Vivatech 2022, focus sur 8 Legaltech

Du 15 au 18 juin dernier, Paris a accueilli VivaTech, un événement incontournable qui célèbre les start-up et l’innovation. Certaines legaltech y étaient bien sûr présentes. Huit d’entre elles étaient regroupées sous la bannière France Digitale* afin de donner plus de visibilité à cet écosystème qui se dynamise et qui attire de plus en plus d’investisseurs. En effet, les levées de fonds ont été assez nombreuses en 2021 et la dernière en date, celle de Dilitrust à 130 millions d’euros, laisse penser que le monde juridique accélère sa numérisation après un retard certain par rapport à d’autres domaines (comme la fintech ou la proptech). Nous sommes donc allés à la rencontre de ces legaltech afin de comprendre “de l’intérieur “ les rouages de ce marché très prometteur.

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La legaltech, un milieu composé d’acteurs hétéroclites

Une LegalTech est une entreprise numérique qui propose une offre de services juridiques dématérialisés. Mais, cette définition recouvre des business très différents et certains d’entre eux flirtent même avec d’autres secteurs tels que la cybertech ou la civitech. La diversité des legaltech présentes à Vivatech témoigne du large champ d’action de l’innovation juridique  :

  • *Gino Legaltech est une solution d’intelligence et de gestion contractuelle permettant aux juristes et opérationnels de gérer et d’automatiser l‘ensemble du cycle de vie des contrats et de leurs données ;
  • *Examin est un assistant numérique qui aide tous les acteurs de la conformité dans leur travail grâce à l'enrôlement des collaborateurs et aux outils nécessaires à leur fonction (alerte, notification, plan d'action, indicateurs, etc.)
  • *Call a Lawyer est une plateforme de mise en relation qui permet à tout particulier de contacter un avocat immédiatement pour une consultation à un prix accessible et transparent ;
  • *Pluralisme, société du groupe Lexbase, est un SaaS1 (Software as a Service ou "logiciel en tant que service") qui analyse le contenu et suit le temps de parole des femmes et des hommes politiques dans les médias qui sont candidates et candidats à une élection française ;
  • *BlockchainyourIP est une solution blockchain utilisée pour protéger les créations et les innovations des entreprises en quelques clics aussi bien sur le territoire national ou à l’international ;
  • *Theolex est un moteur de renseignement juridique qui procède à une analyse comparative nationale et/ou internationale des sanctions financières liées aux grands risques juridiques ;
  • *SeedLegals a pour ambition de révolutionner les démarches juridiques des startups et faciliter l’accès à l’entrepreneuriat en offrant un éventail de services complets et innovants : levées des fonds, recrutement, intéressement des salariés au capital, ou encore la gestion de ses actionnaires ;
  • *Legalcluster est une plateforme collaborative des fonctions juridiques, éthiques et de conformité ouverte à tous les collaborateurs ;
  • We act est une offre à destination des notaires qui leur propose un service de rédaction de compromis.

Malgré la disparité des solutions, elles ont toutes pour ambition d’améliorer la pratique juridique et d’apporter de la fluidité et de la rapidité dans la compréhension et l’application du droit. Les utilisateurs quant à eux sont surtout sensibles au gain de temps et à la facilité d’utilisation des interfaces. Ce dernier point est d’autant plus important que la cible, à savoir les professionnels du droit, n’a pas du fait de sa formation et de sa culture une appétence particulière pour la technologie.

 

Un public “polymorphe” de plus en plus réceptif selon les legaltech de Vivatech

Pendant la période COVID, les entreprises se sont tournées massivement vers les outils digitaux. Les legaltech ont bien sûr profité de ce mouvement qui a mis en évidence les avantages du numérique pour les juristes : signature électronique, facilitation des échanges, travail à distance avec les différentes parties etc.

Les directions juridiques des grands comptes ont d’abord ouvert la voie par nécessité. Désormais, elles s'intéressent à la digitalisation de leur service dans une optique d’amélioration de leur pratique. Toutefois, l’implémentation d’une innovation d’usage demande un questionnement de fond sur l’organisation interne de l’entreprise. Il n’est donc pas étonnant de voir un temps de closing osciller entre 3 à 6 mois (voire plus).

Pour les structures plus petites, la vitesse d’adoption diffère en fonction du public. Les entreprises “agiles”  à l’image des start-up ou les juristes connectées seront plus enthousiastes à l’idée d’utiliser un SaaS. Quant aux TPE/PME, le réflexe “legaltech” avance doucement, mais sûrement : il s’agit avant tout d’éduquer une cible qui n’a pas encore une forte culture juridique. Enfin, le marché BtoC connaît lui aussi un essor : selon Call a Lawyer, les particuliers sont de plus en plus enclins à défendre leurs droits. Cette démocratisation à l’accès à l’avocat est donc salutaire pour l’accès au droit.

Les professions libérales, comme les avocats ou les notaires ont intégré depuis quelques années l’utilisation d’un moteur de recherche ou de logiciel métier (par exemple Genapi, Fichorga ou encore Fiducial pour les notaires) dans leur vie professionnelle.

La différence aujourd’hui ? La performance et l’expérience client préoccupent de plus en plus les cabinets et les offices. Les plateformes de mise en relation, la sous-traitance d’actes, l’automatisation des tâches chronophages, les recherches juridiques facilitées au moyen de l'intelligence artificielle sont autant de solutions qui répondent à ces problématiques.

 

Pour 2023 : une croissance “naturelle” ?

À en croire Y Combinator, un fonds d’amorçage emblématique de la Silicon Valley, la période faste des levées de fonds est bientôt révolue. Cela aura-t-il un impact sur les legaltech en recherche d’investisseurs ? Nous supposons que oui, mais les mois qui viennent viendront infirmer ou confirmer la tendance.

2023 sera une année charnière. Rien d’étonnant à cela. En effet, comme tout marché qui se structure, nous allons assister à des rachats, des rapprochements et à la disparition de certaines start-up. Au regard des nombreux acteurs, l’union fera la force. Proposer des services “packagés” complémentaires, par le biais de partenariats ou d’actions de co-marketing, sera-t-il la clé pour conquérir de nouvelles parts de marché ?

Malgré l’intérêt des investisseurs pour le domaine, il n’en reste pas moins que c’est sur le terrain que se joue la partie. Les legaltech l’ont d’ailleurs bien compris puisque bon nombre d’entre elles sont très proches de leurs clients au point de co-construire avec eux les nouvelles fonctionnalités du produit. Ginolegaltech ou bien encore Examin sont en constante relation avec les utilisateurs pour bien définir les prochains besoins.

La bonne nouvelle pour 2023 ? La digitalisation des services juridiques et des professionnels du droit est un vaste chantier et nous n’en sommes qu’au début. En revanche, transformer un domaine traditionnel aux habitudes bien ancrées nécessite une grande pédagogie auprès des décideurs et une adhésion des juristes sans lesquels la mutation tant attendue sera compliquée.

Par ailleurs, il est indispensable que les legaltech s’ouvrent aux autres secteurs en participant à des événements “non-juridiques”. Vivatech en est un très bon exemple : les legaltech ont rempli leur carnet d’adresses de prospects qualifiés. La croissance et la pérennité de ce secteur dépendront de sa capacité à se faire connaître au-delà des directions juridiques.

 

Conclusion : les legaltech de Vivatech sont plutôt optimistes

Nos interlocuteurs sont unanimes : ils récoltent enfin le fruit de plusieurs années d’évangélisation. Il est clair que la barrière à l’entrée va être relativement difficile à franchir pour les nouveaux arrivants. On assistera aussi à un développement international de certaines legaltech. SeedLegals estime d’ailleurs que l’harmonisation des pratiques va abolir le caractère encore domestique du droit en localisant automatiquement les documents dans la juridiction choisie. 

Un autre signal positif ? Le recrutement : constituer une équipe pluridisciplinaire est l'une de leurs priorités. L’aspect ressources humaines sera à étudier de près puisque nous assistons déjà à la naissance de juristes hybrides qui seront capables d’être responsable marketing, chef de projet, développeur ou encore commercial. Pour l’heure, les talents sont donc activement recherchés !

 

*Pour cet événement, France Digitale, la 1ère organisation de startups en Europe, qui regroupe près de 1 800 startups et investisseurs, a réuni 8 legaltech prometteuses

1 Modèle d'exploitation commerciale de logiciels dans lequel ceux-ci sont installés sur des serveurs distants plutôt que sur l'ordinateur de l'utilisateur.