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Refondation de l'école - Le Sénat adopte en première lecture le projet de loi Peillon

Le Sénat a adopté, dans la nuit du vendredi 24 au samedi 25 mai, en première lecture, par 176 voix contre 171, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Le texte sera examiné par l'Assemblée nationale en seconde lecture à partir du lundi 3 juin. Point par point, Localtis a listé les amendements, adoptés ou non, et les débats qu'ils ont suscités concernant les rôles et compétences des collectivités territoriales dans la refondation de l'école.




Pilotage du PEDT - Un amendement (non adopté) voulait spécifier que "le projet éducatif territorial relève de l'initiative de la commune ou de l'EPCI compétent, pour l'organisation partenariale d'activités périscolaires", comme l'a expliqué le sénateur UMP Jacques Legendre qui le défendait. La réponse de la sénatrice (PS) Françoise Cartron est d'autant plus instructive que le ministre s'est rangé à son avis (sans plus de commentaire). La rapporteure a fait valoir, pour expliquer son avis défavorable, que "les PEDT peuvent être mis en place aussi bien dans les écoles, les collèges et les lycées. Il n'y a donc aucune raison de privilégier systématiquement le maire par rapport à un représentant du conseil général ou du conseil régional".

Partenariat du PEDT - Dans la discussion générale, Vincent Peillon n'a pas caché que la mise en œuvre des projets éducatifs territoriaux (PEDT) sera "évidemment difficile" car "il est difficile de s'ouvrir aux autres, de travailler avec les autres". "Les collectivités locales financent 25% de l'investissement éducatif en France. Il faut demander à l'Etat d'accepter de leur parler, car les collectivités ne sont pas seulement des carnets de chèques. Il faut également dire aux professeurs que les éducateurs sont des gens respectables, auxquels on confie d'ailleurs les enfants", a-t-il ajouté. Mais, comme il le redira à plusieurs reprises au cours du débat : "J'assume la responsabilité de l'Etat ; aux collectivités locales d'assumer leurs responsabilités, qui sont différentes. Il faut associer tout le monde à la réforme."

Mise en place des rythmes scolaires – Pas de modifications sur la mise en place des rythmes scolaires (dont ce n'est pas l'objet de la loi), Vincent Peillon ayant répété plusieurs fois la même chose : "La mise en place de la réforme des rythmes scolaires, ce n'est pas une question de richesse ou de pauvreté des collectivités locales. Certaines collectivités parmi les plus pauvres de France – Roubaix ou Denain, par exemple – passeront dès cette année à la semaine de cinq jours." Et d'évoquer également  "des départements extrêmement ruraux, à commencer par celui du président de votre noble assemblée ou celui de Jean-Michel Baylet, dans lesquels de nombreuses communes passeront dès 2013 à la semaine de cinq jours. La commune du président de l'Association des maires ruraux de France, Vanik Berberian, qui, je crois, compte 150 habitants, y passera elle aussi dès cette année."
"La mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires constitue l'exemple type de ce qu'il ne faut pas faire avec les collectivités territoriales. Monsieur le ministre, vous leur avez imposé une réforme sans les avoir réellement écoutées et en leur demandant de tout mettre en œuvre en six mois", a cependant rétorqué la sénatrice (UDI) Françoise Férat.

Education artistique – La sénatrice (RDSE) Françoise Laborde n'a pas réussi à faire passer son amendement visant à ce que l'éducation artistique et culturelle se déroule sur le temps scolaire afin de "s'assurer que l'éducation artistique et culturelle profite bien au plus grand nombre". "Si vous adoptez cet amendement, vous tuez le parcours d'éducation artistique et culturelle", a menacé Vincent Peillon, "tout le travail que nous avons mené avec les Drac, le ministère de la Culture, le patrimoine, les collectivités locales et les associations d'élus pour essayer précisément de construire des synergies, s'arrêtera".
En revanche, le gouvernement a été plus clément avec l'amendement de la sénatrice (CRC) Annie David qui, lui aussi entendait "réaffirmer que l'éducation artistique et culturelle comprend, en plus du parcours local, des enseignements artistiques qui font partie intégrante de la formation scolaire primaire et secondaire et qui constituent la base de cette éducation", tout en précisant que "le parcours local doit être considéré comme un complément – indispensable, mais un complément".

Inégalités sociales et territoriales - Un amendement défendu par Françoise Laborde  a été adopté, intégrant la lutte contre les inégalités territoriales dans les missions de service public, en complément de la lutte contre les inégalités sociales.

Scolarisation précoce – Le sénateur (UMP) Michel Savin a tenté, sans succès, de faire passer un amendement visant à inscrire dans la loi que l'accueil des enfants de moins de trois ans soit réservé aux zones d'éducation prioritaire (ZEP) où il reconnait que cela "peut effectivement s'avérer bénéfique". Mais le parlementaire UMP aurait souhaité éviter "toute dérive de la part des familles en recherche de structure de garde de jeunes enfants", considérant que "cette mesure de scolarisation à deux ans ne doit pas être une réponse ou une demi-réponse à la pénurie des structures de garde des jeunes enfants". Et d'ajouter : "Aujourd'hui, c'est dans les départements les moins dotés en structures d'accueil de la petite enfance que l'on constate la plus forte demande de scolarisation des enfants de moins de trois ans."
Michel Savin évoque également "les 3.000 postes que Monsieur le ministre souhaite créer en cinq ans" à cette fin et qui, "ne permettront pas de répondre à la demande si l'on ouvre la maternelle à tous les enfants de deux ans".
Dans la discussion générale, le sénateur Michel Savin avait également posé la question : "A qui appartiendra-t-il d'accepter ou de refuser l'inscription d'un enfant de deux ans ? En d'autres termes, qui sera capable de définir les priorités et l'ordre des admissions à l'école ?" "Nous n'allons pas exclure les autres, car il n'y a aucune raison de le faire", avait répondu Vincent Peillon, réassurant par ailleurs que "en tout cas, des postes seront réservés aux zones en difficulté".
Enfin, notons qu'il est dorénavant prévu qu'une étude nationale "approfondie" sur la scolarisation à partir de l'âge de deux ans révolus sera soumise au Parlement pour débat. Vincent Peillon a suggéré de la confier au futur conseil de l'évaluation, "indépendant du ministre", prévu par le projet de loi. "Elle sera utile pour nous permettre d'ajuster au mieux dans le temps les conditions pédagogiques particulières qui doivent accompagner l'accueil des petits", a-t-il ajouté.

Carte scolaire – Redoutant les "effets pervers" et souhaitant limiter les dérogations, le gouvernement a complété l'article 12 bis introduit par la commission du Sénat, qui permettait à plusieurs collèges de partager un même secteur de recrutement. Avec l'amendement gouvernemental (adopté), cela serait possible uniquement "lorsque cela favorise la mixité sociale".

Numérique – Abandonné, l'amendement à l'article 10 voté par la commission stipulant que "l'Etat organise, à sa charge, dans le cadre du service public de l'enseignement et afin de contribuer à ses missions, un service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance". Le gouvernement a réussi à faire supprimer la mention "à la charge de l'Etat" au motif que "le service public n'incombe pas exclusivement à l'Etat", a expliqué Vincent Peillon. Le ministre a finalement eu le soutien de la rapporteure de la commission qui, "à titre personnel", s'en est remise à la "sagesse du Sénat", et du groupe socialiste qui a soutenu l'amendement gouvernemental.
"Ce que vous proposez pour l'Education nationale est tout à fait intéressant, Monsieur le ministre, mais cette politique se fait en partie, me semble-t-il, sur le compte des collectivités locales", a accusé le sénateur UMP René-Paul Savary, or "on ne peut pas tenir deux discours ! D'un côté, on compte sur les collectivités locales pour mettre en œuvre un projet et, de l'autre, on diminue leurs dotations. Je rappelle que la DGF va diminuer de 4,5 milliards d'euros en deux ans !" Et de conclure : "Vous risquez donc d'être déçu, vous qui attendez tant d'implication de la part des collectivités territoriales, qu'il s'agisse des communes, pour les écoles, ou des départements et des régions pour les collèges et les lycées !"
David Assouline, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, a quant à lui repris la démonstration du gouvernement, estimant que "la question n'est pas de savoir si l'Etat cherche à se défausser sur les collectivités territoriales. C'est tout le contraire que prévoit cet article ! L'Etat assume ce qui lui incombe, parce que les collectivités territoriales ont commencé à s'engager".

Clarification des rôles des collectivités – "Monsieur le ministre, entendez-vous les inquiétudes et les critiques des élus locaux ?", a demandé Françoise Férat en présentant un amendement visant à ajouter un article au projet de loi visant à associer les collectivités territoriales à la définition des grandes orientations et des expérimentations menées par l'Education nationale ainsi qu'à leurs déclinaisons territoriales, notamment dans le cadre du conseil territorial de l'Education nationale. L'amendement n'a pas été adopté.
Plusieurs autres amendements visant à accorder des sièges aux collectivités territoriales dans le Conseil national d'évaluation n'ont pas non plus été adoptés. Françoise Cartron, rapporteure, a estimé que "le Conseil national d'évaluation doit rester un groupe technique apportant son expertise au ministère".

Conseil d'administration des collèges et lycées – Le gouvernement a modifié la disposition introduite en commission permettant que dans les collèges et les lycées, "l'un des représentants au plus de la collectivité de rattachement peut être une personnalité qualifiée". Ce ne serait plus une "personnalité qualifiée" mais, plus généralement, "une personne pouvant ne pas être membre de l'assemblée délibérante. En clair : ce peut être un agent territorial. A noter que cela serait possible uniquement dans le cas où le nombre de représentants est au moins de deux.

Conseil d'école - Un amendement présenté par le gouvernement, et rectifié en cours de discussion sous pression de la commission, a été adopté, visant à ce qu' "au moins 30%" des membres du conseil d'école soit "des personnalités extérieures dont au moins un représentant des collectivités territoriales".

Carte régionale des formations professionnelles - Le gouvernement a retiré ses amendements sur la réforme de la carte régionale des formations professionnelles, où il entendait instituer que ce serait la région qui arrêterait chaque année la carte conformément aux choix retenus par la convention annuelle signée par les autorités académiques et régionales. Le gouvernement a pris acte que "la commission réaffirme nettement qu'il faudra l'accord du recteur" pour que la région puisse arrêter cette carte. Lire également notre article ci-contre: "Carte des formations : l'ARF se satisfait du compromis trouvé au Sénat".

Langues régionales – Des amendements écologistes ont été adoptés permettant que "les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement soit favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage. Cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l'Etat et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage".

Apprentissage des langues étrangères - "Dans chaque académie, est favorisé l'apprentissage des langues étrangères parlées dans les pays avec lesquels des accords de coopération régionale sont en vigueur, sous réserve de la réciprocité", avait introduit la commission. Un amendement du gouvernement a été adopté "pour bien préciser qu'il s'agit d'une possibilité et ne pas risquer de créer des contraintes extrêmement lourdes", a défendu le ministre.
Un autre amendement a été adopté, afin de "supprimer la condition de réciprocité" afin de ne pas "retarder, empêcher ou compliquer la mise en œuvre de ces accords", a défendu le sénateur socialiste Jean-Etienne Antoinette.
A noter également que Vincent Peillon s'est dit "sensible" à des propos formulés par le sénateur (UMP) Jacques Legendre sur l'apprentissage de la langue arabe. "Notre avenir est au sud de l'Europe. Il est inexplicable que nous soyons incapables de développer davantage l'apprentissage de cette langue. Nous allons augmenter le nombre de postes aux concours, c'est une priorité du ministère", s'est engagé le ministre.

Handicap – L'adoption d'un amendement de la sénatrice (groupe socialiste et apparentés) Claire-Lise Campion, rapporteur pour avis commission des affaires sociales, permettrait que le Conseil national d'évaluation du système éducatif (créé à l'article 21) soit chargé d'évaluer les politiques publiques mises en œuvre pour scolariser les élèves en situation de handicap en milieu ordinaire.
Par ailleurs, Claire-Lise Campion a défendu avec ténacité - et finalement avec succès - d'insérer un nouvel article visant à "relancer le chantier de la coopération entre l'Education nationale et le secteur médico-social", en inscrivant dans la loi le principe de la coopération entre les établissements scolaires et les établissements et services médico-sociaux. Vincent Peillon a fini par "accepter de conférer une valeur législative à cette disposition d'ordre réglementaire".

Prévention sanitaire - Un amendement présenté par la sénatrice (groupe socialiste et apparentés) Maryvonne Blondin et visant à ajouter la mention de l'échelon départemental après celle de l'échelon régional, au sein de l'alinéa consacré à la politique de prévention sanitaire a été adopté. "Le département joue, en matière de PMI, un rôle de prévention et de dépistage auprès des futurs parents et des enfants de moins de six ans. Ces interventions doivent être complémentaires et coordonnées avec l'Education nationale même si, dans la réalité, cela n'est pas toujours très facile à mettre en œuvre", a fait valoir la sénatrice, "de plus, la planification et l'éducation familiale sont des missions obligatoires relevant du conseil général. A ce titre, l'éducation à la sexualité est l'un des enjeux de la collectivité. (…) A partir de là, le département prend aussi le relais des campagnes nationales et a donc toute sa place dans cette échelle de coordination de la politique de prévention".

Bleu Blanc Rouge - A l'initiative du gouvernement, le Sénat a adopté le principe de l'affichage de la devise de la République, du drapeau tricolore et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dans toutes les écoles et les établissements scolaires, dont les établissements catholiques sous contrat... "Afin de garantir l'effectivité de cette mesure, inscrite aujourd'hui simplement dans le rapport annexé, nous vous proposons que les conditions du pavoisement des écoles, collèges et lycées soient inscrites dans le Code de l'éducation", avait défendu Vincent Peillon.
Le sénateur UMP Gérard Longuet, qui "aime beaucoup cet amendement du gouvernement" a fait remarquer que "les lycées, relèvent de la compétence de la région" et que "la tradition veut que le drapeau régional orne également ces établissements". "Même si je m'apprête à voter cet amendement, je souhaiterais que nous n'excluions du pavoisement des établissements scolaires ni le drapeau européen, ni les insignes des régions, ni, si les conseils généraux le souhaitent, ceux des départements", a ajouté Gérard Longuet. Et son collègue (PS) François Rebsamen d'ajouter en souriant "et pourquoi pas des villes ?".

Ecole européenne de Strasbourg – Par amendement du sénateur-maire (PS) Roland Ries, repris par le gouvernement, un article a été ajouté au projet de loi visant à autoriser le gouvernement à prendre par ordonnance "les mesures législatives nécessaires à la création d'un établissement public local d'enseignement, intitulé 'école européenne de Strasbourg' (...) constitué de classes maternelles, élémentaires et du second degré" selon l'article 4 de la convention portant statut des écoles européennes. "Sans cette modification du texte, la gestion de cet établissement spécialisé dans l'accueil des enfants du personnel des institutions européennes et offrant un enseignement plurilingue préparant aux épreuves du baccalauréat européen se trouverait en fait éclatée entre trois instances différentes. Chaque niveau d'enseignement serait soumis à une autorité particulière, comme c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui : commune, département et région", a fait valoir Roland Ries.

 

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