Archives

Transports - LGV Poitiers-Limoges : le Conseil d'Etat annule la déclaration d'utilité publique

Le Conseil d'Etat, qui a suivi l'avis du rapporteur public, a annulé vendredi 15 avril le décret de 2015 déclarant d'utilité publique la ligne à grande vitesse (LGV) Poitiers-Limoges. Il avait été saisi par plusieurs structures d'opposants à la LGV regroupant des dizaines de collectivités, municipalités, collectifs et associations de riverains et usagers qui plaidaient, au lieu de la LGV, pour une modernisation de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt), pour laquelle Etat et SNCF vont déjà engager 1,5 milliard d'euros.
Le Conseil d'Etat relève bien dans sa décision que le projet de LGV Poitiers-Limoges "présente un intérêt public", notamment "susceptible de bénéficier à une vaste partie du territoire national faiblement pourvue en grandes infrastructures de transport". Mais il estime aussi que "l'évaluation économique et sociale, qui doit obligatoirement être réalisée pour ce type de projets, présentait des insuffisances", au regard du coût de construction, évalué à 1,6 milliard d'euros en valeur actualisée 2011, et à un financement pas assuré "en l'état".
Le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, a indiqué vendredi que "le gouvernement prend acte" du jugement du Conseil d'Etat. Il réunira le 3 mai "les élus concernés" pour "évoquer avec eux les conséquences de cette décision". Après quoi, et après avoir étudié les motifs du Conseil d'Etat, le "gouvernement communiquera sa décision sur l'avenir de ce projet", a-t-il ajouté dans un communiqué.
Les travaux de la LGV Poitiers-Limoges, longue de 115 km, avaient été déclarés le 11 janvier 2015 "d'utilité publique et urgents" dans un décret, signé du Premier ministre, Manuel Valls, et de la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal. Même si celle-ci avait expliqué par la suite avoir agi "par solidarité gouvernementale", car personnellement "pas favorable au projet".
Quelques mois plus tôt, le projet avait pourtant été épinglé par la Cour des comptes. Dans un rapport, en octobre 2014, les Sages avaient jugé le réseau français à grande vitesse "peu cohérent" et trop coûteux par rapport aux ressources disponibles. Ils doutaient en particulier d'une "rentabilité socio-économique minimale" de cette Poitiers-Limoges, qualifiée de "LGV d'intérêt purement local".
Huit recours au total avaient été déposés contre la déclaration d'utilité publique (DUP) par des opposants initialement marginaux, mais gagnant peu à peu en influence. Ils avaient notamment été galvanisés par l'annonce en décembre 2015 que la SNCF et l'Etat allaient engager 1,5 milliard d'euros pour sécuriser et moderniser la ligne Polt, parmi les plus anciennes de France. C'est sur cette ligne qu'un accident avait fait sept morts en juillet 2013 à Brétigny-sur-Orge (Essonne).
Parmi les requérants, Robert Roland, dirigeant du collectif "Oui au Polt non à la LGV", a salué une décision du Conseil d'Etat "conforme au bon sens, qui va dans l'intérêt des populations, de l'environnement, de l'amélioration de la qualité de vie et de l'économie de la région". Pour lui, la LGV "aurait plombé les finances de la nouvelle grande région" Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (ALPC). La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), saluant elle aussi l'annulation de la DUP, a rappelé que contrairement à la LGV Tours-Bordeaux (qui ouvrira en juillet 2017) ou au projet de LGV Bordeaux-Toulouse, la ligne Poitiers-Limoges "n'aurait concerné qu'un bassin de population relativement restreint".
Mais les élus partisans ne désarmaient pas vendredi. Le maire (Les Républicains) de Limoges, Emile-Roger Lombertie, s'est désolé "d'un très mauvais signal à tout le centre-ouest de la France", qui équivaut "à rayer de la carte ferroviaire du 21e siècle et à rejeter dans l'ombre des territoires déjà en proie à des difficultés économiques". Pour Emile-Roger Lombertie, "l'avis du Conseil d'Etat ne doit pas constituer un obstacle infranchissable", il faut "continuer à se battre". Gérard Vandenbroucke, vice-président (PS) de la région ALPC, a lui aussi estimé "qu'on ne doit pas s'arrêter" à cette décision "dramatique, grave et à courte vue" et "qui ne tient pas compte des retombées à moyen et long terme". L'élu de Charente-Maritime Dominique Bussereau (LR), ancien secrétaire d'Etat aux Transports et président de l'Assemblée des départements de France, a jugé la LGV Poitiers-Limoges "indispensable" à la région ALPC, et a souhaité l'union des "efforts pour que l'Etat relance ce projet".