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Rénovation urbaine et architecture - Le ministre de la Ville favorable à la démolition d'un bâtiment signé Chemetov à Courcouronnes

François Lamy a apporté, lundi 15 avril, son soutien aux élus locaux favorables à la démolition, dans le cadre d'une opération Anru, d'un bâtiment de 82 logements sociaux construit à Courcouronnes (Essonne), en 1983, par Paul Chemetov. L'architecte, couronné Grand Prix national de l'architecture en 1980, auteur par exemple du ministère de l'Economie et des Finances (Bercy), a en effet déposé un référé au nom de la "propriété intellectuelle" et du "droit d'auteur". Le tribunal de grande instance de Paris doit rendre sa décision jeudi 18 avril.
Sans attendre, le ministre délégué à la Ville, par ailleurs ancien député-maire de Palaiseau (Essonne), a estimé, lors d'une visite à Courcouronnes que "le bâtiment n'est plus à sa place". "Un immeuble n'appartient pas à son architecte. Ce n'est pas une sculpture, c'est un produit qui vit (...) un immeuble, ça appartient après sa construction à ses habitants, à sa ville et à son environnement et là il se trouve que ce bâtiment n'est pas classé, n'est pas labellisé et il ne sera pas classé, il ne sera pas labellisé", a poursuivi François Lamy.
Le permis de démolir du bâtiment de Courcouronnes, restauré il y a peu, a été accordé le 14 janvier, comme l'indique un panneau de la communauté d'agglomération Evry Centre Essonne apposé sur l'immeuble. Il n'abrite plus aujourd'hui que deux familles.

"Faire table rase du patrimoine du XXe siècle ?"

Paul Chemetov dénonce le fait de "dépenser plus de 7 millions d'euros pour démolir des logements habitables alors que l'on déplore leur pénurie" et de " faire table rase du patrimoine du XXe siècle, qui est le nôtre". C'est ce deuxième argument qui a été repris cet été par des "starchitectes" comme Jean Nouvel, Dominique Perrault ou encore Rudy Ricciotti, dans une pétition intitulée "Faut-il démolir le patrimoine du XXe siècle?". A l'époque, Stéphane Beaudet, maire de Courcouronnes et vice-président de la communauté d'agglomération Evry Centre Essonne, avait estimé que la pétition traduisait un "corporatisme puant".
Quelques mois auparavant, le conseil national de l'Ordre des architectes avait adressé une lettre ouverte au ministre de la Culture de l'époque, Frédéric Mitterrand, plaidant pour la préservation du patrimoine contemporain et lui rappelant que "le patrimoine architectural dont vous avez la responsabilité est une des principales richesses de notre pays" (voir notre article ci-contre du 13 mars). La lettre citait en exemple quatre réalisations qui "risquent de perdre leur identité et leur caractère original au prétexte d'une rénovation (ou extension) conduite au mépris des principes de base du droit moral des auteurs", dont le bâtiment de Paul Chemetov à Courcouronnes.

Un groupe de médiation... sans le ministère de la Ville ?

A la suite de cela, Frédéric Mitterrand aurait proposé de constituer un groupe de médiation composé notamment de représentants du ministère de la Culture, de l'Ordre des architectes, des ayants droit, d'associations d'usagers, avec pour mission de "préserver la pérennité des bâtiments présentant une valeur patrimoniale". C'est ce que l'Ordre a rappelé à la ministre actuelle de la Culture, ou plutôt à son directeur de l'architecture, Bertrand Pierre Galey, dans une lettre adressée le 11 avril dernier. Cette lettre rappelle surtout que "la mise en place de ce groupe avait requis le plein accord de Madame Aurélie Filippetti lorsque je lui en ai fait part lors de notre entretien du mois de juin dernier", signale Lionel Carli. Le président de l'Ordre constate également avec amertume, à propos de la démolition du bâtiment de Paul Chemetov à Courcouronnes, que "cette décision n'a, visiblement, fait l'objet d'aucune consultation préalable, d'aucun dialogue entre l'architecte, les occupants de l'immeuble ou les habitants de la commune de Courcouronnes". Et de relancer l'idée du "groupe de médiation"…
C'est dans le cadre de ce dialogue de sourds (mais n'est-il pas meilleur sourd que celui qui ne veut pas entendre ?) que François Lamy a exprimé, ce 15 avril, la voix du ministère délégué à la Ville, trois jours avant la décision du tribunal.