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Campements illicites - Le gouvernement veut accélérer les évacuations et faciliter les expulsions

Un mois après la réunion de l'Elysée, le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux s'est félicité, lundi 30 août, du rythme qu'ont pris les évacuations de camps illicites de Roms qui, selon lui, posent de "graves problèmes de sécurité, de salubrité et de dignité". Depuis le 28 juillet, 128 camps illicites ont ainsi été évacués, 977 personnes ont été raccompagnées dans leur pays d'origine, la plupart de manière volontaire. "Les opérations vont se poursuivre car c'est légitime et nécessaire", a insisté le ministre, rappelant que l'objectif fixé par le président de la République était d'évacuer la moitié des 300 camps illicites recensés dans un délai de trois mois. Brice Hortefeux, accompagné du ministre de l'Immigration, Eric Besson, et du sécrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, a ironisé sur la demande de la présidente de la communauté urbaine de Lille de faire procéder à l'évacuation de deux camps de Roms. Evacuations qui ont eu lieu les 19 et 26 août. "Il y a la Martine Aubry de Lille la semaine et la Martine Aubry de La Rochelle le week-end", a-t-il dit. Dans l'intervalle, le vice-président de la communauté urbaine de Lille, Michel-François Delannoy avait tenté de couper court à la polémique ouverte par François Fillon un peu plus tôt. "La dernière demande de libération de terrain occupé par des Roms faite par la communauté urbaine remonte au 30 juin, et elle a été faite pour des raisons de salubrité et de mise en danger de la vie des personnes vivant sur le campement", avait-il indiqué lors d'une conférence de presse. "Jamais nous n'avons voulu enclencher de procédures d'expulsions du territoire français pour ces personnes. Et nous ne voulons pas être complices de ces reconduites à la frontière", a-t-il insisté.

Dans son long discours, Brice Hortefeux a justifié la politique du Gouvernement en indiquant que la délinquance causée par des Roumains dans la capitale avait augmenté de 259% en dix-huit mois. "Aujourd'hui, à Paris, la réalité est que près d'un auteur de vol sur cinq est un Roumain" et "un vol commis par un mineur sur quatre l'est par un mineur roumain", a-t-il déclaré. Le préfet de police Michel Gaudin lui a emboîté le pas en précisant qu'un acte de délinquance sur vingt était commis par un Roumain (5,71 %). "Dans cette délinquance roumaine, 48,7% sont des mineurs", a-t-il ajouté.

"Mendicité agressive"

Le gouvernement a annoncé une série de mesures législatives à la rentrée, à commencer par l'examen au Sénat, à partir du 7 septembre, de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure 2 (Loppsi) dont une disposition vise à faciliter les évacuations. La Loppsi introduira la notion de "campements illicites" alors que la loi actuelle s'en tient aux "stationnements illégaux". Surtout, elle confiera aux préfets la possibilité de procéder à une exécution d'office d'évacuation.

Brice Hortefeux a également abordé la question des gens du voyage et une nouvelle fois rappelé les obligations des maires découlant de la loi du 5 juillet 2000. Selon lui, 66% des aires d'accueil ont été réalisées ou sont sur le point de l'être. "Les élus locaux font remarquer que les normes sont trop complexes et trop coûteuses, et qu'elles constituent un frein à la mise en place de ces aires d'accueil," a encore souligné le ministre, précisant qu'une "réponse technique" serait apportée.

Eric Besson a annoncé de son côté une série d'amendements dont un au projet de Loppsi 2 élargissant les reconduites aux cas de "menace à l'ordre public à l'occasion d'actes répétés de vols ou de mendicité agressive". Il soumettra aussi deux amendements au projet de loi sur l'immigration qui sera examiné le 27 septembre à l'Assemblée nationale. L'un d'eux permettra de "sanctionner ceux qui abusent du droit au court séjour afin de contourner les règles plus strictes du long séjour". "Pour les séjours courts, les ressortissants européens ne doivent pas menacer l'ordre public ou constituer une charge déraisonnable pour le système d'assurance sociale, a rappelé le ministre. Alors que pour les séjours de plus de trois mois, ils doivent disposer d'un emploi ou de ressources suffisantes." Enfin, un amendement permettra "la reconduite dans leurs pays d'origine des personnes qui représentent une charge déraisonnable pour notre système d'assistance sociale".

Fichier biométrique

Brice Hortefeux et Eric Besson, qui restent en désaccord sur la question de la déchéance de la nationalité (point qui doit être arbitré par le président de la République vendredi), se sont défendus de toute stigmatisation. "Les Roms ne sont pas considérés en tant que tels, mais comme des ressortissants du pays dont ils ont la nationalité", a observé Eric Besson. Pierre Lellouche a d'ailleurs rappelé les obligations qui incombaient à la Roumanie sur ses propres ressortissants. Il s'est étonné que sur les 20 milliards de fonds structurels que la Roumanie doit percevoir entre 2007 et 2013, seulement "0,4% sont consacrés à l'insertion des Roms". Il a également souligné que la France était "le seul pays européen à accompagner les personnes reconduites avec 300 euros et des projets d'insertion de 3.600 euros". Afin d'éviter les fraudes à l'aide au retour volontaire, le fichier Oscar (outil simplifié de contrôle des aides au retour) sera activé dans sa phase biométrique à compter du 1er octobre.

L'unité affichée par les trois ministres a du mal à masquer les fractures que ce débat a suscitées au sein du Gouvernement. Après les réserves d'Hervé Morin, ministre de la Défense, et Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, c'était au tour de Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Ville, de dénoncer, mardi matin sur RTL, la "surenchère" de Brice Hortefeux.
 

Michel Tendil

 

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