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Congrès de l'ARF - Manuel Valls conforte le couple "Etat-régions"

S'exprimant en clôture du congrès de l'Association des régions de France ce 10 octobre, Manuel Valls a apporté les clarifications attendues par les régions en matière de compétences et de ressources, leur promettant notamment la compétence exclusive de l'aide aux entreprises et une "fiscalité économique". Le Premier ministre a surtout appelé à renforcer le partenariat entre Etat et régions pour "façonner l'avenir de notre pays", répondant au souhait de celles-ci d'être désignées comme un acteur local doté d'un statut un peu à part.

A l'issue de leur congrès, qui se tenait à Toulouse ces 9 et 10 octobre, les régions peuvent repartir le cœur léger. Venu clôturer l'événement, Manuel Valls leur a en effet donné satisfaction sur les principaux points de revendication portés par l'Association des régions de France (ARF).
Sur le calendrier, d'abord, le Premier ministre a confirmé que les élections locales auront lieu en deux temps : les départementales se tiendront les 22 et 29 mars et les régionales "avant la fin 2015". D'ici là, les deux textes de la réforme territoriale devront avoir été adoptés. Sur les périmètres des nouvelles régions, "aucune carte n'est idéale, mais progressivement un consensus se dégage", a estimé Manuel Valls, sachant que "le débat va se poursuivre". Le second projet de loi, celui sur les compétences, doit être soumis à l'examen du Sénat à la mi-décembre, pour une "adoption en janvier, début février au plus tard". Avant cela, Manuel Valls fera le 28 octobre au Sénat une déclaration sur les collectivités visant à "redonner du sens, de la cohérence" - "car beaucoup s'y perdent, et je les comprends", a consenti le Premier ministre. Ce dernier entend donc préciser une nouvelle fois les "orientations, la méthode et l'agenda de la réforme territoriale", avec des compléments apportés lors de ses interventions aux différents congrès d'élus de cet automne.

Une "compétence exclusive en matière de soutien aux entreprises"

S'agissant de la clarification des compétences tant attendue sur le développement économique territorial, Manuel Valls a promis aux régions qu'elles auraient bien une "compétence exclusive en matière de soutien aux entreprises". "La complexité administrative n'a pas à peser sur les acteurs économiques, ni sur les citoyens", a considéré le Premier ministre. Ce dernier, souhaitant "moins de financements croisés", a appelé à bâtir "ce couple régions-PME" préconisé, tout au long du congrès, par le président de l'ARF.
Il n'a pas été fait mention du schéma de développement économique, sur lequel se cristallisent des tensions entre les régions et les agglomérations, ces dernières revendiquant d'être les co-auteurs de ce document stratégique sur le territoire qui les concerne (voir ci-contre notre article de ce jour). En revanche, sur l'aménagement du territoire, le schéma régional devrait bien devenir prescriptif, le Premier ministre annonçant de "nouveaux outils et un pouvoir réglementaire plus large". Sur l'élaboration du schéma, Manuel Valls a toutefois demandé aux régions d'associer les autres collectivités et de "veiller chaque jour à l'équilibre de nos territoires". Les Assises des ruralités et le congrès de l'Association des maires ruraux de France – les 18 et 19 octobre – devraient donner l'occasion au gouvernement de préciser ses intentions sur le sujet.
Sur les transports, il faut "que les régions assurent la responsabilité de l'ensemble des transports et des mobilités", a jugé le Premier ministre, qui a proposé de "réduire le nombre d'autorités organisatrices à deux", qui reviendraient aux niveaux régional et urbain. Quant à la transition énergétique, les régions sont placées "en première ligne", notamment sur la formation aux "nouveaux métiers", par le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Plus globalement, Manuel Valls voudrait "aller plus loin" dans la montée en compétence des régions "sur le service public de l'emploi et la formation professionnelle, une réforme incontournable", sans toutefois préciser si ces dispositions pourraient figurer dans le projet de loi pour une Nouvelle Organisation territoriale de la République.

"Une fiscalité économique" et des contrats de plan un peu revisités

Quant aux moyens dédiés à l'exercice de ces missions élargies, Manuel Valls a là aussi répondu aux attentes des élus régionaux en s'engageant sur le principe d'une "redéfinition des ressources des régions" qui reposerait désormais sur "une fiscalité économique", un "principe vertueux" destiné à inciter les régions à "développer l'activité et l'emploi". Juste avant l'intervention du Premier ministre, Alain Rousset avait déclaré devant lui que les régions, responsables du développement économique, devaient nécessairement et logiquement percevoir une part prépondérante de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Le Premier ministre s'est voulu tout aussi rassurant sur l'autre sujet financier sensible, qui fâche actuellement les régions, à savoir les contrats de plan Etat-régions (CPER). Le volet de l'enseignement supérieur et de la recherche bénéficiera ainsi d'un "effort supplémentaire". Sur la répartition des enveloppes entre les régions, le chef du gouvernement s'est toutefois montré prudent, ne promettant pas l'"égalité arithmétique" mais promettant du "dialogue" et de la "souplesse" dans les négociations avec les préfets. Par ailleurs, "la suspension du dispositif qui faisait suite à l'écotaxe ne remettra pas en cause le volet mobilité des CPER", a assuré Manuel Valls.

Un "couple" Etat-régions "pour façonner l'avenir de notre pays"

Toujours sur l'investissement, "le rôle des régions pour le soutien à l'innovation doit encore grandir", a considéré le Premier ministre, annonçant l'expérimentation dans deux ou trois régions d'enveloppes co-gérées par l'Etat et la région pour soutenir des projets innovants.
Une façon, pour Manuel Valls, de donner foi à son propos initial : "Ma venue souligne surtout l'importance que j'accorde au partenariat entre l'Etat et les régions", un "couple pour façonner l'avenir de notre pays". Le chef du gouvernement a ainsi relancé l'idée de réunions régulières entre l'Etat et les collectivités, mais en distinguant, cette fois, les régions, souhaitant qu'"à chaque mois de septembre, le gouvernement et les présidents de région se réunissent pour bâtir une nouvelle relation" et construire "des politiques publiques puissantes dans tous les domaines".
A côté des réponses attendues sur les compétences et les ressources, c'est bien le sentiment d'être traités différemment, par rapport aux autres collectivités, qui semble avoir séduit les présidents de région. "La tonalité globale est positive", a confirmé Alain Rousset à la presse, "c'est la première fois qu'un Premier ministre donne un cadre clair à la régionalisation". Se réjouissant de voir Manuel Valls reprendre quelques-unes de ses propres expressions – telles que "la réforme territoriale, mère de toutes les réformes" -, le président de l'ARF a considéré qu'il n'y avait "pas qu'une évolution sémantique" dans ce discours, mais "un raisonnement, des arbitrages".
Et, qui dit "arbitrage", dit "compromis". Si les régions sont globalement confortées, les partisans d'une nouvelle étape, à résonnance plus fédéraliste, de la décentralisation ne feront sans doute pas preuve d'autant d'enthousiasme que le président de l'ARF.  Certes, le Premier ministre a confirmé l'engagement de l'Etat à se repositionner via la "revue des missions", à être "un facilitateur des projets de territoire" et à mettre en œuvre une "discipline très stricte" sur les normes décidées et qui s'imposent ensuite aux collectivités. Certes, "la décentralisation est un mouvement irréversible : il n'y aura pas de recentralisation". Mais, pour le reste, "la France n'est pas un Etat fédéral", a considéré, sans l'ombre d'un doute, Manuel Valls.