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Intercommunalité - Mise en œuvre de la nouvelle carte intercommunale : où en est-on ?

La nouvelle carte intercommunale, qui prévoit quelque 450 fusions de communautés, prendra effet le 1er janvier 2017. A cent jours de l'échéance, l'Assemblée des communautés de France et Mairie-conseils ont fait le point. Résultat : une assez large majorité des fusions ont obtenu l'aval des conseils municipaux et font l'objet de travaux préparatifs déjà avancés. Compétences, finances, gouvernance... le chantier est immense.

Après la délimitation des périmètres par les préfets en mars dernier et la consultation des conseils municipaux durant l'été, la préparation des intercommunalités qui naîtront le 1er janvier prochain se poursuit globalement plutôt bien. Selon les premiers résultats d'une enquête que l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et Mairie-conseils, service du groupe Caisse des Dépôts, mènent depuis le début du mois, 80% des 450 projets de fusion ont été approuvés par les conseils municipaux concernés, assez souvent à de très larges majorités. A partir des 250 réponses déjà reçues, les deux partenaires estiment qu'à l'inverse, 20% des projets ont été rejetés et que pour les trois quarts d'entre eux, le préfet pourrait engager une procédure de "passer outre", notamment parce que les projets ne respectent pas les conditions de population minimale fixées par la loi.
Les rejets seraient plus nombreux au centre de la France que dans l'Ouest, où "les choses marchent pas mal", a relevé Loïc Cauret, président délégué de l'ADCF, lors d'une conférence de presse organisée ce 15 septembre à Paris. Lorsque le préfet a mené une concertation avec les élus locaux en amont de la présentation de la carte intercommunale, les désaccords sont plus rares, a-t-il aussi observé.

Poursuivre l'exercice des compétences de proximité

75% des communautés se considèrent "avancées" (45%) ou "bien avancées" (30%) dans la préparation de la fusion. Mais les défis ne manquent pas. L'exercice des compétences n'est pas l'un des moindres. Sur ce sujet, conscientes de l'immense chantier qui les attend, les communautés veulent prendre le temps en procédant à une harmonisation progressive, comme la loi le permet. Pour autant, les responsables des communautés estiment que cette harmonisation sera parfois complexe. Ce devrait être le cas pour les services à la personne (enfance-jeunesse, scolaire et périscolaire, actions culturelles et sportives) et à un degré moindre pour les compétences techniques (voirie, assainissement, éclairage public).
Malgré les restructurations, les futures communautés devraient continuer à assurer les services qui étaient mis en œuvre jusqu'à présent sans que les usagers ne voient de gros changements. Cela semble répondre à la volonté des élus locaux de ne pas "effrayer la population", glisse Loïc Cauret. Certains élus toutefois, en particulier dans les communautés très étendues géographiquement, s'interrogent sur l'exercice des compétences de proximité. "C'est une question qui remonte souvent des conseils municipaux", souligne Loïc Cauret. Lequel se veut rassurant : des solutions existent. Bon nombre de communautés de plus de 50 communes existantes ou en cours de création envisagent, par exemple, de constituer des pôles de proximité.

Conflits sociaux

La fusion est parfois plus compliquée lorsque l'une des communautés concernée par la fusion est compétente pour élaborer le plan local d'urbanisme et que l'autre (les autres) ne l'est pas (ne le sont pas). "C'est un sujet sensible, mais ce n'est pas un facteur de blocage", assure toutefois Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF.
Les questions fiscales ne feraient pas non plus obstacle à la mise en œuvre des projets de fusions. Lorsqu'existent des écarts significatifs entre les taux des anciennes communautés, le dispositif légal d'harmonisation progressive sur une période allant jusqu'à 12 ans permet de calmer les éventuelles tensions. De plus, les élus ont très majoritairement choisi de ne pas augmenter les taux de fiscalité. Dans ce contexte, l'un des chantiers en matière de finances consiste à refonder le pacte financier et fiscal entre les communes et la communauté.
Quant aux questions de ressources humaines, qui n'étaient pas "une question principale" au moment de la réflexion sur la carte intercommunale, elles sont "devenues très vite prégnantes", fait remarquer Loïc Cauret. En changeant de taille, les communautés vont, dans certains territoires, voir leurs effectifs considérablement augmenter et elles doivent préparer l'arrivée des nouveaux agents en un temps record. L'avalanche des sujets à traiter "crée un certain nombre de troubles", reconnaît le président délégué de l'ADCF. Ici ou là, des conflits sociaux ont eu lieu. Mais "les choses avancent", estime l'élu.

Des élus locaux sur la touche

Les questions de gouvernance risquent quant à elles d'être explosives dans certaines communautés. "Le sujet va arriver dans les deux prochains mois dans les conseils municipaux", a indiqué Loïc Cauret. Compte tenu des fusions, un certain nombre d'élus communautaires vont devoir renoncer à leur mandat, alors qu'ils ont été élus en 2014 directement par les électeurs. Ce "problème de fond" sera "difficile à faire comprendre" auprès des élus concernés, s'inquiète le responsable de l'ADCF. Le sujet risque d'être d'autant plus sensible que les possibilités qu'ont les communautés de mettre en place un accord local pour disposer de quelques sièges supplémentaires, revues par le législateur après une retentissante décision du Conseil constitutionnel en juin 2014, ne fonctionnent pas, d'après l'ADCF.
Compétences, ressources humaines, finances et gouvernance… Les communautés doivent conduire tous ces chantiers dans "des délais très courts" et avec des moyens en ingénierie parfois limités, a souligné Charles-Eric Lemaignen, président de l'ADCF. Il espère donc que l'Etat conseillera les élus locaux et facilitera leur tâche.
De très nombreuses fusions devraient conduire à un changement radical de la géographie des communautés. Beaucoup d'entre elles regrouperont des communes périubaines et rurales autour d'une zone urbaine. "On n'a pas pris la mesure du bouleversement que cela implique", a souligné Loïc Cauret.
La mise en œuvre des compétences va être très différente, d'autant que les communes rurales exprimeront le besoin de bénéficier des mêmes services que les autres. Le président de la communauté de communes de Lamballe parie sur "un appel d'air dans les deux ans qui viennent". En matière de transports par exemple, les communautés vont devoir repenser leurs réseaux, justement pour répondre aux nouvelles demandes. Avec cependant pour difficulté celle de percevoir des recettes de versement transport suffisantes dans les zones rurales. "Le modèle économique est interrogé", conclut Loïc Cauret. Les élus et les services communautaires ne sont pas au bout de leur peine. La 27e Convention nationale de l'ADCF, qui les réunira du 12 au 14 octobre à Strasbourg, leur donnera l'occasion d'en témoigner.