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Santé - L'Igas propose de réformer les centres de santé, au modèle économique "structurellement boiteux"

Intitulé "Les centres de santé : situation économique et place dans l'offre de soins de demain", le rapport de l'Igas, commandé par Marisol Touraine, offre une vision d'ensemble des centres de santé et met notamment en évidence la grande hétérogénéité des 1.200 centres existants tant par la nature des soins prodigués que par leur situation géographique. Si l'Igas reconnaît leur utilité sociale et sanitaire, il souligne le financement boiteux du dispositif et propose des mesures pour alléger leurs charges ainsi que la mise en place d'un "pilotage national des centres de santé", en contractualisation avec les agences régionales de santé (ARS). Une réelle réforme du dispositif, en somme, en pleine rigueur budgétaire.

Alors que le regroupement des professionnels de santé semble avoir le vent en poupe - notamment avec les maisons de santé rassemblant des praticiens libéraux -, les centres de santé - qui reposent très majoritairement sur le salariat - connaissent, depuis quelques années, une crise à la fois existentielle et financière. Consciente de ces difficultés récurrentes, Marisol Touraine avait confié à l'Inspection générale des affaire sociales (Igas) une mission en vue de mettre à plat ce dossier et de proposer des pistes de réforme (voir notre article ci-contre du 29 mars 2013). Intitulé "Les centres de santé : situation économique et place dans l'offre de soins de demain", le rapport de l'Igas offre une vision d'ensemble du secteur.
Il met notamment en évidence la grande hétérogénéité des 1.200 centres de santé. Ceci vaut pour leur activité, avec environ un tiers de centres dentaires, un tiers de centres de soins infirmiers et un tiers de centres médicaux ou polyvalents offrant une palette plus ou moins large d'activités. Même diversité dans les statuts et les organismes gestionnaires : à nouveau un tiers des centres de santé sont gérés par des associations, un tiers par des mutuelles et un tiers par d'autres structures (organismes de sécurité sociale, établissements de santé ou communes). Cette hétérogénéité vaut aussi pour la couverture géographique du territoire et pour la taille des structures : si les centres dentaires et de soins infirmiers sont généralement de petite taille (moins de dix équivalents temps plein), certains centres médicaux et polyvalents comptent plusieurs centaines de salariés... Enfin, l'Igas relève la diversité des approches selon les lieux d'implantation, de la mission sociale pure et dure jusqu'à des politiques de niches sur des activités à fortes marges financières, en passant par le souhait de se fondre dans l'offre de soins pour tous.

Une "réelle utilité sanitaire et sociale"

Malgré cette extrême diversité, l'Igas reconnaît qu'"une forte identité réunit la plupart des centres" : médecine attentive aux exclus, dimension sociale affirmée, importance attachée à la prévention, travail en équipe, importance du salariat... Malgré leurs difficultés actuelles, l'Igas ne remet pas non plus en cause l'intérêt des centres de santé. S'ils ne représentent que 2,4% des dépenses de soins ambulatoires, "ils assurent une offre de soins précieuse dans des quartiers à faible densité de professionnels libéraux" et possèdent "une réelle utilité sanitaire et sociale".
Le problème est que les centres de santé souffrent, pour la plupart, d'une grande fragilité financière. La raison en est simple : ils sont financés principalement par l'assurance maladie sur la base d'un paiement à l'acte et des tarifs de la médecine libérale, alors qu'ils supportent des frais de structure proportionnellement plus importants que ceux d'un praticien libéral. Selon l'Igas - qui pointe au passage la médiocre qualité des outils comptables analytiques - les centres médicaux et polyvalents auraient besoin d'un complément de ressources à hauteur d'environ 14% de leur budget, contre 6% pour les centres dentaires et infirmiers.
Les centres de santé n'étant pas forcément exempts de toute responsabilité dans leur situation actuelle, le rapport formule un certain nombre de préconisations pour améliorer la gestion. Mais l'Igas est consciente que les efforts de gestion ne suffiront sans doute pas, car "le modèle économique des centres de santé est structurellement boiteux". Elle pointe ainsi plusieurs facteurs de déséquilibre : absence de cohérence entre les dépenses (fixes, notamment pour le personnel) et les recettes (variables), coût de la gestion du tiers payant systématique, missions connexes à l'activité de soins non financées (social, santé publique)...

Développer le financement au forfait

Face à ce constat, le rapport de l'Igas préconise de "réduire l'adossement des règles de financement des centres de santé à celles des cabinets libéraux". Plus concrètement, il s'agit d'accroître la part forfaitaire de rémunération dans le financement des centres. Non sans raison, l'Igas souligne qu'"il y aurait même un paradoxe à ce que cette part croisse chez les praticiens libéraux, comme en attestent les derniers accords conventionnels, alors qu'elle resterait cantonnée pour les centres de santé". D'autres mesures visent à alléger les charges de fonctionnement des centres, en reportant certaines tâches - comme l'établissement des droits des patients dans la gestion du tiers payant - sur les caisses d'assurance maladie et les organismes de protection santé complémentaire. Sans remettre nullement en cause le modèle salarial, l'Igas préconise aussi de rapprocher le mode de rémunération des médecins des centres de santé de celui qui se développe dans les maisons de santé. Celui-ci consiste à distinguer des forfaits spécifiques selon la nature des missions (coordination médicale interne et externe, missions d'accompagnement social et de santé publique...). Enfin, l'Igas recommande de mettre en place un "pilotage national des centres de santé", en développant notamment la contractualisation avec les agences régionales de santé (ARS).
Marisol Touraine n'a pas officiellement réagi à la remise du rapport de l'Igas. Mais il est clair que celui-ci est très loin d'être à somme nulle. Il faudra donc faire des choix, à un moment où la rigueur budgétaire ne se prête pas à la dépense.