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Foncier rural - Les Safer répondent aux critiques de la Cour des comptes

Suite à la parution le 11 février du rapport de la Cour des comptes pointant les "dérives" des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), la fédération qui les encadre sur le plan national exerce son droit de réponse et éclaircit les critiques formulées.

Un titre de rapport peut faire plus de mal que son contenu. Dans son rapport annuel publié le 11 février, la Cour des comptes y a été fort en pointant dans le titre de son chapitre sur les Safer "les dérives d'un outil de politique d'aménagement agricole et rural". Dérives ? A la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSafer), autant on écoute avec attention et une dose de fair-play les critiques étayées par les magistrats, autant ce titre a choqué. "Toute structure est perfectible et nous avons conscience qu'il y a des choses à améliorer. Sur le fond, le rapport de la Cour conforte le rôle régulateur de l'outil tout en identifiant des pistes de progrès. Mais il est vrai que la forme nous a déplu, parler de dérives est excessif, ce titre était provocateur", confie Emmanuel Hyest, président de la FNSafer.
La Cour a aussi pointé du doigt des activités "éloignées des missions originelles" des Safer que sont l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, le remembrement parcellaire et l'agrandissement des exploitations familiales. "Mais cet élargissement d'activité s'est fait dans le cadre de l'évolution de nos missions d'intérêt général. Depuis que la loi sur le développement des territoires ruraux de 2005 a placé les collectivités au cœur du dispositif décisionnel, et imposé un tiers de leurs représentants au sein des conseils d'administration, les Safer accompagnent par exemple ces collectivités dans leurs politiques de développement local. C'est la loi qui l'a voulu", resitue Emmanuel Hyest.
Et l'aide aux jeunes agriculteurs ? Sur près de 30.000 hectares de biens fonciers rétrocédés par les Safer en 2012, la Cour a calculé qu'à peine 10% l'ont été à de jeunes agriculteurs. "Même si les chiffres ne le démontrent pas au premier coup d'œil, car cela passe par la case consolidation et non de première installation, cet accompagnement des jeunes agriculteurs reste bien une priorité", assure-t-il. Les magistrats ont aussi observé des déséquilibres entre Safer riches et pauvres. La fédération étudie ainsi de près l'idée d'une "solidarité financière", même si cela s'annonce complexe d'un point de vue juridique. Chacune des 26 Safer est en effet une entité propre, indépendante, "jalouse de son autonomie" ont décrit les magistrats. Et "s'il est indéniable que certaines bénéficient de marchés plus favorables, ces derniers sont très fluctuants. Comme sur le marché de l'immobilier, de rapides retournements sont toujours possibles", prévient Emmanuel Hyest. Renforcer la péréquation et le travail en réseau n'en semblent pas moins des pistes de travail "justes, raisonnables et déjà dans l'air du temps". Et donc à explorer.
Par ailleurs, les Safer regrettent que la Cour n'ait pas fait état des avancées en matière d'agriculture biologique. "Nous sommes de loin le premier opérateur foncier en agriculture biologique. 130 nouveaux agriculteurs installés en bio l'ont été grâce à notre action". Une action sur le point d'être confortée par le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, qui parle aussi de "diversité des systèmes de production". Quant au plan pluriannuel d'activité dont les Safer devraient se doter, cela semble dans les tuyaux. L'impression relevée par la Cour, qui cite d'ailleurs un audit réalisé sous l'égide de la fédération, d'un "monde clos", peu accessible aux non-agriculteurs, impression en quelque sorte contrebalancée par celle des élus locaux qui jugent les Safer plus ouvertes qu'auparavant aux collectivités, reste un enjeu qui ne peut être tu. Le "contrôle par le monde agricole", notamment le syndicat majoritaire (la FNSEA), est à relativiser selon Emmanuel Hyest, surtout depuis que des syndicats minoritaires sont mieux représentés au sein des comités techniques. "C'est en place dans la majorité des Safer, malgré du retard dans une poignée d'entre elles". Enfin, cet agriculteur, qui a fait ses gammes à la Safer de Haute-Normandie avant de prendre la tête de la fédération, estime essentiel le jeu des complémentarités à trouver entre les collectivités, les 35 établissements publics fonciers (EPF locaux et d'Etat) et les Safer. "Des conventions tripartites sont à imaginer. La réflexion dans ce domaine n'en est qu'à ses débuts. Elle sera fructueuse au vu du nombre d'enjeux mixtes, notamment dans le périurbain", conclut-il.