L'eau potable largement contaminée par des résidus d'un fongicide interdit

L'eau potable en France est largement contaminée par des résidus issus d'un fongicide interdit depuis plusieurs années, signe de la persistance dans l'environnement de traces de pesticides même longtemps après la fin de leur utilisation, selon un rapport de l'Anses publié ce jeudi 6 avril.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire a étudié des prélèvements d'eau destinée à la consommation humaine sur tout le territoire, y compris outre-mer, à la recherche de "composés chimiques qui ne sont pas ou peu recherchés lors des contrôles réguliers". Notamment de 157 pesticides et leurs métabolites, c'est-à-dire des composants issus de leur dégradation. Autant de données destinées à "améliorer la connaissance des contaminations des ressources en eaux et des eaux traitées pour la production d’eau du robinet (EDCH)" – une connaissance utile "aux personnes responsables de la production et de la distribution d’eau" et aux ARS pour "évaluer les expositions de la population associées à la consommation d’eau du robinet".

"Sur les 157 molécules recherchées, 89 ont été quantifiées au moins une fois dans les eaux brutes et 77 fois dans les eaux traitées", indique l'Anses. "Les fréquences de quantification sont assez semblables entre eaux brutes/eaux traitées et entre eaux souterraines/eaux superficielles", observe-t-elle.

Un cas a particulièrement attiré l'attention des experts : le métabolite du chlorothalonil - métabolite le plus fréquemment retrouvé, "dans plus d'un prélèvement sur deux" - qui conduit à des dépassements de la limite de qualité (0,1 µg/litre) "dans plus d'un prélèvement sur trois". Ce métabolite est issu de la dégradation dans l'environnement du chlorothalonil, un fongicide pourtant interdit en France depuis 2020.

"Ces résultats attestent qu'en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l'environnement plusieurs années après l'interdiction de la substance active dont ils sont issus", conclut l'Anses. Qui précise toutefois que "toutes les concentrations mesurées pour les différentes molécules restent très inférieures aux valeurs sanitaires maximales lorsque celles-ci sont disponibles".

La Commission européenne n'avait pas renouvelé en 2019 l'autorisation du chlorothalonil, commercialisé par l'allemand Syngenta, et la France avait accordé un délai de grâce jusqu'en mai 2020 pour l'écoulement des stocks de ce produit. Bruxelles soulignait alors qu'il était "impossible à ce jour d'établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n'aura pas d'effets nocifs sur la santé humaine". La Commission citait les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, qui estimait que le chlorothalonil "devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B", c'est-à-dire cancérogène "supposé".

 

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