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Mutualisation des ressources humaines : les propositions choc des DG d'intercommunalités

L'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) préconise de regrouper les agents municipaux qui relèvent de la même intercommunalité, mais pas nécessairement sous la houlette de celle-ci. Sans une taille critique d'au moins 50 agents, les politiques de ressources humaines ne sont pas viables, plaide-t-elle.

 

Ce sera sans doute la dernière grande réforme de la législature concernant les collectivités territoriales et la ministre de la Cohésion des territoires vient de s'engager à ce qu'elle soit "adoptée avant la fin de la mandature". Autant dire que le projet de loi "4D" (différenciation, décentralisation, déconcentration et diverses mesures de simplification de l'action publique locale) donnera lieu à une multitude de propositions d'amendements. Un des exemples les plus récents émane de l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF), qui a indiqué vouloir profiter de cette fenêtre de tir pour graver dans le marbre l'obligation pour les communes d'une même intercommunalité de mettre sur pied (avec ou sans celle-ci) une "administration partagée". Un concept qu'elle explicite dans une récente étude dont les conclusions sont éclairées par le bilan de l'expérience de neuf intercommunalités.

Avec ses 35.000 communes, dont 30.000 ont moins de 2.000 habitants, la France est caractérisée par "un saucissonnage des organisations humaines", dénonce le petit groupe de DGS de communautés à l'origine de l'étude – lequel était piloté par Dominique Garnier, secrétaire national de l’ADGCF délégué aux RH. Conséquence fort regrettable, selon eux : les cadres communaux et communautaires "évoluent sur des rails parallèles". Comment, dans ces conditions, "peut-on sérieusement envisager de mener une véritable politique de ressources humaines sur un territoire, avec tous ses enjeux ?", s'alarment-ils. À cette observation, les DGS opposent "le bon sens" : "Sur leur territoire, communes et communauté forment un même ensemble", il n'existe donc "qu'une seule communauté d'agents territoriaux". 

Pas d'employeur de moins de 50 agents

Ce constat avait amené l'ADGCF à prôner ces dernières années la mise en place d'une administration locale unique, une organisation – déjà testée – dans laquelle l'intercommunalité est l'employeur unique de l'ensemble des agents communaux et communautaires relevant de son territoire. Mais devant la crainte, exprimée par certains, que ce schéma ne conduise à l'effacement des communes, l'association a changé son fusil d'épaule. "Moins 'radical', le concept d'administration locale partagée répond mieux aux réalités des territoires, engagés dans des politiques de collaboration et de co-construction avec les communes et les acteurs locaux", explique l'association.

Les outils juridiques pour sa mise en place existent déjà. Au cours des dix dernières années, le législateur n'a cessé de les perfectionner et de les compléter. Au point qu'aujourd'hui, on se retrouverait avec "une jungle des systèmes conventionnels". Dans un but de simplification, l'ADGCF propose de retenir la notion de "service commun" faisant l'objet d'un contrat entre ses adhérents. Un dispositif souple, qui fonctionnerait avec ou sans l'intercommunalité et sous la responsabilité ou non de celle-ci (une commune pourrait gérer le service mutualisé). Chaque territoire choisirait donc son mode d'organisation et déciderait du calendrier de sa mise en œuvre sur une période de six ans au plus. Mais une mutualisation d'au minimum 50 agents – un seuil en deçà duquel une politique RH ne serait pas efficace – serait imposée. Résultat de cette énergique mesure : 70% des communes perdraient leur statut d'employeur, sans modification de la carte administrative.

Une telle organisation offrirait de nombreux avantages, selon les auteurs : la possibilité pour les agents d'avoir des parcours professionnels "plus ambitieux" et des reclassements en plus grand nombre, un meilleur pilotage de la masse salariale, une gestion des ressources humaines plus professionnelle, une politique de rémunération plus attractive et équitable, une application du statut plus homogène…

Mutualisations tous azimuts

Des territoires pionniers plaident en faveur de ces orientations. C'est le cas de la communauté d'agglomération du Sicoval, au sud-est de Toulouse, qui emploie une partie des DGS des communes et a nommé certains d'entre eux à des postes de directeur général adjoint de l'intercommunalité. Loire Forez agglomération – dans le département de la Loire – a aussi innové en multipliant des systèmes de mutualisation auxquels l'adhésion est libre, au gré des besoins, et qui sont gérés par la communauté ou entre communes. La communauté de communes Mad et Moselle n'est pas en reste avec notamment un service commun de secrétaires de mairie géré par la communauté et financé par les communes.

Avec l'administration locale partagée, les territoires pourraient se passer d'un certain nombre de services qu'offrent aujourd'hui les centres départementaux de gestion de la fonction publique territoriale, estiment les DGS de communautés. Mais pas tous. Selon eux, ces établissements publics seraient conduits à s'organiser dans un cadre régionalisé, pour offrir des services en matière d'expertise, et non plus de gestion des ressources humaines.

Certes sans bouleverser la carte administrative, la proposition décapante de l'ADGCF remettrait en cause sans aucun doute les équilibres hérités des précédentes réformes territoriales. Dans la mesure où l'exécutif a écarté tout scénario de ce type, l'association a a priori peu de chances de voir sa proposition se concrétiser à court terme.

  • Un webinaire le 30 mars pour en savoir plus

L'ADGCF organise ce mardi 30 mars, de 9h à 10h, un webinaire pour présenter cette étude intitulée "Administration locale partagée : rêve organisationnel... ou cauchemar technocratique ?" Ce webinaire sera animé par Dominique Garnier et par Mathieu Chartron, auteur du document de l'étude et DGS de la communauté d'agglomération du Grand Sénonais. Inscription en ligne.