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Transports - Matériel ferroviaire : les régions veulent reprendre les commandes

Une "association d'étude sur le matériel roulant" a été créée, le 21 février par neuf régions (Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charentes, Paca, Rhône-Alpes et le Syndicat des transports d'Ile-de-France). Elle entame ce mois-ci des auditions et part en quête d'alternatives pour permettre aux régions de peser davantage sur la commande de nouveaux matériels par la SNCF, voire de développer des formes de mutualisation.

Systèmes ferroviaires régionaux poussés à leurs limites, tensions entre des élus en quête de transparence et la SNCF qui bouge mais lentement : dans le transport express régional (TER), les rouages de la commande publique sont grippés. Pour leur donner de l'élan, une "association d'étude sur le matériel roulant" vient d'être créée, le 21 février, par neuf régions (Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes et le Syndicat des transports d'Ile-de-France).
Depuis 2002, avec la loi SRU, les régions ont acquis 1.500 trains pour un montant de 5,8 milliards d'euros. Les commandes en cours représentent 2,5 milliards d'euros. "Nous avons récupéré un parc en mauvais état, un service déficitaire et grâce à la régionalisation, les choses ont bien changé", rappelle Patrick Du Fau de Lamothe, conseiller régional d'Aquitaine en charge des TER. Mais si ce sont les régions qui financent ce matériel, elles n'en sont pas propriétaires. Intermédiaire obligé : la SNCF. C'est elle qui rédige le cahier des charges, négocie avec les constructeurs (Alstom et Bombardier), assure le suivi de la procédure d'achat, gère l'après-vente et la maintenance. Elle est vue aujourd'hui comme un opérateur tout puissant, et les régions comme… des "vaches à lait".

Influer sur le cahier des charges

"Aujourd'hui, les régions font le chèque les yeux bandés, sans moyens d'actions." Le constat provient d'une autre élue, Eliane Giraud, vice-présidente en charge des transports à la région Rhône-Alpes. Dans sa région, l'investissement représente 1,5 milliard d'euros depuis 1997. "Nous souhaitons pouvoir influer sur le cahier des charges pour répondre à la demande sociétale dans le domaine du handicap, des TIC, de la sécurité ou de l'environnement", explique-t-elle, en ajoutant que l'association qui vient de voir le jour n'est contre personne, ni dans une démarche de privatisation.
A travers cette structure, les régions souhaitent mettre en rapport leur investissement financier considérable et leur engagement politique. Ce choix s'inscrit dans la suite de la loi sur la décentralisation et de la future réforme ferroviaire, dont le texte est attendu pour juin prochain. "Aujourd'hui les compétences des régions évoluent, elles sont plus matures dans leur rôle d'autorités organisatrices et veulent prendre toute leur place dans l'organisation du transport ferroviaire régional", renchérit l'élu aquitain.

Vers plus de mutualisation ?

Parmi les améliorations souhaitées : le wifi dans les trains, des prises pour brancher les ordinateurs, le transport des vélos, l'entretien. "Nous avons des comptes à rendre aux habitants sans avoir les moyens d'agir. Nous souhaitons également renforcer les liens entre l'innovation des entreprises et la commande publique", poursuit Eliane Giraud. Les régions souhaitent engager une rénovation de la commande publique afin de contribuer au développement d'une politique industrielle innovante.
L'un des objectifs forts est la mutualisation des matériels pour réaliser des économies d'échelle. "Pour cela, nous devons faire des efforts d'harmonisation", reconnaît l'élue. "Aujourd'hui, nous avons en commande 330 versions différentes de Régiolis et de Régio2N", confirme Alain Le Vern, directeur général régions et Intercités à la SNCF. "Il est certain que les régions ont besoin de supports techniques. La SNCF a compétence pour assurer l'assistance à maîtrise d'ouvrage et nous sommes à la disposition des régions."

Explorer des alternatives

L'objectif de l'association est avant tout l'étude des possibilités alternatives ; les régions fondatrices souhaitent regarder et comparer ce qui se passe ailleurs en Europe, notamment en Suède. Les premières auditions sont prévues le 5 mars. "Ensuite les services des régions fondatrices vont travailler ensemble. Nous prendrons une décision d'actions en juin 2015", prévoit Eliane Giraud.
Parmi les pistes évoquées en région Aquitaine : une structure de portage. Son rôle serait d'"élaborer une stratégie coordonnée d'achat des matériels, d'accélérer le partage des informations, de mutualiser les moyens d'expertise et de suivi des procédures d'achat/d'après-vente, d'optimiser les frais de maîtrise d'ouvrage/maîtrise d'œuvre, et, le cas échéant, de porter directement l'acquisition des matériels".

Un contexte tendu

La naissance de cette association s'inscrit dans un contexte de tensions entre les régions et la SNCF, plusieurs d'entre elles ayant suspendu leurs paiements. En décembre dernier, la région Aquitaine a refusé d'accorder une augmentation annuelle à la SNCF. "Nord-Pas-Calais et Midi-Pyrénées nous suivent. Nous sommes aujourd'hui sept régions dans ce cas. Pour notre part, nous ne sommes pas satisfaits, car la livraison des matériels (Régiolis et Régio2N) a un an de retard et nous avons été avertis très tardivement. L'interface avec la SNCF nous semble pénalisante et nous souhaitons fonctionner différemment", explique Patrick Du Fau de Lamothe.

Qu'en pensent les autres régions ?

En Bretagne, région en pointe sur les TER, on attend de voir. "Pour l'instant le but de cette association n'est pas assez clair. Est-ce que l'objectif final c'est d'acheter des trains ? On peut sûrement faire mieux, mais avec la SNCF. Je ne suis pas du tout d'accord avec les récriminations adressées à la SNCF concernant les retards de livraison. C'est injuste de lui faire endosser cette responsabilité alors que c'est la sous-traitance de l'industrie ferroviaire qui est en difficulté", commente Gérard Lahellec, vice-président en charge des transports à la région Bretagne.

 

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