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Social - Les demandes d'asile s'accélèrent, mais l'Europe ne parvient pas à réformer ses procédures

Il y a quelques semaines, trois inspections générales (Igas, IGF et IGA) publiaient un rapport sévère sur l'état du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile en France, estimant qu'une amélioration "ne peut passer que par une réforme d'ensemble" (voir notre article ci-contre du 13 septembre 2013). Ces derniers mois, les associations et le Sénat ont également dénoncé un dispositif "à bout de souffle" (voir nos articles ci-contre du 20 novembre et 17 décembre 2012 et du 18 février 2013).
Pourtant, quelques jours après le drame de Lampedusa et ses 300 morts et disparus, les ministres européens de l'Intérieur, réunis d'urgence à Luxembourg le 8 octobre, ne sont pas parvenus à un accord sur des pistes de réforme du dispositif de l'Union. Au cours de cette réunion, le conseil a certes "discuté des mesures possibles pour assurer des solutions à long terme, afin que de telles tragédies ne se répètent pas", mais il n'a pas dégagé de solution, si ce n'est un renforcement des moyens de l'agence Frontex et de la lutte contre les groupes criminels qui organisent le trafic d'êtres humains. Le sujet devrait également figurer à l'ordre du jour du prochain Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement, les 24 et 25 octobre.

Pour ou contre Dublin II

Le blocage se fait entre tenants et adversaires de l'accord Dublin II, autrement dit le règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003, qui détermine l'Etat responsable du traitement d'une demande d'asile afin de limiter le risque de demandes multiples. L'accord prévoit notamment que l'Etat responsable du traitement est celui qui a délivré au demandeur un titre de séjour ou un visa toujours en cours de validité, ou dont le demandeur a franchi irrégulièrement les frontières (cas le plus courant, comme à Lampedusa), ou encore l'Etat où réside un membre de la famille du demandeur en qualité de réfugié ou de demandeur d'asile.
Les adversaires de Dublin II souhaitent que la Commission - qui n'a pas aujourd'hui de pouvoirs en la matière - procède à la répartition des demandeurs entre les Etats membres, afin de garantir un meilleur équilibre dans les prises en charge. Une position qui n'est pas sans rappeler l'esprit du récent accord entre le ministère de la Justice et l'Assemblée des départements de France sur la prise en charge des mineurs isolés (voir notre article ci-contre du 4 juin 2013). Cette opposition entre pro et anti-Dublin II recouvre, de fait, une fracture nord-sud entre les pays méditerranéens de l'Union européenne - comme l'Italie ou la Grèce - et les pays du nord.

Quatre demandes sur cinq refusées en France

Pendant que l'Europe peine ainsi à dégager des solutions, Eurostat - son office statistique - publie les chiffres de la demande d'asile au second trimestre 2013. Ceux-ci témoignent d'une forte poussée : avec plus de 100.000 demandes enregistrées au second trimestre, l'Europe est confrontée à une hausse d'environ 50% par rapport à la même période de 2012. Une situation qui n'est pas sans impact sur les collectivités françaises. Si le traitement de la demande d'asile relève de l'Etat, l'hébergement hors Cada (centres d'accueil des demandeurs d'asile) et les situations relatives aux enfants - 21% des demandes d'asile en France concernent des mineurs, dont 18% de moins de 13 ans - peuvent en effet impliquer les départements et les communes.
Cette progression d'ensemble de 50% en un an recouvre toutefois des évolutions très différentes selon les pays. Si la France connaît une progression similaire à celle des années précédentes (+21% en un an), l'Allemagne et l'Espagne sont confrontées à un doublement et l'Italie voit les demandes progresser de 62%. Pour leur part, les chiffres des pays est-européens témoignent de la recherche de nouvelles filières par les passeurs et les organisations criminelles : en un an, le nombre de demandeurs d'asile est multiplié par 25 en Hongrie (qui partait - il est vrai - de très bas), par 4 en Bulgarie et par 3 en Pologne.
Contrairement à une idée reçue, les demandeurs d'asile ne viennent pas en majorité du Maghreb-Machrek ou d'Afrique noire (même si la guerre en Syrie fait sentir ses effets). Près de la moitié des nouveaux demandeurs enregistrés en Europe au deuxième trimestre 2013 sont en effet russes ou kosovars. Les demandeurs russes et kosovars, mais aussi maliens, sont ainsi quatre fois plus nombreux au deuxième trimestre 2013 qu'à la même période de 2012. Le cas du Mali mis à part, cette hausse ne peut s'expliquer par des changements significatifs dans le contexte international ou dans la situation intérieure de ces pays.
Enfin, les chiffres d'Eurostat tordent le cou à la rumeur complaisamment entretenue par certains courants de pensée, sur le laxisme supposé du traitement de la demande d'asile. Sur les six pays étudiés, la France est même le pays le plus strict avec 81% de décisions de refus du statut de réfugié et 19% d'acceptation (statut de réfugié, protection subsidiaire ou raisons humanitaires). Les taux de rejet sont de 71% en Belgique, 67% en Allemagne, 64% au Royaume-Uni, 51% en Suède et 46% en Italie.

 

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