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Congrès des maires - Les territoires ruraux inquiets pour leur avenir

L'Association des maires de France a entamé, mardi, son 90e congrès sur l'avenir des territoires ruraux : face à l'arrivée de nouvelles populations, la question du maintien des services publics se pose avec de plus en plus d'acuité.

"Chaque année, 100.000 personnes choisissent de quitter la ville pour s'installer en milieu rural. 34% des citadins déclarent avoir l'intention de franchir le pas." Christian Poncelet, président du Sénat, a tenu à souligner le regain de vitalité du monde rural après des décennies de déclin, lors du débat d'ouverture du quatre-vingt-dixième congrès de l'Association des maires de France (AMF), mardi 20 novembre. Or, pour accueillir ces nouvelles populations, il faut des services. Et les petites communes sont souvent prises à la gorge financièrement. A quatre mois des élections municipales, nombre d'élus ruraux ont le sentiment d'être la laissés pour comptes des politiques l'aménagement du territoire qui, de plus en plus, se situent dans une logique de compétitivité. Les contestations qui ont accompagné le tour de France de Rachida Dati, dans le cadre de sa réforme de la carte judiciaire, ont jeté la lumière sur les transformations en cours. "Les maires demandent une véritable concertation, or on n'en prend pas le chemin, nous avons de grandes réunions où l'on annonce des décisions", a dénoncé Paul Durieu, le rapporteur de la commission "communes et territoire ruraux" de l'AMF. Jacques Pélissard, le président de l'AMF, a récemment écrit à la garde des Sceaux pour demander à ce que les maires soient pleinement associés à sa réforme. Mais la réorganisation territoriale des services publics ne s'arrête pas aux portes des tribunaux : la fusion des centres des impôts et des trésoreries (DGI et DGCP) suscite elle aussi des remous. Pour Paul Durieu, cette fusion "part d'un bon sentiment, l'instauration d'un point d'entrée unique pour les usagers. Il faudra cependant être vigilants sur les modalités de mise en oeuvre". Le plus gros coup porté aux territoires ruraux est sans doute  la proposition de la commission Attali sur le morcèlement communal. "Un petit chez soi vaut mieux qu'un grand chez les autres, certains bons esprits rêvent d'en finir avec les 36.600 communes, ce qui dénote une profonde méconnaissance des réalités locales. Ne touchez pas l'identité communale", a martelé Christian Poncelet.

 

Faire appliquer la charte des services publics

Un sondage réalisé par l'institut CSA pour l'AMF témoigne d'un profond attachement des Français pour leurs services de proximité. 68% d'entre eux préféreraient habiter à la campagne. A la question "parmi les services publics suivants, lesquels vous paraissent essentiels pour la vie d'une commune rurale", ils sont 67% à répondre l'école, devant l'hôpital, le bureau de poste, la gare SNCF et... la maison de retraite. Or la charte des services publics en milieu rural signée le 23 juin 2007 par dix-neuf opérateurs a instauré un garde-fou en posant la règle de la concertation préalable à tout changement. Pour l'AMF, qui fête ses cent ans, l'une des priorités est de la faire appliquer. L'association appelle les élus à solliciter les préfets en cas de manquement à la règle. Elle devrait également réunir l'ensemble des signataires, auxquels pourrait venir s'ajouter France Telecom, pour étudier tous les points noirs. "Il faut faire prévaloir l'esprit de la charte, une signature se respecte, ce ne doit pas devenir un instrument qui prend la poussière", a déclaré Paul Durieu. Même si, reconnaît le maire de Camaret-sur-Aigues (Vaucluse), "la concertation a plutôt bien fonctionné dans la plupart départements". Un avis qui ne fait pas l'unanimité. "La charte n'existe pas", a lancé Michel Moine, le maire d'Aubusson, dans la Creuse. La semaine dernière, l'édile avait entrepris une grève de la faim pour dénoncer la fermeture du tribunal d'instance sur sa commune, avant d'obtenir un rendez-vous à la chancellerie. "J'ai appris cette fermeture par voie de presse en me rendant à Poitiers, c'est une méthode extrêmement brutale", a-t-il déclaré.

 

Cinquante relais Services publics

Si le ton de cette première journée a été parfois véhément, les maires ruraux ne cèdent pas au désenchantement. Points multiservices, maisons et relais de services publics, point-info médiation multiservices (Pimms)... les initiatives locales ne manquent pas pour redonner vie aux communes. Principal artisan des relais Services publics (RSP), Paul Durieu a regretté le retard pris dans la mise en oeuvre de ces guichets administratifs uniques. Pour le moment, il en existe cinquante alors que cent sont encore en gestation.
Pierre Mirabaud, délégué de la Diact, reste pour sa part très confiant dans la mise en oeuvre des pôles d'excellence rurale lancés en 2005 dont un certain nombre s'intéressent précisément au développement des services de proximité. Selon lui, il faut par ailleurs utiliser au mieux les possibilités de la loi relative au développement des territoires ruraux (DTR) de 2005 qui possède certains outils pour faciliter la venue de médecins.
L'AMF a enfin distribué un "bon point" au contrat de "présence territoriale" de La Poste signé le 19 novembre pour les trois ans (voir encadré ci-dessous). Quelque 140 millions d'euros par an durant la période de 2008 à 2010 seront versés à un "fonds de péréquation", dont "70% pourront être utilisés pour les points de contacts, essentiellement en zone rurale et dans une moindre mesure, dans les zones urbaine sensibles", s'est réjoui Paul Durieu. "Le fonds pourra servir à financer les dépenses d'aménagement et d'équipement nécessaires. Les commissions départementales de la présence postale auront un choix à faire pour moderniser tel ou tel bureau."

 

Michel Tendil


Le contrat de présence postale territoriale signé pour trois ans

Le contrat de présence postale territoriale a été signé pour trois ans le 19 novembre par Christine Lagarde, ministre de l'Economie, Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, et Jean-Paul Bailly, président du groupe La Poste. Après dix-huit mois d'échanges et de concertations avec les élus, ce contrat crée le Fonds postal national de péréquation territoriale. Objectif : définir pour la période 2008-2010, les obligations de La Poste en matière d'aménagement du territoire. Le contrat répartit ainsi la ressource publique dont bénéficiera durant cette période La Poste en contrepartie de sa contribution à l'aménagement du territoire. Au total, 420 millions d'euros seront ainsi consacrés au maintien des bureaux de poste existants et au développement de nouveaux points de contacts. "Le mécanisme permettra de financer environ 6 à 7.000 points de présence, que ce soit des agences postales communales ou des relais Poste chez les commerçants", a expliqué Christine Lagarde dans son discours. De leur côté, les 17.000 points de présence seront maintenus et les 5.000 agences postales communales et relais Poste actuellement recensés seront confortés et modernisés grâce au fonds de péréquation. En revanche, "la création de nouveaux points de contact en partenariat ne sera encouragée que si cette évolution correspond à la volonté partagée des élus et de La Poste", a précisé la ministre de l'Economie. Ce dispositif suit les principes posés par la loi du 20 mai 2005 qui prévoit la mise en oeuvre de règles précises pour assurer la couverture du territoire en services postaux de proximité : la population d'un département éloignée de plus de cinq kilomètres ou de plus de vingt minutes en voiture d'un point postal doit être inférieure à 10%. Le dispositif est prioritairement destiné aux zones rurales, aux zones de montagne, aux zones urbaines sensibles et aux départements d'Outre-Mer.

Emilie Zapalski