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Décentralisation - Les collectivités ont-elles besoin d'une conférence territoriale pour coopérer ?

A l'occasion d'un séminaire organisé par ETD, le 10 juillet 2013, la ministre déléguée chargée de la décentralisation, Anne-Marie Escoffier, a défendu la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) qui devrait être créée dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale. Mais de nombreuses collectivités ont fait valoir qu'elles n'avaient pas attendu cette conférence pour coopérer...

"C'est simple, facile à comprendre et à entendre." Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation, a défendu, mercredi, la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) qui doit être créée dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale. Cette instance doit organiser au niveau régional la concertation entre les collectivités et entre celles-ci et l'Etat. L'objectif est d'"organiser la compétence générale entre les collectivités locales tout en ménageant le principe de libre-administration des collectivités par elles-mêmes", a précisé la ministre, à l'occasion d'un séminaire sur les coopérations entre collectivités, organisé par ETD, le centre de ressources du développement territorial, le 10 juillet à Paris. "Il y aura un dialogue entre les collectivités pour déterminer les conditions dans lesquelles elles vont s'organiser et intervenir dans les différents domaines de compétences", a-t-elle poursuivi.  L'idée n'est pas de remettre en question les compétences qui sont déjà attribuées à différents niveaux de collectivités, mais d'organiser des domaines où plusieurs d'entre elles interviennent en même temps, comme le tourisme. "Je suis sûre qu'on peut y arriver et que les collectivités trouveront les modalités de consensus par rapport à leurs compétences", a espéré la ministre. Certains représentants de collectivités ne sont pas aussi optimistes et continuent à se montrer critiques envers cette future conférence, vidée de sa substance au Sénat mais remusclée lors du passage en commission à l'Assemblée. C'est notamment le cas de Myriam Cau, vice-présidente développement durable, démocratie participative et évaluation au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, qui rejette l'idée d'un Etat "arbitre". "Nous ne voulons pas d'une conférence territoriale de l'action publique arbitre, experte, qui décide tout. Les régions demandent leur autonomie pour décider de leur avenir. L'Etat doit être partenaire et pas arbitre, sinon cela reviendrait à faire marche arrière dans le mouvement de décentralisation", a-t-elle déclaré. La région Nord-Pas-de-Calais s'organise quant à elle depuis plusieurs mois avec les autres niveaux de collectivités sur la base de "directives régionales d'aménagement" (DRA), copilotées avec les départements. Cela dit, Myriam Cau n'est pas totalement opposée à la conférence. Elle "nous intéresse car elle permet de réunir les exécutifs au sens élargi, explique-t-elle à Localits. Ce sera sûrement une grand-messe mais on pourra y définir les méthodes à engager, élaborer le calendrier et décider de créer des groupes de travail sur des thèmes précis comme la mobilité, les services publics".

"Il y a besoin d'une impulsion"

De plus, les contours de cette conférence ont largement évolué au fil des discussions, et la version qui sera présentée à l'Assemblée dans les prochains jours semble convenir à Myriam Cau : "Elle est en effet plus conforme à ce que les régions attendent mais il faut voir si ça évolue encore."
De son côté, Christophe Bernard, secrétaire général de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), craint la multiplication des acteurs au sein de cette conférence. "Il faut éviter de construire une assemblée pléthorique qui ne produira rien", a-t-il ainsi signalé, insistant sur l'intérêt cependant de voir l'Etat prendre place autour de la table. "Il faut réfléchir à un mode d'organisation pour l'interterritorialité qui soit à géométrie variable." Olivier de Brabois, directeur général des services du conseil général du Loir-et-Cher, est en revanche très déçu par ce qu'il ne considère même plus comme l'acte 3 de la décentralisation car "nous n'y retrouvons pas nos petits". Il estime que c'est l'occasion de prendre les choses en main et de tenter des expériences : "Nous pensons qu'il y a quelque chose entre la jungle et le jardin à la française, il s'agit d'organiser la complexité !" Tout un travail de coopération entre son département et deux autres (Loiret et Eure-et-Loir) est en cours pour tenter de mutualiser certains services et créer des économies. "Nous avons ainsi mené un essai avec les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) pour l'achat des télécommunications, ce qui nous a permis d'économiser 300.000 euros, ce n'est pas rien ! Nous tentons aussi de mettre en place des expertises communes, comme dans les services juridiques ou les ressources humaines avec une bourse à l'emploi interdépartementale." Les efforts se font aussi entre régions, c'est le cas de la coopération engagée par la région Bretagne avec les Pays de la Loire et la Basse-Normandie sur des thèmes comme le lait et l'élevage ou le transport. Reste que l'Etat dans son rôle d'impulseur est largement plébiscité. "Il y a besoin d'une impulsion, d'un rappel à l'ordre pour regrouper les territoires, les faire travailler ensemble", a ainsi martelé Christophe Bernard.

Emilie Zapalski

Le nouvel observatoire des coopérations entre collectivités
Un "observatoire des coopérations entre collectivités" a été lancé le 10 juillet 2013 par ETD, le centre de ressources du développement territorial. Le nouvel outil est destiné à rassembler les coopérations existantes, repérées par ETD, et à les mettre à disposition des collectivités. Le dispositif s'attachera à identifier les pratiques, à assurer des analyses dans la durée visant à en tirer des enseignements méthodologiques et à diffuser les informations recueillies. L'observation portera sur la coopération verticale, entre différents niveaux de collectivités, et sur la coopération horizontale, entre mêmes échelles d'intervention ou entre collectivités sur des grands territoires. Exemples de pratiques : la coopération mise en œuvre par quatre départements (Allier, Cher, Creuse, Nièvre) pour valoriser les atouts de leur territoire interrégional et défendre un modèle de développement fondé sur la complémentarité, l'équilibre et l'interdépendance entre espaces ruraux et urbains. Les premières fiches sont accessibles sur le site d'ETD : www.projetdeterritoire.com.
E.Z.