et ne voit pas l'état actuel du pays", a dénoncé Fabrice Schlegel, coordonnateur du mouvement à Dole, dénonçant de "l'enfumage".

Offensive sénatoriale lors de l'examen du projet de budget

En plein débat budgétaire, la majorité sénatoriale de droite du Sénat n'a pas non plus été convaincue par les annonces du gouvernement. "C'est toujours la même tuyauterie administrative et fiscale", a commenté lors d'une conférence de presse ce 14 novembre, le chef de file des Républicains au palais du Luxembourg, Bruno Retailleau, pointant "un raz-le-bol fiscal général". Lors de l'examen en séance de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2019, à partir du 22 novembre, le rapporteur général LR Albéric de Montgolfier proposera, entre autres mesures "en faveur du pouvoir d'achat", de supprimer "à compter de 2019" la hausse prévue de la taxe sur les carburants. Soit la suppression de la nouvelle hausse de 10 centimes sur l'essence et 19 centimes sur le diesel d'ici 2022, dont 3 centimes sur l'essence et 6 centimes sur le diesel en 2019. Albéric de Montgolfier a qualifié de "mesurettes" qui "ne touchent qu'une petite partie de la population" les aides annoncées par le Premier ministre pour changer de véhicule et payer ses factures d'énergie.
 "La transition énergétique a bon dos", a ajouté le rapporteur, pour qui "cette taxation supplémentaire ne va pas à la transition énergétique mais va au budget de l'État". Selon lui, le projet de loi de finances rectificative pour 2018, qui sera examiné ce 15 novembre par les sénateurs, montre pour sa part une diminution de 394 millions d'euros de la part de cette taxe affectée à la transition énergétique, "alors qu'elle devait augmenter de 184 millions d'euros, selon les prévisions du budget 2018". En 2019, sur les 37,7 milliards d'euros de recettes attendues, seuls 7,2 milliards sont affectés à la transition écologique, a-t-il ajouté.
 Outre le gel des taxes sur l'énergie à leur niveau de 2018, la commission des affaires économiques du Sénat a annoncé que l’amendement au PLF 2019 qui sera présenté par Daniel Grémillet (LR, Vosges) plaidera aussi pour le maintien du taux réduit pour le gazole non routier. En parallèle, la commission a aussi adopté plusieurs amendements destinés à "muscler les mesures de compensation et d’aide à la transition pour nos concitoyens, pour les secteurs économiques et pour les territoires les plus impactés", a-t-elle indiqué dans un communiqué ce 14 novembre. Elle a ainsi prévu un doublement du montant du chèque énergie lorsqu’il est utilisé pour financer des travaux de rénovation, "pour aider à traiter les causes plutôt que les symptômes de la précarité énergétique". Elle veut aussi instaurer une aide spécifique aux consommateurs précaires qui seront contraints de changer leur chaudière dans les prochains mois en raison d’un changement de gaz distribué dans le nord de la France. Elle a également voté la création d’une nouvelle ligne budgétaire, à l’instar de celle existante pour Fessenheim, pour indemniser et accompagner la fermeture des quatre dernières centrales à charbon d’ici 2022, ainsi qu'un soutien renforcé aux énergies renouvelables thermiques, par un abondement de 100 millions du budget du fonds chaleur de l’Ademe pour 2019.

Dans les Hauts-de-France, 20 euros par mois pour aller travailler en voiture

Dans les Hauts-de-France, les salariés habitant à plus de 30 kilomètres de leur lieu de travail et sans autre choix que d'utiliser leur véhicule peuvent bénéficier d'une aide régionale au transport de 20 euros par mois qui est aujourd'hui imposable. Pour bénéficier de cette aide, les salariés doivent toucher moins de 2.300 euros nets par mois, vivre dans une commune qui ne dispose pas de transports publics ou avoir des "horaires décalés", a expliqué à l'AFP Xavier Taquet, directeur de cabinet du président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand (ex-LR). Par ailleurs, les bénéficiaires doivent être salariés en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée d'au moins un mois.
 Cette initiative a été mise en place en mars 2016 et depuis, quelque
 "43.000 aides ont été versées", selon Xavier Taquet. "Lors de la campagne" pour les régionales de 2015, "on entendait plein de salariés nous dire 'ça me coûte d'aller travailler'. Avec cette aide, on souhaitait revaloriser le travail et donner du pouvoir d'achat à ceux qui bossent", dit-il.
 Le président de la République a annoncé ce mardi vouloir défiscaliser cette aide qui coûte à la région environ 2,5 millions d'euros chaque année. "Nous réclamons cette défiscalisation depuis mai 2016, on considère que ce n'est pas une aide au revenu mais une aide à la mobilité", explique Xavier Taquet.

AFP