Mobilités actives : Chrystelle Beurrier, coprésidente du Réseau vélo et marche, "résolument optimiste"
Le Réseau vélo et marche, né de la fusion entre le Club des villes et territoires cyclables et marchables et l'association Vélo et Territoires, tient du 1er au 3 octobre ses premières rencontres à Annemasse (Haute-Savoie). L'occasion de tirer avec Chrystelle Beurrier, coprésidente de ce réseau, un premier bilan de la mandature municipale qui s'achève et de se projeter vers l'avenir. Si l'élue n'ignore pas les difficultés, notamment budgétaires, elle se veut résolument optimiste.

© Christelle Glémet/ Chrystelle Beurrier
Localtis - Quel bilan tirez-vous de cette mandature, qui s'achèvera en mars prochain, en matière de mobilités actives ?
Chrystelle Beurrier - Un bilan très positif. On a commencé avec une crise sans précédent, mais elle a présenté le mérite de dévoiler le potentiel des modes actifs, qui jusque-là avait quand même du mal à être compris par tous. On le voit avec le baromètre de la FUB (lire notre article), les citoyens se sentent aujourd'hui particulièrement concernés par les questions de ville apaisée, de piétonisation, de sécurisation des itinéraires cyclables permettant de se déplacer autrement. Leurs attentes sont importantes.
Côté collectivités, nombre d'entre elles, y compris les plus petites, les moins denses, se sont emparées du sujet et se sont vraiment mises au travail au cours de ce mandat.
Globalement, je dirais qu'on a vécu une période particulièrement favorable entre 2020 et 2024, avec un réel soutien de l'État, prenant en compte les schémas directeurs, le besoin d'ingénierie et d'accompagnement ou encore de leviers financiers des collectivités, comprenant la dimension nécessairement pluriannuelle des politiques en la matière, ou encore que le développement des modes actifs n'est pas qu'une problématique locale. Évidemment, on est frustrés de constater que tout cela est à l'arrêt. On va dire plutôt en pause, en espérant que le mouvement se réenclenche rapidement.
Ne craignez-vous pas que le soufflet ne retombe lors de la prochaine mandature ?
On ne va pas se le cacher, on assiste aujourd'hui à un fort ralentissement de cette dynamique, notamment en raison des contraintes budgétaires qui sont en train d'être imposées aux collectivités. Ces dernières sont tenues de faire des arbitrages qui sont au-delà du compliqué, et les modes actifs sont un peu en retrait. On ne peut nier une certaine inquiétude sur la capacité pour les collectivités, lors du prochain mandat, de suivre les feuilles de route qu'elles se sont fixées. Ou, pour celles qui n'avaient pas encore sauté le pas, de s'y investir pleinement.
Cela dit, il faut rester optimiste. Je pense que les candidats aux prochaines élections municipales ne pourront pas ne pas entendre les revendications de leurs concitoyens relatives à la sécurisation des abords des écoles, à la réduction des vitesses excessives et des nuisances sonores, etc. L'attente citoyenne n'a nullement disparu, bien au contraire. Nous préparons d'ailleurs un document afin d'aider les élus et futurs élus à communiquer sur les enjeux de la mobilité active lors de la prochaine campagne électorale, et au-delà sur toute la durée du mandat. Il détaillera évidemment aussi la manière dont on peut les accompagner dans cette démarche. Il sera diffusé lors du prochain salon des maires.
Cette attente s'exprime surtout en milieu urbain, non ?
La pression est évidemment plus forte dans les milieux urbains, où l'on constate sans surprise les meilleurs résultats en matière d'usage des modes actifs. Dans les territoires ruraux, il y a sans doute encore de l'acculturation à faire. Mais les questions de santé, d'autonomie, d'environnement, de cadre de vie n'y sont pas moins importantes. Que les enfants puissent aller à l'école à pied ou en vélo en toute sécurité reste quand même une préoccupation de tout le monde. Mais il ne faut pas nier que le changement de modèle de déplacements dans les territoires moins denses est plus complexe.
Vous évoquez la hausse de la fréquentation des modes actifs. Le baromètre de la FUB montre que cette dernière n'est pas sans créer de nouveaux défis, comme les conflits d'usages. Effet d'optique ou réelle problématique ?
C'est une réalité. Nous avons d'ailleurs largement évoqué cette question de la cohabitation des usages lors de nos rencontres d'Annemasse. Mais aussi celle de l'intermodalité, et plus largement encore celle de la transformation de l'espace urbain. Le contexte s'y prête puisque la ville est en plein travaux, précisément à cette fin.
Il y a un vrai travail à mener sur le partage de l'espace public et de la voirie, sur la cohabitation entre le piéton et tout ce qui roule, en incluant les personnes à mobilité réduite. Je ne pense pas seulement aux trottinettes, mais aussi aux vélos cargos, aux poussettes, etc. Nous travaillons justement à un manifeste sur ce sujet des partages d'espaces, qui sera publié à l'occasion des rencontres nationales du transport public, qui se tiendront à Orléans début novembre. En ce domaine, les progrès passeront aussi par la réglementation et je dois avouer qu'on reste un peu sur notre faim avec le rapport Barbe (lire notre article du 28 avril dernier, ndlr). Au-delà de renommer le code de la route, il y a sans doute un nouveau code à réinventer.
Quelle est l'ambiance à Annemasse ?
Elle est très positive ! On n'ignore pas les difficultés, notamment budgétaires, ou encore la nécessité d'accompagner en ingénierie les collectivités et communautés de communes les moins denses, avec l'enjeu de l'attractivité des métiers. Mais l'on reste résolument optimiste ! Nous sommes avant tout des chercheurs de solutions. Or ces rencontres permettent précisément, par les échanges, d'en dégager de nouvelles, de se nourrir des expériences des uns et des autres, de tirer profit des nombreuses expérimentations conduites sur le territoire national qui ont fait leurs preuves et qui sont souvent transposables. Et cela, ça ne coûte pas très cher.
Nos convictions sont par ailleurs toujours aussi fortes. On reste persuadé que les mobilités actives restent sous-exploitées. On le sait, beaucoup trop de petits trajets se font encore en voiture. On a encore des pourcentages de part modale à gagner, il y a encore des points noirs à résorber, des continuités à établir… Or la prise de conscience que l'investissement dans les modes doux génère de multiples bénéfices – sur l'environnement, la santé, le cadre de vie l'autonomie, le pouvoir d'achat, l'inclusion… – est désormais bien présente et favorise leur déploiement. Autre raison d'être positif, la moitié des inscrits à Annemasse participaient pour la première fois à nos rencontres. Les forces se renouvellent !