"Mégabassines" : deux projets annulés par le tribunal administratif en Poitou-Charentes

Deux projets de retenues d'eau destinées à l'irrigation agricole en Poitou-Charentes ont été annulés ce 3 octobre par la justice administrative qui a pointé leur inadaptation aux effets du changement climatique.

Par deux jugements du 3 octobre 2023 (n°2101394 et n°2102413), le tribunal administratif de Poitiers a annulé les arrêtés préfectoraux autorisant deux projets de retenues d'eau destinées à l'irrigation agricole en Poitou-Charentes. Ces projets, consistant à prélever de l'eau dans les nappes superficielles en hiver, pour la mettre à disposition d'agriculteurs irrigant en été, visaient à créer 15 réserves dites de substitution d'une capacité totale d'environ trois millions de mètres cubes. Le premier arrêté préfectoral autorisait la création de neuf réserves sur les bassins de l'Aume et de la Couture dans les départements de la Charente, Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, et le second de six autres dans le sous-bassin de la Pallu (Vienne).

Non respect de la logique de substitution

Ces retenues sont très contestées dans la région, où des manifestations d'opposants, interdites par les autorités, ont donné lieu à de violents affrontements avec les forces de l'ordre à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Des associations locales de défense de l'environnement, alliées à l'UFC Que Choisir et à la Confédération paysanne dans la Vienne, ainsi qu'à la Ligue de protection des oiseaux, ont donc obtenu gain de cause devant la justice. Le tribunal administratif a considéré que dans les deux projets la logique de substitution n'était pas respectée puisque le calcul du volume des réserves projetées reposait sur des données anciennes, datant du début des années 2000, qui ne reflétaient plus le niveau des prélèvements effectivement réalisés en été depuis une quinzaine d'années.

Dans la Vienne, les juges pointent un "sur-dimensionnement du projet" en termes de volumes d'eau à prélever pour remplir les réserves, au regard de ce que le milieu hydrologique local "est capable de fournir dans des conditions écologiques satisfaisantes" et compte tenu des "effets prévisibles du changement climatique". Le tribunal conclut à "une erreur manifeste d'appréciation" de la préfecture "dans la mise en oeuvre du principe de gestion équilibrée et durable de la ressource".

Concernant les sous-bassins de l'Aume et de la Couture, le tribunal a considéré que le projet "ne respectait pas la logique de substitution prévue par le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage)" et, contrairement à ce qu’impose ce dernier, "n’était pas associé à de réelles mesures d’économie d’eau et ne tenait pas compte des effets prévisibles du changement climatique". En outre, le tribunal a relevé "plusieurs irrégularités dans la composition du dossier au regard duquel l’autorisation a été délivrée", notamment s’agissant de l’étude d’impact "qui souffrait de plusieurs insuffisances et inexactitudes empêchant d’apprécier correctement les incidences du projet sur l’environnement".

La préfecture va faire appel

Dans un communiqué, la préfecture de la Vienne estime que les motifs invoqués par le tribunal "interrogent" alors même que l'État "s'est engagé à respecter et faire appliquer les résultats de l'étude Hydrologie, milieux, usages et climat (HMUC)", censée fixer les volumes prélevables "en tenant compte de l'évolution climatique". Elle a annoncé qu'elle ferait appel de cette décision auprès de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Bertrand Lamarche, président de la société coopérative anonyme de gestion de l'eau de La Pallu, a déclaré au quotidien La Nouvelle République que les irrigants de la zone feraient "certainement" appel eux aussi.

Pour Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci, cette décision de justice est un "grand soulagement" et "une très bonne nouvelle pour tous ceux qui se battent pour l'eau et contre les mégabassines". La Confédération paysanne estime dans un communiqué que "ce jugement légitime pleinement la demande de moratoire sur les mégabassines" et que "tous les projets et toutes les mégabassines doivent cesser immédiatement".

 

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