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Le Sénat enrichit et élague la proposition de loi visant à réduire le coût du foncier

La commission des affaires économique du Sénat a adopté le 4 mars, la proposition de loi "visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l'offre de logements accessibles aux Français", votée en première lecture à l'Assemblée nationale en novembre dernier. Les sénateurs ont notamment étendu les compétences des offices fonciers solidaires (OFS) et supprimé la mesure visant à interdire aux collectivités les ventes immobilières par adjudications dans les zones urbaines tendues, ainsi que l'article habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer de nouveaux "organismes fonciers libres".

Après l'adoption du texte en première lecture à l'Assemblée nationale (voir notre article ci-dessous du 29 novembre 2019), la commission des affaires économique du Sénat a adopté à son tour, le 4 mars, la proposition de loi "visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l'offre de logements accessibles aux Français", déposée par Jean-Luc Lagleize, député de Haute-Garonne, et ses collègues du groupe Modem. L'intéressé avait déposé sa proposition de loi dans la foulée de la remise au Premier ministre de son rapport sur "La maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction", qui proposait une petite révolution dans le droit du foncier afin de "casser l'engrenage de la hausse des prix des logements" (voir nos articles ci-dessous du 8 novembre et du 10 avril 2019).

Compétences renforcées pour les offices fonciers solidaires

À l'initiative de sa rapporteure, la députée (LR) des Alpes-Maritimes Dominique Estrosi-Sassone, la commission a adopté une quinzaine d'amendements qui complètent et enrichissent le texte, mais suppriment également certains dispositions de la version initiale (pour le contenu de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée, voir notre article ci-dessous du 29 novembre 2019).

Ainsi, dans un souci de cohérence et pour faciliter notamment les interventions dans le cadre de la réhabilitation des centres-bourgs, la commission a étendu la compétence des offices fonciers solidaires (OFS) aux locaux commerciaux et professionnels situés au bas des immeubles d'habitation. Un autre amendement ouvre le champ d'activité des OFS sur des opérations de réhabilitation et de rénovation de logements existants, alors qu'ils sont aujourd'hui cantonnés à des opérations sur des logements neufs. De même, la commission a autorisé les OFS, qui peuvent être par exemple des organismes HLM, à vendre une partie de leurs logements actuels sous la forme de baux réels solidaires (BRS),

La rapporteure s'est également montrée soucieuse ne pas cantonner le bail réel solidaire aux ménages très modestes, afin d'éviter le risque de recréer des "ghettos". La commission a donc aligné le plafond de ressources pour l'accès au BRS sur celui du prêt locatif social accession PLS-A), afin d'"introduire plus de mixité et permettre aux classes moyennes d'y accéder, tout en restant dans la limite du service d'intérêt général reconnu par le droit français et européen".

Pas d'interdiction des ventes immobilières par adjudication

Sur la question des observatoires du foncier, que le texte initial prévoyait de rendre obligatoire dans les zones tendues, dans les deux ans suivant l'adoption d'un plan local de l'habitat (PLH) ou d'un plan local d'urbanisme (PLU) en tenant lieu, la commission s'est voulue réaliste et a choisi de laisser les communes concernées libres de créer ou non un tel observatoire. En parallèle, elle a néanmoins demandé au gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l'élaboration d'une méthodologie et la mise sur pied d'une expérimentation pour favoriser le déploiement de ces observatoires.

En l'absence d'étude d'impact et d'évaluation, la commission a supprimé la disposition qui entendait interdire aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements publics, les ventes immobilières par adjudications dans les zones urbaines tendues, à l'exception des lots de copropriété. La commission a estimé en effet que "l'interdiction de la vente aux enchères apparaît plus comme une question de principe que comme le résultat de l'observation de la réalité, en dehors de quelques cas spécifiques constatés localement".

La commission a également supprimé l'article 4 du texte adopté par l'Assemblée. Celui-ci prévoit en effet la création d'un fonds pour la dépollution des friches, géré par Action logement Groupe, afin de libérer les friches urbaines et industrielles en leur assurant un nouvel usage, notamment pour la construction de logements. La commission a estimé qu'Action logement n'est pas compétent en matière de dépollution des sites et que l'éventuelle création d'un fonds public "doit être mûrement réfléchie pour ne pas affaiblir le principe pollueur-payeur et ne pas se priver des fonds européens".

L'article phare sur "organismes fonciers libres" à revoir

Enfin, pour des raisons juridiques – sinon même "philosophiques"–, la commission a supprimé l'article habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer de nouveaux "organismes fonciers libres" (détenus majoritairement par des personnes publiques et qui auraient pour vocation d'acquérir et de gérer du foncier en vue de réaliser des logements, des locaux à usage commercial, des locaux à usage de bureaux et des équipements collectifs, au moyen de baux de longue durée) et pour créer un bail réel de longue durée prorogeable.

La commission a estimé en effet "qu'il n'est pas dans la vocation d'une proposition de loi que la principale disposition du texte soit une habilitation donnée au gouvernement à légiférer par ordonnance, conduisant le Parlement à se dessaisir". Cet article d'habilitation avait été introduit par un amendement du gouvernement à l'Assemblée, pour faire face à la grande faiblesse juridique du texte initial rédigé par Jean-Luc Lagleize. Il reste que les offices fonciers libres et le bail réel de longue durée sont des pierres angulaires du dispositif. L'article devrait donc être rétabli lors du retour devant les députés.

 
Référence : proposition de loi visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l'offre de logements accessibles aux Français (adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 28 novembre 2019, adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat le 4 mars 2020, examinée en séance publique le 1er avril 2020).
 

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