Archives

Nouvelle carte des zones défavorisées simples : régions et syndicats veulent du concret

Le ministre de l’Agriculture a présenté le 20 février la carte des zones défavorisées simples qui sera envoyée à Bruxelles pour concertation. 4.920 communes entrent dans le zonage et le ministère espère encore en faire entrer quelques-unes en faisant prévaloir un principe de "continuité territoriale" auprès de la Commission. Mais l'attention se porte sur les 1.349 communes et 5.200 agriculteurs qui seraient exclus du zonage. Pour les syndicats et les régions, les mesures d'accompagnement envisagées à leur égard manquent de visibilité...

"Aucune exploitation ne sera laissée sur le bord du chemin." A quatre jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, Stéphane Travert a cherché, mardi soir, à calmer la grogne des agriculteurs en assurant que des solutions seront trouvées pour accompagner les exploitations sortant du nouveau zonage des "zones défavorisées simples" (ZDS). "Je comprends la colère de celles et ceux qui sortent et ne mésestime par leur souffrance", a-t-il déclaré à l’issue d'une réunion du comité de pilotage national de la réforme des zones défavorisées simples. Le ministre de l’Agriculture a présenté la dernière mouture de la carte, celle qui sera envoyée à Bruxelles pour concertation puis validation, avec une entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2019. Ce classement ouvre droit, comme en zone de montagne, au versement de l’indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN).

3.571 communes de plus

Selon ce document qui a fait l’objet de nouveaux ajustements cette semaine, 14.000 communes seront classées. C’est 3.571 de plus que lors du précédent zonage qui n’avait pas évolué depuis 1976. Cette révision devrait faire de nombreux heureux puisque 4.920 communes entrent dans le zonage mais, dans le même tremps, 1.349 communes sont amenées à en sortir… D’où la colère des agriculteurs concernés, même si le nombre de bénéficiaires devrait au final passer de 53.000 à 60.000… Une progression de 7.000 à prendre avec des pincettes cependant, car les données ayant servi au calcul datent un peu et, comme le reconnaît le ministère lui-même, 20% des exploitations ont disparu en dix ans !

Quelque 5.200 agriculteurs ne devraient plus toucher l'ICHN, soit un manque à gagner de plusieurs milliers d'euros pour eux. Stéphane Travert leur propose "un contrat à bâtir ensemble". Ses services seront chargés d'élaborer des diagnostics territoriaux précisant le nombre d’agriculteurs concernés, leur situation et leurs difficultés, avec une attention particulière pour les jeunes agriculteurs. Les sortants bénéficieront de 80% du montant de l’ICHN en 2019 puis de 20% en 2020. "Deux ans c’est très court", a reconnu le ministre, "mais ça ne se subsitue pas aux mesures d’accompagnement que peuvent apporter l’Etat et les collectivités". Deux groupes de travail réunissant l’Etat, les régions et les professionnels vont être mis sur pied très vite pour trouver des solutions à la fois individuelles et territoriales. L'un d'eux se penchera notamment sur la situation des départements du Centre Ouest principalement affectés par la réforme (Deux-Sèvres, Maine-et-Loire, Indre-et-Loire, Loiret). 
Parmi les solutions envisagées, le ministre a évoqué les mesures de soutien à la transformation des exploitations, les mesures agro-environnementales ou le grand plan d’investissement… Le ministre escompte aussi des effets de son projet de loi sur l’alimentation qui sera débattu fin mars à l’Assemblée. Il s’est tourné vers les collectivités qui disposent du levier de la restauration collective : l’exécutif souhaite imposer un seuil de 50% de produits locaux , bio ou sous signes de qualité dans les repas.

"Absence totale de visibilité"

Lors de la discussion avec la Commission, le ministre espère faire entrer de nouvelles communes isolées, en faisant prévaloir un principe de "continuité territoriale". Le ministre a indiqué que, la veille, lors d’un conseil européen de l’agriculture et de la pêche, le commissaire Phil Hogan lui avait réservé un "dialogue fluide" sur ces questions. A condition de respecter le plafond de surface classée fixé par Bruxelles à 10% du territoire national.
Alors que se tenait un peu plus tôt mardi un comité de pilotage Etat-régions sur la mise en œuvre des programmes de développement ruraux, l’association des Régions de France est restée sur sa faim. Le dialogue a été "cordial" mais les régions "n’ont obtenu aucune réponse concrète ou indication des arbitrages qui seraient pris" sur chacun des sujets traités (aides au bio, ICHN, zones défavorisées...), déplore l'association, dans un communiqué. "Cette absence totale de visibilité est dramatique pour les agriculteurs et l’ensemble des acteurs des filières, qui ont besoin de savoir comment concrètement les enjeux de la transformation des systèmes agricoles et de notre alimentation seront relevés."
Pour la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, le travail est "loin d’être achevé". Cette carte "exclut encore trop de zones du dispositif et les solutions pour les accompagner ne sont pas suffisantes", soulignent les deux syndicats dans un communiqué commun. "Les agriculteurs qui vont perdre les aides ne peuvent se contenter de réflexion ou de promesses d’engagements."
Les inquiétudes du monde agricole sont accentuées encore par l’ouverture cette semaine d’un nouveau cycle de négociations avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) en vue d’un accord de libre-échange. La France tiendra un "discours de vérité" et entend fixer des "lignes rouges", a averti Stéphane Travert pour qui un contingent de 70.000 tonnes de viande bovine en provenance de ces pays ne serait "pas soutenable pour le marché français". Et pourtant, d’après l’AFP, Bruxelles serait prête à aller même au-delà, jusqu’à 99.000 tonnes...
Si certains propos du président de la République lors ses vœux au monde agricole le 26 janvier avaient heurté la profession, il tentera de se rattraper jeudi soir en invitant un millier d’agriculteurs à l’Elysée, comme il l’avait fait avec les maires, à la veille de leur dernier congrès. Il sera ensuite attendu pour l’ouverture du Salon de l'agriculture, le 24 février.