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Open data - Les territoires pilotes multiplient les initiatives pour mobiliser les collectivités concernées par la loi Lemaire

Un hackathon à La Rochelle, des ateliers collaboratifs en Bourgogne-France-Comté : le mois de mars n'a pas été avare en manifestations autour de l'ouverture des données publiques. L'expérimentation "Open data locale", portée par l'association Opendatafrance à la suite de la loi pour une République numérique, mobilise en effet neuf territoires pilotes pour œuvrer à l'élaboration d'un socle commun de données, définir des méthodes de standardisation et faciliter la tâche des petites collectivités pour qui la démarche est entièrement nouvelle. En effet, la loi invite toutes les collectivités de plus de 50 agents, administrant plus de 3.500 habitants, à mettre en place une politique d'ouverture des données. Une obligation qui reste bien loin de relever du réflexe et que les pionniers de l'open data s'attachent à rendre plus simple.

L'ouverture des données : un nouveau mot d'ordre qui semble, du côté des petites collectivités, bien difficile à suivre. "Quand on interroge les villes plus petites, ce n'est pas tant la complexité technique qui fait peur, mais l'aspect chronophage de l'open data", observe David Poncet, responsable développement durable et open data à la mairie de Saint-Malo. D'autres pointent la difficulté de mobiliser dirigeants et élus, alors même que la loi pour une République numérique impose l'open data, mais n'associe la mesure à aucune sanction. Avec un environnement réglementaire sans cesse mouvant et des finances tendues, l'ouverture des données publiques ne figure pas parmi les priorités.

Autour d'Opendatafrance, les territoires expérimentateurs travaillent à une standardisation

Conscient du défi, le gouvernement avait mandaté l'association Opendatafrance pour remettre un rapport sur l'ouverture des données au sein des collectivités. Le travail avait été prolongé par le lancement d'un dispositif d'expérimentation, qui se déploie sur toute l'année 2017. Au sein de neuf projets, en Paca, en Occitanie, en région parisienne ou encore en Bretagne, des animateurs territoriaux de l'open data mobilisent des collectivités moins initiées à l'ouverture des données, pour construire ensemble les jalons nécessaires à une standardisation nationale. Parmi les points à l'ordre du jour, la constitution d'un socle commun de données à libérer en priorité : on y trouve les délibérations des assemblées des collectivités, les données des subventions aux associations, l'agenda municipal, un descriptif des services municipaux... Une fois cette liste arrêtée, il faut aussi veiller à ce que tous les territoires usent de la même grammaire, de telle manière que leurs publications soient comparables. A propos des menus de cantines scolaires par exemple, c'est l'expérience de la ville de Saint-Malo qui a permis d'esquisser un format-type pouvant être repris par les autres collectivités. Sur les marchés publics, Breizh Small Business Act et le GIP Territoires numériques Bourgogne Franche-Comté ont mené des travaux collaboratifs déterminants.

Mobiliser acteurs publics et privés pour assurer la pertinence de l'open data

Ces projets pilotes constituent également l'opportunité de mieux comprendre les appétences et les facteurs de blocage des collectivités moins engagées dans la démarche. Au sein du GIP Territoires numériques, on multiplie les ateliers thématiques pour aborder les différents champs d'application de l'open data : aménagement numérique, développement économique. En captant, ainsi, l'attention des collectivités : Saint-Apollinaire, une commune bourguignonne de 7.300 habitants, a notamment rejoint la démarche. "Pour développer l'open data, nous avons besoin de travailler en termes de finalités d'usage, précise Patrick Ruetschmann, directeur adjoint du GIP. Rencontrer des représentants de filières comme celle des travaux publics, multiplier les occasions de rencontre, les laboratoires de la donnée." Une démarche qui permet de mieux calibrer les données libérées, mais aussi de s'assurer de leurs débouchés et de réutilisations intelligentes. Dans la même perspective, La Rochelle a conclu le 23 mars un hackathon donnant lieu à des valorisations de données ouvertes, doté d'un premier prix de 20.000 euros. La même semaine, le Sgar de la préfecture de région en Auvergne-Rhône-Alpes a lancé le projet @rchipel, un laboratoire d'innovation publique basé à Lyon, censé sensibiliser les administrations aux enjeux de la donnée.

L'ouverture des données, première brique de la rénovation des SI

Car la donnée ne se réduit pas à l'open data : engager une démarche d'inventaire et de standardisation en vue de l'ouverture des données publiques pourrait bien constituer le déclencheur d'une nouvelle appréhension des systèmes d'information au sein des collectivités. En effet, les premiers enjeux du partage de données se situent souvent en interne d'une administration, entre différents services et différents métiers. Dans le cas de Bordeaux Métropole, l'ouverture des données ne constitue plus qu'une brique parmi d'autres de la mise en place plus large d'un entrepôt de données, dans lequel le portail open data viendra puiser. L'essentiel se situe plutôt dans la fluidication du partage de la donnée en interne comme en externe, tout en améliorant sa fiabilité. Paradoxalement, ces potentialités représentent aussi un ralentisseur pour l'open data : le projet d'ouverture des données est chronophage et complexe, tant il touche à la manière dont une collectivité produit, administre et partage l'ensemble des informations qu'elle détient. 

Les décrets open data de la loi pour une République numérique publiés au compte-goutte
On commence à voir se profiler les contours concrets de l'open data, tel que la loi Lemaire l'a préfiguré. Après un décret précisant les collectivités concernées par l'ouverture des données (voir notre article du 4 janvier 2017), deux textes sont parus récemment : l'un sur le service public de la donnée, l'autre sur le traitement algorithmique. Toujours en discussion, le décret sur les licences open data autorisées devrait s'y adjoindre prochainement.
Service public de la donnée. Le décret n°2017-331 précise que neuf bases de données essentielles gérées par des organismes de l'Etat, dont le répertoire Sirene, le répertoire des associations ou encore la base adresse nationale, feront désormais l'objet d'une publication gratuite, fiable et automatisée, afin d'être interrogées automatiquement par tous les services numériques le nécessitant. D'autres données proposées par la consultation précédant le décret ont été laissées sur le côté : les plans locaux d'urbanisme, les données du réseau routier font l'objet d'une élaboration trop complexe et décentralisée pour permettre de garantir une haute qualité de service à court terme. Le parcours réglementaire n'est pas terminé : un arrêté doit maintenant préciser les standards de qualité auxquels ces bases de données devront se conformer.
Traitement algorithmique. Le décret n°2017-330 précise l'obligation de diffuser le principe de fonctionnement d'un algorithme influant sur une décision individuelle prise par l'administration. La règle entrera en vigueur le 1er septembre 2017. Il s'agira de diffuser les paramètres de traitement, leur pondération et la façon dont le traitement algorithmique contribue à la décision. Ces informations seront partagées sur demande "sous une forme intelligible".
Licences open data. Prévu par la loi, un décret doit venir fixer une liste de licences open data standards, afin de stabiliser l'environnement juridique de l'ouverture des données entre les différents territoires. Les deux licences principales : licence ouverte conçue par Etalab, et OdbL, plus complexe, d'origine anglo-saxonne. Or, les deux font débat ; la première vient d'être mise à jour, et certaines associations dénoncent un reflux des permissions de la licence, qui se situait auparavant parmi les plus permissives pour la réutilisation des données. La licence OdbL, elle, inquiète les entreprises : elle intègre un "caractère viral", qui implique que les données produites grâce à des informations open data devraient elles-mêmes être publiées librement. Une atteinte à la création de valeur des entreprises, laissent entendre les plateformes web les plus consommatrices de données.

 

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