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Environnement - Le Sénat vote la proposition de loi pour améliorer le dispositif de prévention des inondations

Le Sénat a adopté dans la nuit du 20 au 21 novembre la proposition de loi du groupe RDSE, à majorité PRG, destinée à améliorer la prévention des inondations. L'enjeu est de taille : pas moins de 16,8 millions de personnes sont exposées à ce risque en France et quelque 9 millions d'emplois, dans 19.000 communes. Et depuis la tempête Xynthia de 2010, les catastrophes sont de plus en plus fréquentes. Au bilan humain déjà lourd s'ajoute le montant des dégâts. "Il avoisine chaque année 800 millions d'euros. Quand l'Ile-de-France sera touchée, on comptera 40 milliards d'euros de dégâts", a prévenu l'auteur de la proposition de loi, Pierre-Yves Collombat (RDSE, Var). Un consensus très large s'est donc dégagé sur le texte qui concrétise les recommandations d'une mission commune d'information créée en 2012 et consacrée aux inondations dans le Var et dans le sud-est de la France. Cette mission, présidée par Louis Nègre (UMP) et dont le rapporteur était Pierre-Yves Collombat, insistait sur la nécessité d'engager une politique de prévention, basée sur un changement de stratégie et d'objectifs. Elle proposait notamment la création d'un opérateur unique pour chaque bassin versant, et l'amélioration de la participation de la population et des élus locaux au processus d'élaboration et de décision, en donnant un plus grand rôle aux volontaires.
Lors de l'examen en commission (lire notre article ci-contre), un certain nombre de dispositions prévues initialement dans la proposition de loi ont été supprimées car elles ont déjà été introduites par les sénateurs dans le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (articles 35 B à E). Ce texte, qui doit repasser en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale, a ainsi regroupé diverses missions actuellement dispersées entre les acteurs locaux, en une compétence unique intitulée "gestion des milieux aquatiques et prévention contre les inondations" confiée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et aux établissements publics auxquels ils ont délégué cette compétence. Celle-ci sera exercée par les établissements publics territoriaux de bassin et par les établissements publics d'aménagement et de gestion de l'eau. En outre, un amendement sénatorial crée une taxe dédiée à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations au bénéfice des communes ou, le cas échéant, des métropoles, de la métropole de Lyon, des communautés urbaines, des communautés d'agglomération et des communautés de communes. Affectée au financement de travaux de toute nature pour prévenir les inondations et les dommages qui en résultent, la nouvelle taxe doit permettre de réduire en proportion le montant des primes d'assurances. Son montant total est limité à 40 euros par habitant et par an et son produit réparti entre toutes les personnes physiques ou morales assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la taxe d'habitation et à la cotisation foncière des entreprises. "A son maximum, elle rapporterait 600 millions pour investir dans des opérations concourant à une politique active de prévention des inondations dont les contribuables verront immédiatement l'effet", a estimé Pierre-Yves Collombat.
En complément des dispositions du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale, l'enjeu de sa proposition de loi est donc de "reprendre les mécanismes de gestion de la crise et de l'indemnisation qui, à force de s'empiler sont désormais illisibles, a-t-il plaidé. Elle vise à clarifier et à simplifier les dispositifs existants, à mieux associer les élus et la population pour leur permettre de mieux habiter leur territoire et à améliorer encore notre système assurantiel". Sur le volet prévention pure, les sénateurs ont voté sans modification l'article 6 qui donne une définition législative à la notion de cours d'eau d'après les critères dégagés par la jurisprudence. Après le rejet de deux amendements, ils ont voté l'article 7 qui associe les élus à l'élaboration des plans de prévention des risques d'inondations (PPRI). Sa rédaction avait été modifiée en commission pour éviter que la responsabilité pénale des élus ne soit directement engagée. Ils ont aussi adopté l'article 8 qui augmente la représentation des élus dans les instances délibérantes des comités de bassin et des agences de l'eau pour mieux les associer à la politique de prévention des inondations, après avoir rejeté un amendement gouvernemental de suppression de cet article. Pour Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'Etat et de la Décentralisation, "la question de la gouvernance de la gestion de l'eau et des milieux aquatiques doit être étudiée dans sa globalité. La réflexion est en cours et associe des parlementaires. Le gouvernement veut tenir parole et respecter le travail entamé". "Le Sénat représente les territoires. Les élus locaux auront la compétence, paieront, décideront. Et ils n'auraient pas au moins la moitié des sièges ?", a rétorqué Louis Nègre (UMP, Alpes-Maritimes), rapporteur de la commission développement durable. Les sénateurs ont en outre adopté un article additionnel après l'article 8 suite à un amendement du groupe écologiste précisant que les politiques d'urbanisme menées par les collectivités publiques doivent se fixer pour objectif la prévention des inondations.
Les autres volets de la proposition de loi concernent la gestion de crise et les dispositifs d'indemnisation. Voté sans modification, l'article 9 prévoit un contact régulier entre le préfet et les maires durant les opérations de secours sans pour autant qu'il y ait codirection de celles-ci. Les sénateurs ont voté un amendement de Pierre-Yves Collombat à l'article 10 autorisant l'intervention des réserves communales de sécurité civile hors de leur périmètre, dès lors que les communes concernées sont d'accord. La nouvelle rédaction de l'article suite à l'amendement préconise une meilleure implication des réserves de sécurité à la fois au moment de la crise et à titre préventif. Les autres articles n'ont subi aucune modification en séance. L'article 11 réécrit l'article L.125-1 du code des assurances pour prévoir que l'arrêté ministériel de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sera pris après avis d'une commission permanente regroupant élus, responsables des assurances et personnalités qualifiées. L'article 12 crée un comité de suivi des opérations d'après-crise, présidé par le préfet, qui fera le point sur l'avancement des travaux et des indemnisations. L'article 15 supprime l'obligation d'autoriser par décret – l'arrêté interministériel suffit – le remboursement anticipé par le FCTVA des dépenses d'investissements faites par les communes pour la réparation des dégâts. L'article 18 prévoit une modification de l'article L. 125-2 du code des assurances sur deux points : il prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités selon lesquelles la prime pourra être réduite en fonction des mesures de prévention prises par les assurés pour renforcer leur propre protection et interdit que les franchises éventuellement applicables aux indemnisations soient modulées en fonction du fait qu'une commune est dotée ou non d'un plan de prévention des risques naturels ou en fonction du nombre de constatations de catastrophe naturelle intervenues sur le territoire de la commune au cours d'une période donnée. L'article 19 prévoit que l'obligation de couvrir les risques de catastrophes naturelles ne s'impose pas aux assureurs pour les biens construits en zones inconstructibles après publication du PPRI. L'article 20 prévoit que les aides apportées par le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et les commerces (Fisac) en cas de catastrophe naturelle soient calculées en tenant compte des franchises d'assurances appliquées dans le régime des catastrophes naturelles. Enfin, l'article 22 prévoit que les conséquences financières résultant éventuellement de la proposition de loi pour les collectivités territoriales soient compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement, elle-même gagée par une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs.
"Nous avons fait un travail utile, a conclu Pierre-Yves Collombat. J'ai un regret toutefois qu'on n'ait pas progressé sur les PPRI. Cela reste une pierre d'achoppement. Si prévenir, c'est seulement interdire les constructions, on continuera à avoir une gestion chaotique et conflictuelle des PPRI. Les règles devraient être claires pour bâtir une stratégie non seulement d'interdiction mais d'investissement, de reconstruction dont les intercommunalités auront désormais les moyens. Les PPRI doivent évoluer afin que les populations elles-mêmes prennent en charge leurs lieux de résidence pour améliorer la sécurité."