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Social - Le gouvernement présente un projet de loi pour lutter contre le surendettement

A l'origine, il devait uniquement s'agir d'un projet de loi transposant une directive européenne sur le crédit à la consommation. Mais, devant les conséquences de la crise économique et sociale, le gouvernement a finalement choisi d'étoffer le texte pour en faire un véritable ensemble de mesures contre le surendettement. A l'issue d'une réunion à Bercy, le 16 mars, avec les associations de consommateurs, Christine Lagarde, Martin Hirsch et Luc Châtel - le secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation - en ont exposé les grandes lignes lors d'une conférence de presse. Le projet de loi devrait ensuite être présenté au Conseil des ministres du 15 avril, en vue d'une adoption par le Parlement avant l'été et d'une entrée en vigueur au 1er janvier 2010. Selon la ministre de l'Economie, l'objectif est de "rendre le crédit plus responsable et plus transparent". En matière de surendettement, la France est loin de connaître la situation des pays anglo-saxons, grâce notamment à un ensemble de textes protecteurs depuis plusieurs années : loi Scrivener de 1978, loi Neiertz de 1989, lois Borloo de 2003 et 2005, loi de sécurité financière de 2003 ou encore loi Châtel de janvier 2005. Elle compte néanmoins environ 180.000 dossiers de surendettement déposés chaque année et ce chiffre s'est nettement accru depuis cinq ans, même si cette hausse résulte pour partie des nouveaux textes adoptés.
Les mesures envisagées par le gouvernement comportent plusieurs aspects. Le délai de rétractation après la souscription d'un crédit sera ainsi porté de 7 à 14 jours (transposition de la directive européenne) et les crédits automobiles seront davantage contrôlés (avec un relèvement du seuil de 21.000 à 75.000 euros). Par ailleurs, tous les documents promotionnels faisant état d'un crédit devront comporter la mention "Un crédit vous engage et doit être remboursé". Pour limiter le "mal endettement", le prêteur aura désormais l'obligation de consulter le fichier FICP (fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers). Jusqu'alors, cette consultation n'était que facultative et assez peu pratiquée dans les faits. De même, l'emprunteur pourra dorénavant choisir librement son assurance-crédit et les tarifs de cette dernière devront être clairement affichés en euros et par mois. Plusieurs mesures spécifiques visent le crédit renouvelable (ou "revolving") dont le coût et le danger en termes de surendettement sont dénoncés par toutes les associations. Sans aller jusqu'à interdire l'offre de crédit renouvelable dans les grandes surfaces - comme le propose le sénateur Marini, rapporteur général de la commission des finances -, le projet prévoit notamment que les échéances devront comporter une part de remboursement du capital (aujourd'hui, elles ne comportent dans un premier temps que les intérêts). Par ailleurs, le relevé mensuel devra indiquer l'échéance du remboursement et les publicités seront "harmonisées", selon des modalités qui restent à définir. D'autres dispositions visent également à encadrer le rachat de crédits. Enfin, un volet consacré au traitement du surendettement ramène de 3 à 6 mois le délai laissé à la Banque de France pour décider de la recevabilité d'un dossier de surendettement et fixe à 5 ans - au lieu de 8 à 10 ans actuellement - la durée d'inscription au FICP. Ces mesures avaient toutefois déjà été annoncées par Christine Lagarde le 29 septembre dernier (voir notre article ci-contre).
Ces mesures ont été accueillies avec un certain scepticisme par les associations de consommateurs. Tout en se félicitant de la démarche, elles regrettent que le projet ne s'attaque pas au coût du revolving et n'aille pas plus loin dans l'encadrement de ce type de crédit (avec par exemple l'interdiction d'associer une réserve d'argent avec une carte de fidélité ou de paiement). Si les mesures prévues sont effectivement appliquées, elles devraient cependant avoir un impact réel. Une étude de l'UFC Que Choisir, publiée le 13 mars et portant sur 1.118 propositions de crédits, montre en effet que 72% des distributeurs sollicités ont orienté le consommateur vers un crédit revolving, que 82% des établissements n'ont donné aucune information claire et lisible sur les caractéristiques du prêt (coût total, taux d'intérêt, mensualité, montant de la réserve...) et que 87% n'ont pas vérifié la solvabilité de l'emprunteur, ni prêté attention à son projet.

 

Jean-Noël Escudié / PCA