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Salon des maires - Les Safer ne sont pas des empêcheurs de bâtir en rond

Déçues par le manque d'ambition du projet de loi d'avenir de l'agriculture en matière de préservation du foncier agricole, les Safer vantent leur rôle d'observateur du foncier auprès des collectivités. Plusieurs élus ont apporté leur témoignage, lors d'une conférence organisée à l'occasion du Salon des maires, le 20 novembre.

Le projet de loi d'avenir de l'agriculture, présenté par Stéphane Le Foll le 13 novembre prévoit de "mieux lutter contre l'artificialisation des sols". Mais en l'état, il ne répond pas aux enjeux de la préservation du foncier, selon le président de la Fédération nationale des Safer (sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural). "Il faut imposer qu'on retrouve une transparence des opérations foncières. L'objectif est de réintroduire la notification de toute vente aux Safer qui a disparu du texte et de prévoir des sanctions si la notification n'a pas eu lieu", a déclaré Emmanuel Hyest, interrogé en marge d'une conférence sur le foncier agricole, organisée dans le cadre du Salon des maires, le 20 novembre, à Paris. Selon lui le texte ne permet pas de lutter contre les "donations déguisées" qui peuvent "engendrer un mitage du territoire souhaité par personne", ni "les démembrements de propriétés" ou les cessions de parts sociales hors cadre familial. Trois priorités que la FNSafer voudrait voir apparaître lors des débats au Parlement.
Créées en 1960, les Safer disposent d'un droit de préemption lors des ventes d'exploitations. Elles jouent un rôle de préservation des terres. Mais elle ont récemment été mises à mal par un récent rapport sénatorial, qui est allé jusqu'à s'interroger sur "le maintien même de (leur) existence", alors que le contexte a fortement évolué avec la périurbanisation et la concurrence des autres activités économiques. A l'approche des élections municipales, elles veulent montrer qu'elles ne sont pas des "empêcheurs de bâtir en rond", mais qu'elles peuvent au contraire faciliter les négociations avec les agriculteurs. 

Observatoire agricole

Plusieurs élus ont pris la parole, lors de cette conférence, pour louer le concours qu'elles leur ont apporté dans leurs politiques d'aménagement. Du sud de Toulouse à La Roche-sur-Yon, en passant par le Chalonnais ou la Lozère, chaque territoire rencontre des enjeux différents, mais l'observation foncière leur a été d'un précieux concours, ont assuré ces témoins. L'expertise des Safer passe par son outil Vigifoncier qui permet d'informer les communes sur toutes les ventes qui ont lieu sur leur territoire.
Le Grand Chalon, qui regroupe six communautés de commune et une communauté d'agglomération, est un secteur qui reste très agricole, malgré un important étalement urbain. L'agriculture y est surtout représentée par les vignobles et les cultures céréalières, alors que le maraîchage, autrefois florissant, a quasiment disparu. Le syndicat mixte du Chalonnais s'est donné pour mission de préserver l'agriculture périurbaine, dans le cadre du Scot. La Safer a aidé à la création d'un observatoire agricole en partenariat avec la chambre d'agriculture. "La Safer nous a apporté son expérience, sur la répartition des exploitations, l'âge des exploitants", a témoigné Dominique Garrey, conseiller délégué à l'agriculture raisonnée durable au Grand Chalon. "Les agriculteurs ont pu se faire entendre", dans le cadre de réunions de travail avec les élus, a-t-il précisé. Grâce à ce travail, le syndicat a pu développer un projet d'agriculture de proximité sur 8 hectares acquis par la collectivité et sur l'installation d'une pépinière de quatre projets d'exploitations agricoles bio en circuit court. "On donne la possibilité à un porteur de projet d'installation de pouvoir se tester afin de voir si son projet est cohérent." Les relations entre les élus et les agriculteurs ont changé. "L'agglomération n'est plus le gros méchant qui vient faire de l'industrie mais elle apparaît comme une agglomération qui veut refaire une agriculture de proximité."
A La Roche-sur-Yon, territoire fortement urbanisé de Vendée, les élus cherchent eux aussi à freiner l'étalement urbain et à densifier l'habitat pour préserver les terres agricoles, tout en accueillant de nouvelles activités. "On travaille pour que culturellement, les habitants acceptent de construire des maisons plus petites, on développe une stratégie d'écoquartiers", a expliqué Pierre Régnault, le maire de La Roche-sur-Yon et président de la communauté d'agglomération. "Ce qui motive un maire, c'est de faire du développement économique, or cela rentre parfois en concurrence avec l'agriculture […]. Accueillir une usine demande d'être en capacité d'aller très vite [au risque sinon qu'elle choisisse un autre emplacement, ndlr], d'analyser la faisabilité, de pouvoir négocier… C'est la Safer qui fait ça."

"On ne s'improvise pas opérateur foncier"

Les relations entre élus et agriculteurs sont parfois très tendues, comme en a témoigné Claude Ducert le vice-président du Sicoval, la communauté d'agglomération du Sud toulousain. Il y a quelques années, il privilégiait "la méthode forte", en bloquant les prix du foncier à travers la création de zone d'aménagement différé permettant à la collectivité d'user de son droit de préemption. Résultat : du fumier déversé sur son pas-de-porte, ou pire, la porte du syndicat incendiée… Mais depuis le loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, les droits des propriétaires ont été renforcés face au droit de préemption. Les élus ont donc changé leur fusil d'épaule. "On a pris un virage, on a aussi pris conscience que l'agriculture est un secteur économique à part entière. Dans le cadre du Scot on s'est engagé à construire 1.000 logements par an, mais il faut aussi préserver des terres. La Safer nous a aidés. Sa connaissance est extrêmement précieuse, c'est une structure de dialogue avec le monde agricole."
En Lozère, l'enjeu est bien différent : le département cherche à accueillir de nouveaux arrivants et a donc besoin d'espace pour construire. Pas simple quand l'agriculture et la forêt constituent deux des trois principales activités économique du département. "A la différence d'un territoire plus urbanisé où le foncier est déjà occupé, en Lozère, il ne l'est pas forcément, en revanche il est dominé par le couvert forestier et l'agriculture", a expliqué Jérôme Legrand, le responsable du service Aménagement du territoire du conseil général. "Il nous faut connaître le marché foncier local, être réactif, observer le marché pour capter du foncier et répondre à des besoins […] Les outils d'information des Safer, tels que Vigifoncier, nous ont permis d'avoir une vision sur quasiment la totalité des ventes sur la Lozère", a-t-il ajouté. Mais surtout, c'est la Safer qui a mené les négociations, "car on ne s'improvise pas opérateur foncier". Une surface d'1,8 hectare a pu être acquise dans le village de Serverette. Les premières constructions ont démarré.