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Les mauvaises conditions de travail ont accru les tensions de recrutement

En 2019, 6 métiers sur 10 étaient en forte tension, contre seulement un quart en 2015. Cette hausse des difficultés de recrutement s’explique notamment par les conditions de travail et les salaires, selon une étude de la Dares.

Avec la reprise économique, c’est devenu la préoccupation majeure des entreprises. Au deuxième trimestre 2021, on comptait en France 264.800 emplois vacants, soit 1,8% des emplois. Un niveau "historiquement" élevé, selon la Dares, qui a conduit le gouvernement à adapter l’orientation de son nouveau plan d’investissement dans les compétences. Les financements disponibles à travers les plans régionaux (Pric) peuvent désormais bénéficier à l’ensemble des demandeurs d’emploi, quel que soit leur niveau de qualification. Lors du congrès de Régions de France, le Premier ministre, Jean Castex, a appelé les régions à identifier les "métiers et secteurs en tension" pour mieux cibler les formations (lire notre article du 30 septembre).
Mais cette catégorie ne cesse de s’élargir, comme le constate la Dares dans une étude publiée le 1er octobre. Fin 2019, 6 métiers sur 10 se trouvaient déjà en "forte tension", contre seulement un quart en 2015. Le taux de chômage (au sens du Bureau international du travail) était alors comparable à aujourd’hui : 8,1%, contre 8% au deuxième trimestre 2021.

Forte poussée des problèmes d’attractivité

Ces difficultés à recruter, que la Dares mesure par un "indicateur de tension" sur 186 métiers du secteur privé, ont plusieurs origines. Dans un tiers des métiers tendus (soit 119), le manque de candidats qualifiés en volume est à la source du problème : cela concerne notamment les "métiers pointus de l’industrie (techniciens de la mécanique ou de l’électricité par exemple), du bâtiment (plombiers, charpentiers) et la quasi-totalité des métiers d’ingénieurs dans l’industrie, le bâtiment ou l’informatique", souligne la Dares.
Cependant, un autre frein est apparu ces dernières années. En 2019, la Dares identifiait 32 métiers tendus à cause de conditions de travail difficiles, soit un quart du total, contre seulement 5 en 2015. "Cela concerne les aides à domicile, les conducteurs routiers, les ouvriers non qualifiés de l’industrie (agroalimentaire, bois, métal, etc.), ou certains ouvriers qualifiés de l’industrie et du bâtiment ainsi que les serveurs", selon l’institut statistique du ministère du Travail.
Environ 20% des métiers cumulent les deux obstacles : il s’agit des métiers de bouche (cuisiniers, bouchers, boulangers) ainsi que les aides-soignantes. L’inadéquation géographique peut également expliquer de manière plus marginale les tensions, comme dans le cas des assistantes maternelles.

Hausses des salaires dans les branches professionnelles

Ces derniers mois, l’intensité de la reprise économique a aussi cristallisé ces tensions. "Après plusieurs mois de gel des embauches, les entreprises ont cherché à recruter en même temps un grand nombre de personnes, alors que les demandeurs d’emploi n’ont que progressivement repris leur recherche puisqu’ils se trouvaient sur un marché très dégradé quelques semaines plus tôt", décrypte la Dares. Dans l’hôtellerie-restauration, le renouvellement habituel des effectifs n’a pas eu lieu. Ainsi, "l’hébergement-restauration est surtout confronté au besoin de recruter les 200.000 salariés qui rejoignent généralement son secteur et qui n’ont pas pu le faire compte tenu de la crise sanitaire", explique l’institut statistique dans une autre étude thématique (Hébergement-restauration : quelle évolution des effectifs avec la crise ?), publiée le 28 septembre.
Mais pour la Dares, le problème demeure structurel. Constatant que les tensions "résultent moins d’un problème de formation, déjà existant, que d’un problème d’attractivité dans une trentaine de métiers", elle estime que "l’apaisement des difficultés de recrutement (et la baisse du chômage) pourrait donc aussi passer par l’amélioration des conditions de travail et/ou la revalorisation des salaires dans certains métiers".
Conscient de ce levier, le gouvernement encourage les branches professionnelles dont les minima salariaux sont inférieurs au Smic à les revaloriser. Un appel entendu par l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie : dans les colonnes du Parisien, la fédération se dit prête à négocier entre 6 et 9% de hausses de salaires. C’est aussi la voie engagée dans la branche associative de l’aide à domicile : depuis le 1er octobre, l’avenant 43 prévoit des augmentations de 13 à 15% qui bénéficieront à 209.000 personnels. En 2017, seules 23,5% des aides à domicile estimaient que leur salaire était "satisfaisant", selon une étude de la Dares.