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Protection de l'enfance - Le ministère de la Justice et l'ADF trouvent un accord - partiel - sur les mineurs isolés étrangers

Christine Taubira a annoncé, le 31 mai, l'entrée en vigueur du protocole d'accueil des mineurs isolés étrangers, conclu avec l'Assemblée des départements de France (ADF). La ministre de la Justice a précisé que cet accord fait actuellement l'objet d'une circulaire, ainsi que d'une instruction aux procureurs.
La question des mineurs isolés étrangers (MIE) est une source de tension récurrente entre l'Etat et les départements, au point que la Seine-Saint-Denis - le département métropolitain le plus concerné - avait annoncé, en septembre 2011, qu'il suspendait l'accueil de ces mineurs, avant de le reprendre quelques semaines plus tard (voir nos articles ci-contre du 2 septembre et du 12 octobre 2011). La crise avait au moins permis de trouver un accord sur une répartition plus équitable de ces mineurs sur le territoire national (voir notre article ci-contre du 23 septembre 2011).
Depuis cette date, les négociations se poursuivaient, de façon plus ou moins chaotique, pour trouver une solution plus durable. Le protocole signé par Christine Taubira - mais aussi par Marisol Touraine et Manuel Valls - et Claudy Lebreton, le président de l'ADF, précise les nouvelles modalités d'organisation de prise en charge des MIE à leur arrivée sur le territoire national (ou lorsque leur situation est repérée).

De nouvelles modalités d'organisation

Le protocole prévoit ainsi que la phase de mise à l'abri / évaluation / orientation est réalisée - sur la base d'un protocole d'évaluation homogène - "dans le département où le jeune se déclarant mineur isolé étranger a été repéré ou s'est présenté". Cette phase sera financée par l'Etat, sur la base d'un coût forfaitaire de 250 euros par jeune et par jour (versés au département) et pour une durée maximale de cinq jours. De son côté, le président du conseil général réalise un premier entretien d'accueil qui confirme ou infirme la nécessité d'une mesure de protection immédiate et assure l'accueil provisoire d'urgence. Si la minorité et l'isolement du jeune sont "clairement établis" dans le délai de cinq jours, le président du conseil général saisit le procureur de la République. Celui-ci désigne alors, en s'appuyant sur le dispositif national d'accueil, le département du lieu de placement définitif, auquel il confie le mineur par une ordonnance de placement provisoire. Dans le même temps, il se dessaisit - si besoin - au bénéfice du parquet du lieu de placement définitif, qui saisit le juge des enfants compétent.
Si, au terme du délai de cinq jours, la minorité ne peut être établie et que l'évaluation doit être poursuivie, le président du conseil général d'arrivée saisit le procureur de la République compétent, afin que le jeune lui soit confié par une ordonnance de placement provisoire. Une fois la minorité établie, la procédure reprend selon les modalités du cas précédent. Le protocole précise que l'organisation du transfert du mineur vers son département d'accueil définitif est à la charge du département d'arrivée et que le remboursement du coût correspondant est compris dans le versement forfaitaire de l'Etat.

Des précisions sur l'évaluation de la minorité

Le protocole apporte également des précisions sur la question délicate et controversée de l'évaluation de la minorité (voir notre article ci-contre du 21 mai 2012). Celle-ci doit s'appuyer sur "un faisceau d'indices" : les entretiens avec le jeune, la vérification de l'authenticité des documents d'état civil présentés et, "si le doute persiste au terme de cette étape et seulement dans ce cas", sur une expertise médicale de l'âge, sur réquisition du parquet. Le caractère très restrictif et encadré du recours à l'expertise médicale se veut une réponse aux dérives constatées sur les examens osseux.
Enfin, le protocole reprend la suggestion de l'ADF sur les critères de répartition des MIE entre départements : cette orientation, décidée par le parquet ou le juge des enfants, "s'effectue d'après une clé de répartition correspondant à la part des moins de 19 ans dans chaque département". La cellule nationale placée auprès de la protection judiciaire de la jeunesse se chargera de mettre à disposition des parquets et des juges les éléments nécessaires pour mettre en œuvre cette clé de répartition.

Tout n'est pas réglé

Dans un communiqué du 31 mai, la ministre de la Justice souligne "l'expertise et l'état d'esprit du président de l'Association des départements de France et de sa délégation, et se prévaut de la qualité du travail interministériel remarquable qui a permis d'aboutir et de prendre enfin en compte la situation difficile et souvent douloureuse de ces enfants exposés à la plus grande précarité". Mais ces éloges appuyés ne suffisent pas complètement à dérider le président de l'ADF. Dans un communiqué du même jour, Claudy Lebreton se félicite certes - sur un mode plus sobre - "de ces dispositions qui traduisent le travail de concertation avec l'Etat".
Mais c'est pour souligner aussitôt que le protocole "ne concerne que les 1.500 nouveaux arrivants chaque année et pas les 6.000 mineurs et 3.000 jeunes majeurs (18-21 ans) pris en charge aujourd'hui par l'aide sociale à l'enfance des départements". Pour l'ADF, ce document doit être considéré comme "une première avancée de la part de l'Etat". Car "ces décisions ne suffisent [...] pas à régler tous les problèmes posés par le sort des mineurs étrangers isolés". L'ADF réitère donc sa demande - reprise par le Défenseur des droits (voir nos articles ci-contre du 18 novembre 2011 et du 10 février 2012) - de création, au sein du Fonds national de protection de l'enfance, d'un fonds d'intervention destiné aux départements particulièrement confrontés à l'accueil des mineurs isolés étrangers.

 

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