Les associations sportives et culturelles sous pression

Les subventions aux associations des champs sportif et culturel ont connu en 2025 une baisse inquiétante. L'annonce des plafonds de budget du projet de loi de finances pour 2026 laisse augurer des coupes à venir plus importantes encore. 

Les Jeux olympiques les avaient rassemblés en 2024 sous l'égide d'une éphémère "Olympiade culturelle" qui avait vu les subventions abonder par dizaines de millions d'euros. Un an plus tard, sport et culture sont de nouveau réunis, cette fois autour d'une préoccupation commune : la baisse drastique des aides publiques.

Selon le baromètre des subventions publiques locales aux clubs sportifs, publié en mai par l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport), 43% des collectivités ont diminué leur budget consacré au sport en 2025 et une collectivité sur deux a réduit son soutien aux manifestations sportives, entraînant un "événementiel et une vie associative fragilisés ".

Côté culture, le baromètre de la Cofac (Coordination des fédérations et associations de culture et de communication) alarmait en avril sur l'incertitude budgétaire de l'immense majorité des associations culturelles. Au même moment, le SAM (Syndicat des musiques actuelles) constatait une baisse des budgets consacrés à la culture dans neuf régions, pour une perte de crédits cumulée de 65,8 millions d'euros. De son côté, l'Observatoire des politiques culturelles (OPC) lançait une Cartocrise pour recenser les coupes budgétaires par territoire, et signalait devant la commission de la culture de Régions de France des chutes de subventions comprises entre -10% et -50% de la part des conseils départementaux par rapport à 2024. Et si les grandes villes affichaient des budgets stables pour 2025, les petites et moyennes communes connaissaient de grandes difficultés à maintenir leur effort en faveur de la culture. 

Quant à l'État, il a gelé, de la fin janvier à juillet, la part collective du Pass culture, ce qui a pu mettre en difficulté de nombreux acteurs associatifs allant à la rencontre des scolaires. En juin, on apprenait que les enfants âgés de six à treize ans seraient, à la rentrée de septembre 2025, exclus du dispositif Pass'sport qui offre une réduction sur la cotisation dans un club.

Variables d'ajustement

Dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint, la baisse des subventions des associations sportives et culturelles est tout sauf une surprise. D'abord, parce que ni le sport ni la culture ne sont des compétences obligatoires pour les collectivités. En temps de crise, leurs financements croisés permettent aux collectivités de se défausser sur leurs voisines. Le département de l'Aisne, estimant que l'aide aux clubs relevait "davantage de la compétence des communes", vient  de décider de ne leur attribuer en 2025 que 50% des crédits habituels et "de mettre un terme à ce financement facultatif en 2026". Dans la culture, le retrait de certaines collectivités "se fait souvent sans concertation, ce qui déséquilibre les écosystèmes locaux", notait en mars dernier Jean-Michel Poulle, trésorier de la FNCC (Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture), devant la commission de la culture de Régions de France.

Cette attitude des élus fait écho à une récente enquête commandée par l'AMF (Association des maires de France) qui nous apprend, d'une part, que le développement de l'action culturelle et sportive est, à égalité avec l'action sociale, la dernière attente des citoyens à l'égard de leur prochain maire ; d'autre part, que le sport, le secteur associatif et la culture sont les trois premiers postes budgétaires que les citoyens souhaitent voir réduits en cas de diminution des recettes communales. 

Autrement dit, si tous les acteurs s'accordent à refuser cette étiquette, force est de constater que le sport et la culture sont aujourd'hui les variables d'ajustement des décideurs publics, tant pour des raisons juridiques que politiques.

Entrée dans une "ère de désengagement" ?

Mais le pire est sans doute à venir. Les plafonds de dépenses du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 présenté il y a quelques jours prévoient une baisse de 17,6% pour le ministère des Sports, de la Jeunesse et la Vie associative – après une baisse de près de 25% en 2025, hors programme olympique – et de 5,4% pour le ministère de la Culture. À cela, il faut ajouter l'"effort" de 5,3 milliards d'euros demandé aux collectivités.

Et si nous étions, comme l'affirme Vincent Guillon, directeur de l'OPC, à propos de la période ouverte depuis 2024, entrés "dans une ère de reflux, voire de désengagement" ? Un document va dans ce sens. Publiée le 16 juillet par l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR), la revue des dépenses publiques en direction des associations nous apprend que sport et culture sont les deux premiers secteurs associatifs en France, totalisant respectivement 25% et 20% des associations. Et que 60% des associations sportives et 51% des associations culturelles bénéficient d'au moins une subvention publique.

Supprimer les financements non obligatoires

En cette période de recherches d'économies, l'IGF et l'IGSER – non sans pointer une situation financière des associations "fragilisée en 2025" – identifient trois scénarios pour économiser entre un et trois milliards d'euros de subventions (lire notre article du 31 juillet). Dans leur viseur, l'Agence nationale du sport (ANS), qui "n'identifie pas de pistes d'économies sur ses financements aux fédérations et associations". Le rapport le fait donc pour elle : les dépenses de l'ANS au titre des projets sportifs fédéraux (PSF) "pourraient être réduites dans le contexte de l'après-Jeux olympiques".

Côté culture, les deux inspections ont dans leur ligne de mire le programme 361 du ministère (transmission des savoirs et démocratisation de la culture), dont les dépenses aux associations ont fortement augmenté ces dernières années. En ce qui concerne les collectivités territoriales, la revue de dépenses propose de "supprimer les financements à des associations n'entrant pas dans les compétences obligatoires ou partagées". Une solution, nous l'avons vu, déjà à l'œuvre et qui pourrait donc s'amplifier.

Au nom du "lien social sur nos territoires"

Les réactions aux dernières annonces de baisses de crédits aux associations ont fait réagir. Le CNOSF (Comité national olympique et sportif français) dénonce un "sport sacrifié par le gouvernement". La FNCC déplore que "le monde culturel, déjà fragilisé, subira de plein fouet les conséquences de la réduction des dotations annoncée avec, en première ligne, les plus fragiles des collectivités, des structures et des compagnies impactant fortement la diversité des propositions artistiques et culturelles". Au carrefour de ces secteurs, Émilie Kuchel, présidente du RFVE (Réseau français des villes éducatrices), évoque un "coup de massue pour beaucoup de Françaises et Français, et bien entendu pour les collectivités locales", et estime que "nous avons plus que jamais besoin de préserver les associations d'éducation populaire, de sport ou d'accès à la culture, qui participent au lien social sur nos territoires".

Dans son rapport remis le 31 juillet à la ministre des Sports, le député Benjamin Dirx tente d'inverser la tendance. Il demande de "réorienter une part significative des crédits des projets sportifs fédéraux vers les actions concrètes menées au plus près des territoires, avec une attention particulière au soutien direct des clubs". Surtout, il propose de renforcer le financement du sport en intégrant toutes les formes de diffusion, y compris le streaming, dans l'assiette de la taxe Buffet sur les droits de retransmission des événements sportifs, ainsi qu'une loi de programmation qui sanctuariserait le budget du sport ou encore des mesures en faveur du mécénat sportif des entreprises. 

La fiscalité du mécénat en sursis ?

Cet appel au secteur privé pour pallier les manques des acteurs publics n'est pas nouveau. Dans sa dernière revue des dépenses publiques relatives au cinéma, l'IGF appelait à restaurer l'équilibre entre financements publics et privés dans une filière de plus en plus dépendante des aides publiques (lire notre article du 18 juillet). Les appels à la participation des investisseurs privés se multiplient également dans le domaine du patrimoine (lire notre article du 20 mai).

Mais est-ce une solution d'avenir alors que l'IGF et l'IGESR, après avoir jugé le régime fiscal français des dons et mécénat "très avantageux", proposent, en matière d'impôt sur les sociétés, de faire passer les dons d'un régime de réduction d'impôt à un régime de déductibilité, moins favorable aux entreprises ?

 

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