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Catastrophes naturelles - Prévention des inondations : un rapport sénatorial propose une nouvelle approche

Une mission d'information du Sénat a rendu le 10 octobre un épais rapport sur les inondations du Sud-Est. Pour faire de la lutte contre l'inondation une priorité, elle préconise un changement de paradigme, une nouvelle distribution des compétences ainsi que des financements.

Après la Cour des comptes, c’est au tour des sénateurs de tirer des enseignements des inondations dans le Var. En juin 2010 et novembre 2011, elles ont frappé le département et causé 27 morts et près d’1,3 milliard d’euros de dégâts. Premier constat : ce type de catastrophe est considéré à tort comme exceptionnel alors qu’il est récurrent. Il faut dire que dans le département, il est quelque peu éclipsé par un autre risque, celui des feux de forêt. "Après de telles inondations, il y a une tendance à retomber dans l’amnésie collective. Même les sinistrés oublient et veulent à tout prix rester chez eux", déplore Pierre-Yves Collombat, rapporteur et sénateur du Var. "Il faut mettre l’accent sur la prévention. Sur le papier, la politique est bonne mais elle peine à se traduire sur le terrain", ajoute Louis Nègre, président de la mission et sénateur des Alpes-Maritimes. La mission sénatoriale l’explique par une série de blocages. D’abord, l’information fait défaut. Ou bien elle ne circule pas : les sénateurs regrettent que certains rapports publics ne sortent pas de leur chapelle et que les atlas de zones inondables réalisés dans le département n’aient pas été communiqués à l’ensemble des élus. Quant aux sites internet censés informer les habitants, elle les juge peu lisibles.
Serait-ce, pour autant, le règne du flou bureaucratique ? A en croire la mission, l’élaboration des plans communaux de sauvegarde (PCS) et des documents d'information communaux sur les risques majeurs (Dicrim) sont en tout cas "plus perçus comme un exercice bureaucratique que comme un moyen dans la lutte contre l’inondation". L’excès de réglementation est pointé du doigt. "On préfère visiblement guérir que prévenir. Et tout faire reposer sur la réglementation, au lieu de déployer une prévention sous sa forme active, c’est-à-dire qui passe par l’entretien des cours d’eau et des aménagements ciblés", estime Pierre-Yves Collombat. Trop peu de financements lui étant consacrés, les sénateurs proposent ainsi de recentrer le fonds Barnier sur la prévention active.

Conflits locaux

Le consensus et l’apaisement ne sont pas légion en France. Les sénateurs voient plus en modèle les Pays-Bas, pays qui a su engager une politique globale et consensuelle de prévention, tout en y consacrant à l’époque 1% de son PIB. A l’opposé, les chiffres manquent dans l’Hexagone : la mission propose qu’il soit demandé à l’Observatoire national des risques naturels de chiffrer le coût de la politique de prévention, ce qui n’a étonnamment jamais été fait. Quant aux plans de prévention des risques inondations (PPRI) mis en œuvre, ils sont une perpétuelle source de conflits. Pour les sénateurs, "les PPRI sont un moyen pour l’Etat de marquer, à peu de frais, sa détermination en matière de prévention des inondations. Ce faisant, il devient un moyen d’orienter les choix urbanistiques des collectivités (…) Résultat, la résistance des élus locaux face à ce qu’ils considèrent, non sans raison, comme un retour à l’Etat de leur compétence en matière de développement économique". Les populations sont par ailleurs trop impliquées dans leur élaboration.
Autre défaut du système, "qui s’auto-bloque finalement lui-même" : le manque de hiérarchisation entre des objectifs qui se contrarient, entre protection de l’environnement et protection des populations. "Peu portée aux distinguos entre curage, dragage et extraction, la police de l’eau interdit ou ralentit tout projet un peu sérieux d’entretien des cours d’eau. Cette action retardatrice est unanimement condamnée par les élus en charge de la protection contre l’inondation", pointe le rapport.
Autre problème à trancher, celui de l’entretien des cours d'eau non domaniaux, qui incombe en théorie aux propriétaires riverains même si, dans les faits, ils s’en chargent de moins en moins. De fait, les investissements de protection sur ces berges sont "laissés au bon vouloir des collectivités, sans aide budgétaire de l’Etat". De manière plus générale, la mission observe un "glissement lent de la responsabilité au détriment des élus".

Enclencher une dynamique

La mission propose de "passer d’une logique de protection pour elle-même, de territoires inondables qui représentent plus de la moitié des communes et produisent une part essentielle de la richesse nationale, à une logique d’aménagement de ces territoires pour permettre de continuer à y vivre". Pour sortir du "règne de la débrouille", elle propose la création par bassin versant d’une autorité chargée de gérer ces aménagements et d’encadrer la prévention. Au lieu de maximiser comme le fait l’administration les précautions, elle suggère d’enclencher une dynamique pour faire en sorte "que le projet de développement territorial non seulement intègre le risque et donc la protection contre celui-ci, mais fasse d’un handicap un atout". Soit un complet changement de paradigme. "Cela suppose l’association de la population à ce projet, et donc transparence et moyens, cela suppose la mobilisation des élus et de l’Etat", conclut ce rapport. Les sénateurs tenteront de lui donner une suite à travers une proposition de loi.

 

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