Les solutions du gouvernement pour contenir les prix en outre-mer

De la réforme de l'Octroi de mer aux nouveaux contrats de convergence en passant par des stratégies d'atténuation et d'adaptation au changement climatique : le gouvernement a présenté mardi 18 juillet, à l'issue d'un comité interministériel, plus de 70 mesures pour l'outre-mer. Au-delà des grandes orientations stratégiques, nombre d'entre elles s'attèlent au problème récurrent de la vie chère, accentué aujourd'hui dans le contexte inflationniste, et reposent sur une concertation avec les collectivités.

"Nous voulons que nos compatriotes ultramarins vivent mieux et qu'ils voient des changements, rapidement", a déclaré la Première ministre, Élisabeth Borne, mardi 18 juillet, à l'issue d'un comité interministériel aux outre-mer (Ciom) qu'elle présidait à Matignon, entourée de 17 membres du gouvernement. Confortée à son poste, elle a présenté un plan de plus de 70 mesures visant en grande partie à lutter contre la vie chère. Thème récurrent sur lequel chaque gouvernement s'essaie sans succès depuis des années mais qui revêt une acuité particulière dans le contexte inflationniste actuel. En 2022, les prix à la consommation sont nettement plus élevés en outre-mer qu’en métropole, a récemment montré une étude de l'Insee : l'écart est de 9% à La Réunion et même 16% en Guadeloupe. Or ces différences se sont accentuées depuis 2015 et s'expliquent en particulier par les prix alimentaires. Comme annoncé par le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, lors d'un déplacement aux Antilles en mai dernier, le gouvernement envisage "la refonte de la fiscalité, en particulier de l'octroi de mer", a indiqué Élisabeth Borne. Cette "réforme en profondeur" va "prendre du temps parce qu'il faut examiner l'ensemble des taux, elle demande également que nous garantissions à toutes les collectivités d'outre-mer leurs bons financements", a assuré Bruno Le Maire. Selon lui, l'octroi de mer contribue à la vie chère en outre-mer et plus personne ne conteste ce diagnostic" mais il est une ressource importante pour les régions et communes. Il leur rapporte 1,4 milliard d'euros qui seront compensés "à l'euro près". Une concertation va à présent démarrer avec les élus pour inscrire la réforme dans le projet de loi de finances pour 2025 (fin 2024 donc), afin qu'elle soit totalement mise en œuvre "en 2027".

"Nous renforcerons le dispositif de zones franches d'activité nouvelle génération", a aussi annoncé Élisabeth Borne. Les avantages et exonérations prévus seront élargis ainsi que les activités concernées : réparation navale, industrie manufacturière, filière des jeux vidéo à La Réunion… Le gouvernement entend aussi créer des "zones franches portuaires".

Les producteurs ultramarins de fruits et légumes recevront un soutien de 10 millions d'euros pour compenser les surcoûts des intrants et de l'énergie.

Continuité territoriale

La lutte contre le "mal-logement" fait également partie des priorités du plan avec une augmentation de l’aide à la rénovation de logement de l’Anah, sachant que 9 logements vacants sur dix appartiennent à des propriétaires privés. Le coût des travaux sera subventionné jusqu’à 50%, contre 35% aujourd'hui. Les actions de l'Anah et d'Action logement seront par ailleurs étendues à Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Le gouvernement a aussi décidé d’étendre le crédit d’impôt à la réhabilitation du parc social hors quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Autre axe important : l'aide à la mobilité, dans le sens de la "continuité territoriale". En 2023, le taux de prise en charge des billets a déjà été porté à 50%. Le seuil d'éligibilité des ménages va être réévalué pour permettre à 77% de la population d'en bénéficier contre 62% aujourd'hui. Les étudiants pourront bénéficier d'un aller-retour gratuit par an jusqu'à 28 ans et d'un aller-retour supplémentaire sous conditions de quotient familial. Il est également prévu de simplifier le dispositif de "continuité funéraire" afin que chaque famille en deuil ne soit pas tenue d'avancer les frais des obsèques. Toutes ces mesures figureront dans la stratégie de Ladom (Agence de l'Outre-mer pour la mobilité) pour 2024, "dans le cadre d'un partenariat proposé aux collectivités", précise Matignon.

Le plan comporte aussi toute une série de mesures hétéroclites : un "plan de rattrapage" de 150 millions d’euros pour renforcer l'offre médico-sociale en faveur des personnes handicapées, 10.000 solutions d'accueil pour les jeunes enfants sont créées d'ici 2030 et 4.000 places de crèche d'ici 2027, un nouveau coup de pouce de 30 euros pour les étudiants boursiers… Les collectivités territoriales se verront confier le pilotage de l’apprentissage des langues locales "hors temps scolaire", la Guyane comptant à elle seule pas moins de 49 langues locales, a rappelé Jean-François Carenco, le ministre délégué chargé des outre-mer. L'État cofinancera avec les communes volontaires la gratuité des manuels scolaires, fournitures et petits déjeuners pour les élèves du primaire.

Nouveaux contrats de convergence

Le gouvernement souhaite aussi renforcer l'intégration régionale des territoires ultramarins en proposant d'adopter des "stratégies de bassins". Il soutiendra la demande d’adhésion des collectivités françaises des Amériques en tant que membres associés à la communauté caribéenne (Caricom). L'utilisation de matériaux de construction produits dans le bassin géographique de chaque territoire sera par ailleurs facilitée avec un marquage "régions ultrapériphériques" (RUP), en lieu et place du marquage actuel "conformité européenne" (CE). L'idée étant d'étendre cette mesure à d'autres secteurs par la suite.

Les nouveaux contrats de convergence et de transformation (CCT) 2024-2027 seront financés à hauteur de 2,3 milliards d'euros d'investissements sur quatre ans (2024-2027) pour les infrastructures et les services publics, contre 1,8 milliard entre 2019 et 2022, a annoncé Élisabeth Borne. Ces contrats devront être signés avant la fin de l'année. La Caisse des Dépôts "sera sollicitée pour accorder des prêts d’une durée de 60 ans aux projets inscrits" dans ces contrats, précise Matignon.

Par ailleurs, chaque territoire devra arrêter d'ici mi-2024 "une stratégie complète d’atténuation et d’adaptation au changement climatique". Ils se trouvent "au cœur des pays menacés", a souligné Jean-François Carenco, citant l'exemple du déplacement du village de Miquelon à un kilomètre de son emplacement actuel, sur un site abrité des risques de submersion. Cette décision, qui a fait l'objet d'une large concertation, est présentée comme une première sur le territoire national.

Un projet de loi pour Mayotte

Les membres du gouvernement sont tour à tour revenus sur la situation spécifique de Mayotte en proie à de nombreuses difficultés, dont une sécheresse importante. Un décret gelant le prix de l'eau en bouteille sera publié "demain" (mercredi) a assuré la Première ministre. Une deuxième usine de dessalinisation d'eau de mer sera construite sur l'île l'an prochain. Elle a aussi promis de relancer l'élaboration d'un projet de loi spécifique à Mayotte. Cette loi d'urgence qui succède aux récentes actions coup de poing sera présentée "dans les six mois après concertation avec les élus locaux", a indiqué le ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer, Gérald Darmanin, et touchera tous les secteurs de la vie quotidienne : immigration irrégulière, mobilités, lutte contre l'habitat indigne, construction de logements sociaux, offre de soins… L'enjeu : "permettre en 2031 à Mayotte et aux Mahorais d'être un véritable département français dans son fonctionnement".

Plus généralement le secrétariat général du gouvernement et le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) devront s'assurer que les intérêts de l'outre-mer soient toujours pris en compte dans les textes législatifs, tant au niveau national qu'au niveau européen. Pour assurer le suivi de toutes ces mesures, le Ciom se réunira désormais tous les ans. Il ne s'en était pas tenu depuis cinq ans.