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Innovation - Les régions françaises sont-elles en train de décrocher ?

Si l'innovation est le nerf de la guerre économique, les régions françaises sont à la traîne, juge le Conseil d'analyse économique, dans un rapport remis à Christine Lagarde le 26 août. Il préconise de construire au plus vite des stratégies régionales d'innovation reposant sur un rôle accru des universités.

Seules un tiers des régions françaises font mieux que la moyenne européenne en matière d'innovation. C'est le constat inquiétant du Conseil d'analyse économique dans son rapport "Innovation et compétitivité des régions" remis, mardi 26 août, à la ministre de l'Economie, Christine Lagarde. A quelques exceptions près (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Alsace et Midi-Pyrénées), elles ont même plutôt tendance à décrocher, quand leurs homologues allemandes et nordiques tiennent le haut du pavé. Quatre ans après la loi de décentralisation et la mise en place des schémas régionaux de développement économique (SRDE), le défi reste donc entier. L'intervention des collectivités françaises repose encore trop sur l'aide aux structures de soutien avec des "priorités peu affirmées et une certaine tendance à la dispersion des moyens", constatent les auteurs Thierry Madiès et Jean-Claude Prager. En 2007-2013, alors qu'en moyenne les pays ont prévu de consacrer 40% des fonds structurels à l'innovation, les régions françaises parviennent tout juste à 35%, "traduction de la préférence passée pour le soutien aux zones rurales dans les politiques d'aménagement du territoire".

 

"Désadministrer l'innovation"

De fait, le soutien à l'innovation dans l'Hexagone demeure encore largement entre les mains de l'Etat qui y contribue à hauteur de 88,2% contre à peine 1,4% pour les régions et 10,4% pour l'Europe. Or, "une bonne partie du point de croissance à long terme qui manque à la France est à chercher dans une meilleurs dynamique de l'innovation sur le territoire".
Pour le CAE, il est nécessaire de "désadministrer" l'innovation pour rompre avec la logique de guichets. Il propose pour commencer de dresser l'inventaire complet, "dans chaque région, des organismes, moyens, procédures, ressources et financements d'aide, de soutien et d'assistance aux entreprises, sous le contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales des compte" et de définir un programme de simplification et d'allègement.
C'est ensuite au niveau des ressources humaines qu'il faut porter l'effort, considèrent les deux experts : les universités sont appelées à jouer un rôle déterminant au côté des entreprises. Le rapport plaide pour la poursuite de la loi de 2007 sur la réforme des universités.

 

Mission régionale innovation

Ce qu'il manque enfin aux régions, estiment les auteurs, c'est une stratégie claire recentrée autour d'un nombre très limité d'actions bien choisies, seul moyen de rendre plus efficace l'utilisation des fonds publics. Ils proposent de mettre en place une "mission régionale innovation" commune à l'Etat et à la région chargée de piloter les politiques d'innovation, notamment pour les programmes européens.
Les auteurs trouvent quand même une raison de se réjouir avec la politique des pôles de compétitivité qui "aura marqué un tournant" en 2006. Elle a affirmé "l'importance de l'excellence et de la spécialisation des territoires" et engendré un mouvement, jugent-ils. Mais il faut aujourd'hui "renforcer les pôles mondiaux autour de projets structurants" à l'image du projet Aerospace Campus à Toulouse, projet qui associe trois grandes écoles, 1.000 chercheurs, un grand centre de recherche et des infrastructures de soutien aux PME. Le rapport recommande d'en faire de même pour les autres pôles, en particulier dans les biotechnologies, secteur où la France "a décroché".

 

Michel Tendil