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PLF 2019 - Volet "finances locales" : le point après le vote par les députés de la première partie du texte

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, ce mardi 23 octobre, la première partie du projet de loi de finances pour 2019, c'est-à-dire le volet du texte qui porte sur les recettes. Ce vote acquis à une large majorité (346 voix pour et 181 voix contre) arrive au terme d'une discussion marathon, 2.400 amendements ayant été déposés. La majorité a entériné la reconduction en 2019 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à son niveau de 2018, rejetant ainsi les demandes de l'opposition visant à la relever (par exemple pour prendre en compte l'inflation). Mais, au terme de cette première étape dans le parcours parlementaire du texte, le volet concernant les finances des collectivités territoriales a subi plusieurs modifications. Au passage également, plusieurs dispositions nouvelles concernant notamment l'environnement et les transports. Localtis fait le point.

Demi-part fiscale et taxe d'habitation - Les députés ont eu à traiter des effets de la suppression, décidée en 2008, de la demi-part fiscale supplémentaire attribuée aux veuves et veufs ayant eu un ou plusieurs enfants, un casse-tête auquel la précédente majorité avait eu déjà à faire face. L'augmentation du revenu fiscal de référence de certaines de ces personnes était liée à la réduction du nombre de leurs parts fiscales et non à une hausse de leurs revenus. Elle devait les conduire à dépasser les seuils d'exonération de taxe d'habitation et de contribution à l'audiovisuel public. Ces contribuables risquaient, ainsi, de voir leur pouvoir d'achat sensiblement entamé. Sous la précédente législature, la majorité de gauche avait instauré un dispositif de lissage sur cinq ans visant à neutraliser de telles conséquences. L'an dernier, l'Assemblée nationale avait pris une mesure préservant les personnes concernées pendant encore un an. Dans le cadre du PLF 2019 cette fois, les députés ont adopté (après l'article 3) un amendement du gouvernement reconduisant l'année prochaine l'exonération de taxe d'habitation et de redevance télévisée. Selon le ministre de l'Action et des Comptes publics, le dispositif bénéficiera à 550.000 contribuables, pour un coût de 110 millions d'euros pour l'État.

TVA des régions - Dans la nuit du vendredi 19 au samedi 20 octobre, les députés ont supprimé l'article 26 qui avait pour effet de réduire des trois quarts, à partir de 2021, la progression annuelle de la fraction de TVA accordée aux régions (4,1 milliards d'euros en 2018). La perte se serait élevée en 2021 à plus de 100 millions d'euros pour les régions. Il s'agissait, d'après le rapporteur général du budget, de "neutraliser", sur la fraction de la TVA affectée aux régions, le montant de TVA reversé aux collectivités territoriales via le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) "qui n’a pas été véritablement perçu par l’État puisque préalablement affecté aux régions". "Cette mesure se justifiait, d’un point de vue technique", a insisté Joël Giraud. Mais, à l'instar des divers groupes politiques de l'Assemblée nationale, le député a déposé un amendement supprimant la disposition. Quelques heures auparavant, le Premier ministre avait pris l'engagement devant les présidents de régions, de retirer la mesure contre laquelle ils s'étaient élevés. Ce faisant, il avait fait un pas en leur direction. Ce que les intéressés avaient reconnu dans la foulée, dans un communiqué.

DCRTP - L'article 23 concrétise la promesse faite, fin mars, par le gouvernement de revenir sur la minoration (à hauteur de 107 millions d'euros) de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, inscrite dans la loi de finances pour 2018. La dotation avait été en effet introduite dans le périmètre des variables d'ajustement qui sont réduites pour financer la hausse de certains crédits aux collectivités territoriales. Des communautés défavorisées auraient dû renoncer à une part importante de leurs ressources.
Dans un souci d'équité, les députés sont aussi revenus sur la minoration en 2018 de la DCRTP des communes. La loi de finances pour 2018 avait préservé de cette ponction les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU), mais pas les autres. Les 140 communes qui devraient bénéficier de l'amendement de la commission des finances vont conserver ainsi 15 millions d'euros. Il sera "tenu compte de cette non-minoration sur le calcul des variables d’ajustement appliquées en 2019", indique l'amendement.
Le ministre de l'Action et des Comptes publics a donné son accord. Mais il a prévenu que, malgré ses efforts pour "anticiper le vote du Parlement", la direction générale des finances publiques ne sera peut-être pas "en mesure d’appliquer la correction" pour les mois de novembre et décembre 2018. Gérald Darmanin a promis d'apporter "dans les jours qui viennent" des précisions à ce sujet.

Teom - Les contentieux sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom) se sont multipliés ces dernières années. En cause : l'inadéquation entre le produit et le taux de la taxe, d'une part et les dépenses pouvant être engagées par la collectivité avec cette ressource, d'autre part. Or, actuellement, les dégrèvements de Teom consécutifs aux décisions de justice constatant une "disproportion" du produit de la taxe, sont intégralement à la charge de l’État. Ce dernier risque de perdre au total la bagatelle de 220 millions d'euros. L'article 7 du projet de loi met donc à la charge des communes et des établissements publics de coopération intercommunales (EPCI) à fiscalité propre tout dégrèvement faisant suite à un jugement fondé sur l'inadéquation de la taxe avec le coût de la collecte des déchets. L’administration fiscale communiquera aux structures concernées, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision du tribunal (et non un mois comme le prévoyait initialement le projet de loi) le montant de la taxe dégrevée.
Par ailleurs, pour favoriser l’institution par les collectivités territoriales de la part incitative de la Teom, la diminution des frais de gestion perçus par l'État prévue dans le projet de loi initial – de 8 % à 3 % – a été étendue aux cinq premières années (contre les trois premières, initialement) au cours desquelles est mise en œuvre la tarification incitative.

TGAP déchets - L’article 8 sur la TGAP déchets, fortement combattu par l’association de collectivités et de professionnels Amorce, a été modifié à la marge par deux amendements défendus par le gouvernement. Le premier porte sur la grille de tarifs prévus en hausse entre 2021 et 2025 afin de rendre la mise en décharge et l’incinération plus chères que le recyclage. Il crée un tarif réduit pour les résidus de tri issus de centres de tri performants réceptionnés dans des installations d’incinération présentant un haut rendement énergétique. Appliquer une TGAP pleine augmenterait le coût du recyclage et irait donc à l’encontre du but recherché par les pouvoirs publics, justifie le gouvernement. Il précise qu’il "n’est pas proposé une exonération totale afin de maintenir une incitation à privilégier l’utilisation de ces résidus en tant que combustibles à la place des énergies fossiles, utilisation qui reste limitée, mais qui est préférable sur le plan environnemental". Le deuxième amendement vise à résoudre le problème posé par les anciennes décharges, fermées depuis plusieurs années, lorsque les déchets qu’elles renferment doivent être déplacés vers une autre installation de stockage, par exemple en raison de risques écologiques. "L’exploitant n’existant plus d’un point de vue juridique, c’est alors la collectivité territoriale qui supporte le paiement de la taxe générale sur les activités polluantes générée à l’occasion de ce transfert, ce qui peut placer certaines petites communes dans une situation financière inextricable, souligne l'exposé des motifs. Par ailleurs, lorsque ces déchets ont déjà été taxés dans la première installation, le transfert génère une double-imposition qui n’est pas justifiée." L'amendement propose donc d’élargir les cas d’exemption de TGAP-déchets aux décharges de plus de 20 ans fermées avant l’introduction de cette taxe au 1er janvier 1999 et à celles dont l'exploitation a été autorisée mais qui ne sont plus exploitées.

Taxes à faible rendement - Sur la liste des petites taxes se trouvant dans leur collimateur, les députés ont ajouté la taxe sur les friches commerciales (article 9). Et ce malgré l'avis défavorable du ministre de l'Action et des Comptes publics. 235 communes et 31 EPCI englobant 920 communes perçoivent cette ressource. En compensation, ces structures verront leur dotation globale de fonctionnement être majorée. Les députés ont aussi voté la suppression de deux autres taxes qui avaient été adoptées lors du projet de loi de finances pour 2018 : celle sur la recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux qui devait représenter un bénéfice inférieur à 1 million d’euros, selon l'exposé des motifs de l'amendement, et celle sur la recherche de gîtes géothermiques à haute température, dont le produit était évalué à 0,04 million d’euros.

Fermeture des centrales - Les députés ont élargi le bénéfice du nouveau mécanisme de compensation de perte de ressources de contribution économique territoriale (CET) et du nouveau fonds de compensation horizontale pour l’accompagnement à la fermeture des centrales nucléaires et thermiques (article 25). Un amendement LREM permet en effet d'"accompagner les territoires subissant, en ce moment même, les conséquences de la fermeture d’une industrie thermique carbonée, en prolongeant pour eux aussi de trois à cinq ans la durée de la compensation de perte de bases de CET et en leur étendant le mécanisme relatif à l’Ifer [ndlr : imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux], à condition qu’ils aient bénéficié pour la première fois en 2018 du dispositif touchant la CET".

Concessions d'infrastructures - L'article 13 revoit les règles d’encadrement de la déductibilité des charges financières des entreprises en transposant l’article 4 d'une directive européenne du 12 juillet 2016 visant à lutter contre les pratiques d’évasion fiscale. Comme le permet la directive, les intérêts supportés par le cocontractant de l'administration pour des projets d’infrastructures publiques de long terme construits ou acquis dans le cadre de concessions ont été exclus. D'ici à la prochaine lecture du texte, les députés vont se pencher sur l'éventualité d'instaurer des seuils dans la loi, plusieurs députés, dont l'ancien rapporteur général du budget, Gilles Carrez, ayant explicitement souhaité que les concessions autoroutières ne bénéficient pas de la mesure.

Véhicules électriques - L’article 2 sexies vise à modifier le barème d’indemnisation kilométrique pour rendre plus attractive l’utilisation de véhicules électriques par les salariés. Il permet ainsi de créer un taux différencié en fonction du type de motorisation dans le barème officiel d’indemnisation kilométrique fixé par arrêté. Il vise également à inciter le gouvernement à prendre les dispositions réglementaires nécessaires afin de créer des taux différenciés pour le calcul de l’avantage en nature découlant de la mise à disposition de véhicules de fonction aux salariés selon qu’ils soient électriques ou thermiques.

Energie solaire - L’article 5 bis, issu d'amendements des groupes LREM et socialiste, entend permettre la comptabilisation de l’énergie solaire thermique dans la détermination du seuil de 50% d’énergie renouvelable ou de récupération permettant l’application du taux réduit de 5,5% de la TVA à la fourniture de chaleur. L’énergie solaire sera donc traitée dans les mêmes conditions que l’énergie issue de la biomasse, de la géothermie, des déchets ou que l’énergie de récupération, selon l'exposé des motifs des amendements.

Ports de plaisance outre-mer – Plusieurs amendements identiques à l'article 6 visent à inclure les activités du nautisme et de la plaisance au bénéfice des abattements renforcés des zones franches d’activité – nouvelle génération  / ZFANG, au même titre que le tourisme. Selon les auteurs des amendements, cette mesure trouve son origine dans un rapport d’inspections (CGEFI/ IGA/ CGEDD) d’octobre 2016 intitulé "renforcement de l’attractivité et de la compétitivité des ports de plaisance des régions et départements d’outre-mer. Celui-ci estimait que le secteur du nautisme, aujourd’hui fortement exposé à la concurrence des pays tiers, devait, à ce titre, pouvoir bénéficier de mesures d’accompagnement et de soutien à la compétitivité afin de favoriser l’émergence d’une véritable filière qui s’inscrit dans une stratégie de développement touristique de long terme.

Domaine public portuaire – Un article additionnel après l'article 10 prévoit d'étendre au domaine public portuaire une disposition existant déjà pour le domaine public fluvial. Cette mesure donne ainsi la possibilité aux gestionnaires du domaine public portuaire d’instaurer une majoration de redevance en cas d’occupation irrégulière de ce domaine. "Il s’agit de dissuader et de sanctionner plus efficacement les occupants sans titre et de compenser les avantages que ceux-ci tirent de l’occupation – irrégulière – du domaine public maritime portuaire", souligne l'exposé des motifs de l'amendement.

TICPE - L’article 19 qui supprime une niche fiscale défavorable à l’environnement, à savoir le tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier (sauf pour les entreprises du secteur ferroviaire et du secteur agricole), a été adopté alors qu’il avait été rejeté en commission des finances. Le gouvernement a soutenu un amendement afin d’exonérer de TICPE les carburants (gazole ou essence) ou combustibles utilisés dans le cadre de la navigation fluviale à l’instar des exonérations existant pour la navigation maritime ou aérienne. Un autre amendement de la commission des finances autorise pendant un an les entreprises du secteur ferroviaire à acquérir du gazole normalement réservé à un usage agricole, avant le déploiement du remboursement a posteriori de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.

Fioul lourd - L’article 19 bis, créé par un amendement "d'appel" du groupe Modem vise la suppression d’une dépense fiscale "potentiellement dommageable pour le climat", à savoir l’exonération de taxes intérieures de consommation pour dix ans pour les livraisons de fioul lourd d’une teneur en soufre supérieure à 1 % utilisé dans les installations de cogénération équipées de dispositifs de désulfuration des fumées (art. 266 quinquies A du code des douanes).

Centres de stockage de données numériques - L’article 19 ter, créé sur proposition d’Éric Bothorel (LREM), complète l’article 266 quinquies C du code des douanes en mettant en place un tarif réduit de taxe intérieure de consommation d’électricité au bénéfice des centres de stockage de données numériques. "L’indépendance nationale en matière d’hébergement de données et la sécurité juridique des données hébergées sont des enjeux cruciaux pour de nombreux secteurs industriels, a justifié le député. Pour cette activité, le choix du positionnement géographique des centres est fortement déterminé par le coût de l’électricité, qui représente près de 30 % des coûts d’exploitation".

Transport routier - L’article 19 quater, créé suite à un amendement déposé par Joël Giraud et le groupe LREM, a pour objet d’encourager l’investissement des entreprises, notamment de transport routier, dans des solutions de mobilité plus respectueuses de l’environnement et de la qualité de l’air (biométhane, gaz naturel, pile électrique, pile à hydrogène).

Conservatoire du littoral – Un amendement crée un article additionnel après l'article 29 qui prévoit de compenser partiellement la baisse de rendement du droit de francisation et de navigation. Il vise plus précisément à consolider la ressource fiscale mobilisable au profit du financement de la filière de recyclage des bateaux hors d’usage en cours de création et de l’action du Conservatoire du littoral. Un deuxième amendement crée un autre article additionnel visant à geler les catégories d’abattement vétusté appliqués au droit de francisation et de navigation de façon à stabiliser la principale ressource du Conservatoire du littoral.

Malus écologique – Un amendement du gouvernement à l’article 33 modifie le malus écologique "pour tenir compte de deux évolutions distinctes : le changement des méthodes d’homologation des véhicules, qui modifie les émissions normalisées, et le relèvement du niveau de recettes visé". Par ailleurs, un autre amendement crée un article après l’article 33 pour soumettre les pick-up au malus écologique et à la taxe sur les véhicules de société.

Pinel dans les territoires en redynamisation de site de défense - Les logements situés dans des communes dont le territoire est couvert par un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD) sont éligibles au dispositif de réduction d’impôt accordé au titre des investissements locatifs intermédiaires, dite réduction d’impôt "Pinel", dans un délai de 5 ans précédant l’investissement (après art.2). Pour rappel, le "Pinel" avait été recentré et prorogé de 4 ans dans la LFI 2018.

Taxe sur les ventes HLM - Un amendement à l'article 9, présenté par les socialistes François Pupponi, Georges Pau-Langevin et Serge Letchimy, a été adopté, visant à supprimer la taxe sur les ventes de logements HLM introduite dans la LFI 2018 et qui devait alimenter indirectement le fonds national des aides à la pierre (Fnap). "C'est l’application prématurée de cette taxe qui est en cause", indique l'exposé des motifs. "Elle peut se concevoir dans le cadre du projet du gouvernement de développer la vente HLM mais elle n’est pas conçue pour fonctionner dès maintenant, alors que le nombre de ventes HLM est encore très limité". Les auteurs de l'amendement précisent que "ce report n’a pas d’incidence sur le montant global de la contribution des bailleurs sociaux au Fnap, qui reste fixé par la loi de finances pour 2018 à 375 millions d'euros (à défaut de taxe, ce montant sera alimenté par les autres contributions dont les organismes HLM sont redevables)".

Particuliers hébergeant des personnes sans domicile - Deux amendements après l'article 2, signés du groupe LREM, encouragent l'hébergement de personnes sans domicile ou en grande difficulté par des particuliers, via des déductions fiscales. Le premier prévoit que le propriétaire mettant gracieusement un bien immobilier à disposition "d'une association d'accueil et de logement des personnes défavorisées ou de ressources modestes reconnue d'utilité publique" peut déduire de son impôt sur le revenu le montant de la taxe foncière correspondant au bien. Le second amendement ouvre un droit à déduction de l'impôt sur le revenu, à hauteur de 66% de la valeur locative d'un bien immobilier mis gracieusement à disposition de ces associations. Voir aussi notre article du 22 octobre 2018.

Particuliers accueillant un réfugié - Un amendement après l'article 2, déposé par Aurélien Taché et une soixantaine de députés du groupe LREM, a été voté contre l'avis du gouvernement, visant à instaurer un crédit d'impôt sur le revenu pour les particuliers hébergeant gratuitement un réfugié, en France depuis moins d'un an. Voir aussi notre article du 18 octobre 2018.
 

Dans la foulée du vote sur le PLF 2019, l'Assemblée nationale a débuté, ce mardi, la discussion publique du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Elle reprendra le 30 octobre l'examen du projet de loi de finances pour 2019. Mais, cette fois, ses travaux porteront sur la seconde partie (dépenses). La commission des finances du Sénat examinera pour sa part, le 14 novembre, les articles de la première partie du projet de loi.