Les congés menstruels dans les collectivités sont illégaux, tranche une circulaire de la DGCL

Dans une circulaire datée du 21 mai 2025, la Direction générale des collectivités locales (DGCL) demande aux préfets de s'opposer systématiquement aux congés menstruels instaurés dans les collectivités territoriales sous forme d'autorisation spéciale d'absence (ASA). L'État freine une dynamique pourtant portée par plusieurs communes. Interpellé au Sénat, le gouvernement admet le besoin d'une réponse mais n'entend pas agir par décret dans l'immédiat.

Face à la multiplication d'initiatives de collectivités territoriales à Grenoble, Saint-Ouen ou Gentilly, instaurant un congé menstruel sous forme d'autorisation spéciale d'absence (ASA), la Direction générale des collectivités locales (DGCL) a transmis aux préfets, le 21 mai 2025, une circulaire que nos confrères de Maire-Info se sont procurés, appelant à l'opposition systématique par le contrôle de légalité. La circulaire rappelle que le cadre statutaire des agents publics territoriaux, défini par le code général de la fonction publique, ne permet pas aux collectivités de créer de nouvelles catégories d'ASA pour des raisons de santé. Une telle décision, affirme la DGCL, relève du législateur ou du pouvoir réglementaire national, non des assemblées locales.

Cette position s'appuie sur la jurisprudence récente du tribunal administratif de Toulouse qui, le 20 novembre 2024, a suspendu les délibérations de deux collectivités en Haute-Garonne ayant institué un congé menstruel. Le juge administratif avait alors jugé que l'absence de base légale claire rendait les actes litigieux contraires au droit.

1 femme sur 10 souffre d'endométriose 

Selon la DGCL, les ASA sont strictement encadrées par les articles L. 622-1 à L. 622-7 du code général de la fonction publique, qui ne prévoient ce type d'absence qu'à titre exceptionnel : événements familiaux, parentalité…. Dès lors, toute mesure locale fondée sur une approche de santé ou de bien-être physique serait illégale, même si elle vise une pathologie largement reconnue comme invalidante.

Or, l'endométriose touche près de deux millions de femmes en France, soit 1 femme sur 10. Un rapport du Sénat sur l'égalité professionnelle entre femmes et hommes de 2023 soulignait que ses effets sur la vie professionnelle sont "majeurs, multiples et souvent discriminants". D'autres troubles gynécologiques, comme l'adénomyose, les dysménorrhées sévères ou le syndrome des ovaires polykystiques, peuvent également générer des douleurs invalidantes.

Le gouvernement n'envisage pas de décret, malgré la pression parlementaire

Interrogée le 8 avril 2025 au Sénat par Pascal Savoldelli, la ministre déléguée Juliette Méadel a confirmé la position de l'État. Elle a reconnu que "plusieurs collectivités ont pris la décision de mettre en place des ASA pour congé menstruel, permettant aux agentes concernées de s'absenter sans préjudice sur leurs congés", tout en rappelant que ces initiatives reposent sur une base légale fragile. "En l'état actuel du droit, la création d'une nouvelle catégorie d'ASA pour raison de santé ne relève pas des compétences des collectivités locales", a-t-elle rappelé.

Si elle a indiqué que la DGAFP travaille à l'identification de solutions juridiques, elle n'a annoncé ni décret ni calendrier précis, malgré l'interpellation directe du sénateur Savoldelli : "Je pensais que vous alliez retenir une modalité simple, à savoir un décret. [...] Prenez l'initiative ou soutenez les collectivités !"
Le parlementaire rappelait que la loi du 6 août 2019 (transformation de la fonction publique) autorise en théorie une harmonisation et une ouverture du champ des ASA, mais que le décret d'application prévu n'a jamais été publié.

Les alternatives légales répertoriées par la DGCL 

Face à cette impasse juridique, la DGCL recommande aux préfets de s'opposer à toute délibération instaurant un congé menstruel, et d'engager un référé-suspension le cas échéant. Elle enjoint aussi à faire preuve de vigilance sur les éventuelles pratiques non formalisées dans les actes.

Dans le même temps, la DGCL propose plusieurs alternatives légales aux collectivités souhaitant accompagner leurs agentes "permettant de mieux prendre en compte leur situation" : télétravail ponctuel ou régulier, sur la base d'un certificat médical ou d'un accord de service, aménagement du poste de travail, avec l'appui du médecin de prévention, utilisation des ASA existantes, lorsqu'une justification médicale le permet, dialogue social dans le cadre du comité social territorial (CST) pour discuter d'ajustements non statutaires.
La DGCL estime qu'en l'état actuel du droit, c'est le dispositif congés maladie ordinaire (CMO) fractionné qui apparait comme "l'outil statutaire le plus adapté". Rappelons toutefois que le CMO fractionné est accordé sur présentation d'un certificat médical (et éventuellement après consultation du conseil médical) et qu'il engendre une journée de carence. De plus, la fonctionnaire concernée ne percevra que 90% de son traitement (ou 50% s'il excède trois mois de congés maladie sur l'année calendaire). 

"Le secteur public est en retard de ce point de vue"

Si le cadre réglementaire reste verrouillé, le débat politique et social sur le sujet continue de progresser. Selon un sondage Ifop de 2021, 68% des Françaises se déclaraient favorables à l'instauration d'un congé menstruel, et 44% déclaraient avoir déjà manqué une journée de travail pour cette raison, ou connaître quelqu'un dans ce cas. "Certaines entreprises privées ont pris des mesures en faveur de ces femmes, mais le secteur public est en retard de ce point de vue", faisait valoir le sénateur Savoldelli lors de sa question orale. 

Alors que des pays comme l'Espagne, le Japon ou l'Indonésie ont d'ores et déjà mis en place ce droit, la France apparaît en retard. "Certaines communes volontaristes ont pourtant essayé d'instaurer un congé menstruel, mais le tribunal administratif de Toulouse a suspendu, le 20 novembre 2024, les délibérations de ces collectivités. Depuis, cette décision fait partout jurisprudence. Que les maires soient empêchés de mettre en place une mesure d'égalité est une situation ubuesque", tempête le sénateur Savoldelli. 
Dans les collectivités, de nombreux élus affirment vouloir reconnaître une réalité physiologique, encore taboue dans le monde professionnel, sans stigmatiser les agentes concernées. Pour l'instant, leur marge de manœuvre se heurte à une doctrine administrative stricte.

 

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