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Commande publique - Marchés publics de travaux : qui est responsable ?

Dans une décision du 21 octobre 2015, le Conseil d'Etat a été saisi de questions relatives à l'engagement de différents types de responsabilité : décennale, du fournisseur et contractuelle.
En l'espèce, la commune de Tracy-sur-Loire avait conclu un marché de travaux publics avec la société Merlot TP pour l'aménagement d'une place. Compte tenu du faible nombre d'habitants (moins de 1.000) ainsi que de l'insuffisance des compétences de la commune pour assurer techniquement et juridiquement cette opération, la maîtrise d'œuvre a été confiée à l'Etat. Cependant, des désordres sont apparus au niveau de la chaussée de cette place. La commune a donc saisi le tribunal administratif de Dijon afin d'engager la responsabilité de l'Etat-maître d'œuvre, de la société attributaire ainsi que de la société Esportec qui avait fourni un matériel de stabilisation des sols. Les premiers juges ont seulement reconnu la responsabilité de l'Etat et l'ont condamné à hauteur de 17.250 euros. Insatisfaite de ce jugement, la commune a décidé de faire appel devant la cour administrative d'appel (CAA) de Lyon, qui l'a annulé sans toutefois faire droit à ses prétentions. La collectivité a donc formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.

Responsabilité du fournisseur et incompétence des juridictions administratives

La CAA avait annulé le jugement des juges du fond en ce qu'il avait examiné la responsabilité de la société Esportec. Cette dernière avait fourni à la société attributaire un produit qui selon la commune n'était pas adapté aux travaux commandés. Sans la retenir, le tribunal administratif avait statué sur cette responsabilité. Les juges d'appel ont cependant sanctionné cette démarche. En effet, ils ont rappelé que les fournisseurs étaient liés par un contrat de droit privé aux sociétés auxquelles ils procurent des matériaux. Sont donc compétentes les juridictions de l'ordre judiciaire pour connaître des litiges relatifs à des contrats de fourniture, quand bien même ils auraient été conclus dans le cadre d'un marché de travaux publics.
Le Conseil d'Etat a confirmé l'arrêt d'appel sur ce point. Il a également rappelé que seules les qualités de sous-traitants et de fabricants pouvaient entraîner une responsabilité solidaire. En l'espèce, les dispositions de l'article 1792-4 du Code civil ne pouvaient donc s'appliquer puisque le matériau en cause ne pouvait être qualifié "d'ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance".

Responsabilité décennale du constructeur et responsabilité contractuelle du maître d'œuvre

En appel, les juges avaient refusé d'engager la responsabilité de la société attributaire, les désordres constatés ne compromettant pas "la solidité de l'ouvrage, dans sa généralité". La Haute Juridiction administrative a cependant infirmé cette position, les vices relevés ne devant pas être examinés de manière générale. Cette erreur de droit justifie notamment l'annulation de l'arrêt de la CAA.
En outre, la commune souhaitait engager la responsabilité de l'Etat, ici maître d'œuvre, pour manquement à son devoir de conseil. Elle lui reprochait notamment de ne pas l'avoir informée qu'elle ne pourrait plus réclamer de pénalités de retard une fois le décompte général devenu définitif. Si la CAA avait estimé que la commune, en sa qualité de maître d'ouvrage, devait veiller à la présence de telles pénalités, les juges de cassation ont été plus compréhensifs avec elle au regard de ses moyens. Ils considèrent que les juges d'appel ont inexactement qualifié les faits et annule également pour cette raison l'arrêt de la CAA. L'affaire a été renvoyée devant la CAA de Lyon.

L'Apasp

Référence : CE, 21 octobre 2015, n°385779
 

 

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