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Culture - Les difficultés de Pompidou-Metz interrogent le modèle des grands musées en régions

Alors que le musée du Quai d'Orsay multiplie les partenariats réussis avec des collectivités territoriales - à l'image des récents "Ateliers nomades" à Cergy-Pontoise - et que le Louvre-Lens se prépare à terminer sa première année d'existence avec 900.000 visiteurs, le centre Pompidou multiplie au contraire les déconvenues. Après l'arrêt prématuré du centre Pompidou mobile - annoncé en mai dernier moins de deux ans après son lancement et qui sera effectif à la fin de ce mois à l'issue d'une sixième et dernière halte à Aubagne (voir notre article ci-contre du 21 mai 2013) -, c'est au tour du centre Pompidou-Metz de connaître de sérieuses difficultés. Au point qu'Aurélie Filippetti a dû réunir en urgence, le 24 septembre, les dirigeants du centre, ceux de l'antenne de Metz et les élus locaux concernés, afin de rechercher une solution.

Fréquentation et expositions en berne

La crise concerne à la fois la fréquentation et les expositions, les deux étant bien sûr étroitement liés. Si le centre Pompidou-Metz a connu un décollage en fanfare avec 800.000 visiteurs la première année (voir notre article ci-contre du 11 mai 2011), il a vite fallu déchanter, bien au-delà du repli traditionnel après la période d'ouverture. La fréquentation est en effet retombée à 550.000 visiteurs la seconde année et à 475.000 l'an dernier. Un article du quotidien Le Républicain Lorrain a révélé que l'établissement avait dû puiser 750.000 euros dans ses réserves pour parvenir à boucler son budget 2012 et le directeur du centre Pompidou-Metz a reconnu que "le niveau des recettes de billetterie a été inférieur à ce que l'on souhaitait". L'invocation de la crise économique pour expliquer ce recul des entrées n'est pas vraiment convaincante, dans la mesure où la fréquentation des musées bat chaque année de nouveaux records depuis le début de la crise en 2007.
L'explication est plutôt à rechercher du côté de la conception du musée et de la programmation. Tout en évoquant un "bilan extrêmement flatteur", la ministre de la Culture ne s'est pas privée de dire tout haut que l'absence de collections permanentes au centre Pompidou-Metz créait "une certaine déception chez les visiteurs qui viennent dans une période sans exposition temporaire". Et certaines expositions temporaires - comme celle sur le peintre américain Hans Richter (1888-1976), qui ouvre samedi - ne sont pas forcément de nature à attirer un large public.
Contrairement au Louvre-Lens - qui dispose d'une collection semi-permanente d'œuvres prêtées par le Louvre et renouvelée tous les cinq ans à hauteur de 20% par an -, le centre Pompidou et son antenne de Metz ont tout misé sur les expositions temporaires. Cette situation et ses conséquences sur la fréquentation n'ont pas manqué d'irriter les collectivités, qui portent à bout de bras le centre Pompidou-Metz (voir notre article ci-contre du 11 mai 2010). Sur un budget annuel de 11 à 12 millions d'euros, 4,6 millions sont ainsi apportés par Metz Métropole, 4 millions par la région Lorraine, 400.000 euros par la ville de Metz et 100.000 euros par le département de la Moselle. La semaine dernière, Jean-Pierre Masseret, le président du conseil régional, menaçait de réduire, voire de supprimer, la dotation de la région en l'absence de mesures.

Une exposition "Phares" pour redresser la barre

La réponse n'a pas traîné, même si elle fleure un peu l'improvisation. A l'issue de la réunion du 24 septembre, Aurélie Filippetti a en effet annoncé la tenue d'une exposition baptisée "Phares". Le concept est encore flou, la date indéterminée et l'accrochage n'est pas finalisé. Selon Laurent Le Bon, le directeur de Pompidou-Metz, "Phares s'ajoutera aux autres expositions temporaires et ne deviendra pas une collection permanente. Mais il est possible que l'exposition dure plus de deux ans, ou que 20% des oeuvres soient renouvelées chaque année comme au Louvre-Lens"... Une perspective confirmée par la ministre de la Culture, affirmant qu'"avec Phares, l'idée est d'offrir au public une continuité, sans renier la dynamique d'expositions temporaires du musée".
Seule certitude : pour attirer un public plus large, "Phares" présentera des œuvres d'artistes de premier plan (Miro, Picasso, Frank Stella, Anish Kapoor...), issues des collections - et non pas des réserves - du centre Beaubourg. Une démarche qui ressemble en effet beaucoup à celle du Louvre-Lens. Les collectivités seront à nouveau mises à contribution, puisque les 4,6 millions d'euros prévus au récent contrat Etat-région pour le centre Pompidou-Metz contribueront au financement de l'exposition "Phares".

Quand le contenant l'emporte sur le contenu

Au-delà des erreurs stratégiques du centre Pompidou dans la conception de sa décentralisation, le cas de Metz soulève une question plus générale : celui du flou du projet muséal dans certains grands établissements en région. Il n'a échappé à personne que le succès spectaculaire du Mucem (voir notre article ci-contre du 17 septembre 2013) tient davantage à l'architecture de Rudy Ricciotti et à son emplacement exceptionnel au cœur de Marseille qu'a ses premières expositions temporaires, comme "Au bazar du genre - Féminin-masculin en Méditerranée" ou "Présentée vivante". On notera au passage que le Mucem a pris la précaution de se doter d'une galerie semi-permanente (1.500 m2 soit 10% du bâtiment principal), baptisée la Galerie de la Méditerranée et qui présente "une grande variété d’objets et d’œuvres d’art issus en partie des collections du musée". La question du contenant et du contenu pourrait également se poser bientôt à propos du musées des Confluences à Lyon dont l'architecture futuriste - et coûteuse - masque mal les flottements sur le projet muséal.
Un point rassurant toutefois : si le musée Guggenheim de Bilbao - le concept qui a inspiré toutes les réalisations de ces dernières années - ne désemplit pas depuis son ouverture en 1997, ses expositions temporaires font pourtant, elles aussi, l'objet de critiques récurrentes.

 

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