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Développement des territoires - Le tourisme associatif en quête d'un second souffle

Le Conseil économique et social a adopté, mercredi 29 mars, un avis visant à redynamiser le tourisme associatif en milieu rural. Un secteur qui traverse une profonde crise : désengagement financier, concurrence accrue, image désuète... Le CES demande un engagement plus fort des collectivités.

Les colonies de vacances à la campagne sont-elles vouées à disparaître ? Personne ne l'envisage, pourtant la situation du tourisme social n'est guère reluisante, du moins dans certaines zones rurales. Dans un avis voté le 29 mars, le Conseil économique et social (CES) s'en inquiète et émet une série de propositions pour redynamiser le secteur dans un nouveau contexte concurrentiel. Selon le rapporteur Jean-Pierre Marcon, le tourisme associatif remplit une double mission d'intérêt public : il contribue au développement des territoires ruraux en déclin et à la cohésion sociale, devenue une priorité nationale. "L'arrivée de populations, même pendant un temps limité, permet le maintien voire le développement de services publics et de certains commerces", souligne-t-il. Cette forme de tourisme est une spécificité française. Elle représente aujourd'hui environ 10% de l'hébergement payant en France et accueille plus de 15 millions de personnes chaque année : familles, enfants, jeunes. Avec 20.000 emplois permanents et plusieurs dizaines de milliers d'emplois saisonniers, le tourisme social génère 2,3 milliards d'euros de chiffres d'affaires. Aussi séduisantes soient-elles, ces données masquent une crise profonde. Pour le CES, le tourisme associatif faillit à sa vocation sociale et laisse sur la touche 23 millions de Français, dont 3 millions d'enfants qui ne partent jamais en vacances.


La concurrence des vacances à bas prix

S'il a bénéficié dans le passé d'un soutien important des pouvoirs publics (aides à la pierre, aides à la personne), le tourisme associatif est confronté aujourd'hui à un désengagement de l'Etat et des organismes spécialisés, alors qu'il doit faire face à une concurrence de plus en plus forte avec le développement des tour-opérateurs et des vacances à petits prix. Les crédits du dernier "plan patrimoine", qui depuis une quinzaine d'années ont permis d'assurer la rénovation des villages-vacances et des maisons familiales, ont été abandonnés cette année. "Quant aux caisses d'allocations familiales, leurs priorités se tournent aujourd'hui vers les loisirs de proximité", regrette le CES. Enfin, autre facteur aggravant, les comités d'entreprise proposent de plus en plus de séjours dans des pays très concurrentiels qui ont lancé de lourds investissements dans le domaine touristique (Maghreb, Croatie, etc.). Si les communes du littoral parviennent à tirer leur épingle du jeu, la situation devient critique en milieu rural. "Certains villages de vacances familiaux ou pour enfants, peu prisés car mal desservis par les transports ou offrant peu d'intérêt touristique, devront malheureusement cesser leur activité", s'inquiète le rapport. Par ailleurs, de nombreuses communes rurales sont tentées de brader leurs équipements pour générer des recettes. "Elles risquent de voir leurs activités partir et c'est tout le centre de la France qui est menacé", affirme Jean-Pierre Marcon.

 

Un engagement plus fort des collectivités

Le CES estime qu'il est nécessaire de "conforter la mission sociale du tourisme associatif" tout en l'adaptant au monde de la concurrence. Il propose d'instaurer une "bourse jeunes" venant s'ajouter à celle existant pour les familles afin de fidéliser les jeunes des quartiers et les amener à "découvrir le monde rural". Elle serait gérée par les caisses d'allocations familiales ou le ministère de la Jeunesse et des Sports. Il suggère aussi de revaloriser la "bourse solidarité vacances" et de conforter le dispositif "chèque-vacances" au profit des plus défavorisés. Il s'inspire d'un dispositif mis en place en Espagne qui permet à 600.000 personnes âgées de partir en vacances chaque année.
Le CES réclame un engagement plus fort des collectivités territoriales en consacrant, par exemple, une partie de leurs recettes "tourisme" (dotation touristique, taxe de séjour, taxe professionnelle) à des opérations de signalisation et de mise en valeur des sites. Il encourage les associations à se lancer dans une véritable "révolution culturelle". "Trop d'associations n'ont pas de tableau de bord, de plan d'entreprise, de plan stratégique, de plan de communication", déplore-t-il. Il faut qu'elles mettent en place un véritable "plan marketing" afin d'adapter l'offre aux attentes de la clientèle. Il appelle les opérateurs associatifs à faire des efforts pour la formation des salariés, notamment en ce qui concerne les langues, de façon à s'adapter à une clientèle étrangère. A ce titre, il critique les formations actuelles aux métiers du tourisme "qui ne sont pas en adéquation avec les besoins des prochaines années".
Jean-Pierre Marcon regrette que certaines règlementations soient trop tatillonnes, notamment en matière sanitaire, administrative, fiscale ou de sécurité. Il juge trop contraignant le dispositif de délégation de service public qui oblige les collectivités à procéder à un appel d'offres à chaque fin de contrat avec l'association gestionnaire. Le CES est favorable à un amendement à la loi Sapin afin que les collectivités puissent au contraire assurer la continuité du gestionnaire. Le rapporteur remet en cause les restrictions qui pèsent en matière de publicité et en appelle à une vaste "campagne nationale de notoriété" : "Il est indispensable de diffuser la véritable image du tourisme associatif, celle d'un produit centré sur le bien-être et le ressourcement."


 

Michel Tendil

 

 

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