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Les intercommunalités s'impliquent de plus en plus dans la culture

L'étude "Politiques culturelles intercommunales : état des lieux et perspectives" publiée par Intercommunalités de France / ADCF dessine une montée en puissance sur ces dix dernières années, qu'il s'agisse de la construction et gestion d'équipements (bibliothèques et écoles de musique en tête) ou d'action culturelle à destination de publics spécifiques. Le projet culturel de territoire (PCT) est une réalité et pratiquement toutes les intercos disposent d'une délégation politique relative à la culture. L'articulation avec les communes obéit à des modèles variables. Le département est un partenaire de premier rang.

Intercommunalités de France / ADCF publie une étude, très riche et très complète, intitulée "Politiques culturelles intercommunales : état des lieux et perspectives". Ce travail, qui fait suite à une précédente étude sur le sujet publiée en 2008, a été présenté lors de sa récente convention nationale à Clermont-Ferrand. Cet écart de dix ans met en évidence le fait que "la place des intercommunalités dans l'exercice des politiques culturelles continue de croître tant par la gestion d'équipements que par la mise en œuvre d'actions culturelles et le soutien aux acteurs territoriaux". S'appuyant sur 125 retours d'intercommunalités à une enquête en ligne et sur des entretiens qualitatifs avec 35 acteurs locaux, l'étude se penche aussi sur l'articulation, en ce domaine éminemment partagé, entre les différents niveaux de collectivités, notamment au sein du bloc communal.

Bibliothèques, conservatoires, cinémas, musées, salles de spectacle...

De façon logique, la majorité des compétences transférées aux EPCI portent sur la construction et la gestion des équipements culturels reconnus d'intérêt communautaire. D'autres compétences facultatives concernent l'animation et la valorisation culturelle du territoire. Les communautés urbaines et les métropoles constituent un cas à part, puisqu'elles disposent de compétences obligatoires en matière de développement et d'aménagement économique, social et culturel de l'espace communautaire.
Les équipements les plus présents dans les intercommunalités sont les bibliothèques (98%) et les écoles de musique (96%). Le taux d'équipement des intercommunalités en matière de lecture publique a ainsi doublé depuis 2008. Les cinémas, musées et salles de spectacle dépassent également les 90% dans les communautés d'agglomération, mais sont en revanche moins nombreux dans les communautés de communes, qui correspondent à des territoires plus ruraux.
Interrogés sur les motivations qui les ont poussées à réaliser un investissement culturel, les intercommunalités mettent en avant la nécessité de combler un déficit dans l'offre culturelle ou de diversifier les équipements du territoire. Les intercommunalités à dominante rurale mettent aussi en avant le renforcement du dynamisme local et de l'attractivité du territoire, alors que celles à dominante urbaine insistent plutôt sur l'accroissement du rayonnement territorial grâce à la construction d'un équipement de grande ampleur.  
Pour autant, les décisions en la matière ne sont pas toujours consensuelles, eu égard au coût des équipements et du choix de leur site d'implantation. L'existence de documents ou de référentiels, comme les schémas de lecture publique, permet toutefois d'encadrer les décisions en la matière. 

Le rôle croissant du projet culturel de territoire

L'un des enseignements les plus marquants de l'étude réside dans la désignation des publics principaux de l'action culturelle des intercommunalités. Ainsi, 87% des communautés de communes et 75% des communautés d'agglomération, communautés urbaines et métropoles disent mener des actions culturelles en direction des scolaires, et 82% et 56% en direction de la petite enfance, contre respectivement 15% et 38% en direction des étudiants. Parmi les cibles citées figurent également les publics éloignés de la culture (65 et 72%), les familles (66 et 59%) et les personnes âgées (51 et 34%).
Cet accroissement du rôle culturel des intercommunalités depuis 2008 se traduit aussi, au-delà de la simple gestion des équipements (dont 50% sont en régie directe), par une plus grande structuration et une plus grande transversalité des politiques. Ainsi, 69% des communautés de communes et 63% des communautés d'agglomération, communautés urbaines et métropoles envisagent, au cours du présent mandat, de formaliser ou d'actualiser un projet culturel de territoire (PCT), tandis que 51 et 56% prévoient d'intégrer un volet culturel dans la stratégie globale de territoire. Les projets culturels de territoire présentent l'avantage d'offrir un espace de concertation aux élus municipaux pour développer leur sentiment d'appartenance à l'intercommunalité. Et le PCT permet de structurer l'action de l'intercommunalité autour d'un axe stratégique.
Parmi les autres projets envisagés au cours du mandat figurent aussi le financement et la gestion d'équipements culturels intercommunaux (57 et 72%), le financement des acteurs opérant dans le champ culturel (71 et 75%), ou encore le soutien à la politique culturelle des communes membres (33 et 59%).

92% des intercommunalités ont un élu dédié à la culture

En termes de transversalité, près de 80% des communautés de communes et des communautés d'agglomération affirment que la dimension culturelle est prise en compte dans les autres politiques communautaires, proportion qui frise les 100% dans les communautés urbaines et les métropoles. En termes de gouvernance, la dimension culturelle s'est également fortement étoffée depuis 2008. Désormais, seules 8% des intercommunalités n'ont pas de délégation politique relative à la culture au sein de leur exécutif. En revanche, 63% ont une vice-présidence culture, 24% une vice-présidence avec également d'autres thématiques et 2% un conseiller délégué culture. En dix ans, le nombre de vice-présidences dédiées a ainsi doublé.
En matière de finances, le budget des intercommunalités consacré à la culture "semble se stabiliser depuis quelques années et représente en moyenne 5 à 6% de leur budget total". Cette proportion monte toutefois à environ 12% dans les métropoles. Les dépenses culturelles des intercommunalités s'élevaient en 2020, selon l'Observatoire des  finances et de la gestion publique locales (OFGL), à 1,6 milliard d'euros en fonctionnement. Avec les communes, les intercommunalités sont ainsi "les premiers  financeurs de la culture en France".

Quelle articulation avec les communes membres ?

La dernière partie de l'étude est précisément consacrée à l'articulation des intercommunalités et des communes en matière culturelle, qui tourne autour de la question de la subsidiarité. Dans les territoires urbanisés, l'intercommunalité apporte un complément à l'offre des communes, dispose d'une capacité d'expertise et crée une synergie entre les acteurs locaux. Dans les territoires à faible densité, l'étude distingue trois cas de figure : l'intercommunalité force de proposition (qui pallie le manque d'offre culturelle des communes), l'intercommunalité en complément et en appui financier (qui apporte une aide matérielle ou son expertise) et l'intercommunalité en simple soutien de l'action des communes, actrices principales en la matière.
En termes pratiques, dans les communautés urbanisées la gestion des équipements est répartie entre l'intercommunalité et les communes, essentiellement la ville-centre. Le transfert d'un grand équipement à l'intercommunalité vise alors une montée en qualité de l'offre. Dans les territoires à dominante rurale, où la quantité d'équipements culturels est plus faible, l'approche consiste soit en la mise à disposition d'équipements communaux pour des manifestations communautaires (lorsque les communes disposent de tels équipements), soit, lorsqu'elles en sont dépourvues, en la construction d'un équipement communautaire bénéficiant à l'ensemble des communes membres. En termes de gestion, les instances de gouvernance intercommunales sont les commissions culture, dont disposent 62% des intercommunalités, auxquelles il faut ajouter 29% qui ont une commission regroupant la culture et d'autres politiques.

Le département, partenaire principal

En matière de coopérations hors du bloc local, le principal partenaire est le département cité comme partenaire par 70% des communautés de communes et par près de 60% des communautés d'agglomération, communautés urbaines et métropole. Les régions sont vues davantage sur le registre des coopérations ponctuelles (plus de 50% et près de 40%). À l'inverse, les Drac (directions régionales des affaires culturelles) sont vues plutôt comme des partenaires (plus de 50% et près de 60%), de même que l'éducation nationale, avec respectivement 40% et près de 70%.
En conclusion, l'étude s'interroge sur "Comment imaginer la suite ?" et recense plusieurs "leviers d'action" : élaborer un projet culturel de territoire ou intégrer la culture à un projet de territoire, développer un accord de partenariat en mobilisant notamment le contrat de relance et de transition écologique (CRTE), investir la compétence "autorité organisatrice de la mobilité" (AOM) pour l'accès aux équipements culturels, et référencer l'offre culturelle sur l'application du Pass culture. Enfin, l'étude pointe plusieurs enjeux à moyen terme : réinventer les espaces de consommation culturelle (espaces hybrides, tiers lieux...), encourager la coopération entre l'intercommunalité et les acteurs culturels, professionnels et artistes, et développer la collaboration avec les autres niveaux de collectivités territoriales. 

 

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