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Patrimoine - Nouvelle poussée de fièvre dans l'archéologie préventive

Une centaine d'archéologues de l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) ont bloqué, jeudi 5 février, les caisses de la pyramide du Louvre, laissant ainsi les visiteurs entrer gratuitement. Cette initiative - deux mois après une première manifestation organisée par la CGT - est un nouveau signe du malaise profond qui règne au sein de l'archéologie préventive publique.

Un malaise déjà ancien

Un malaise qui n'a rien de nouveau : en novembre 2013, puis en mars 2014, les archéologues de l'Inrap manifestaient déjà à travers la France pour dénoncer "le système concurrentiel mis en place par la loi de 2003 [loi du 1er août 2003 modifiant la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, ndlr], qui est en train de tuer l'archéologie préventive et son service public", autrement dit l'Inrap (voir notre article ci-contre du 21 mars 2014).
Un thème repris lors de la manifestation du 5 février, l'intersyndicale CGT-SUD-FSU-CNT estimant que "depuis plus de dix ans, la privatisation et la marchandisation de ce secteur d'activité ont abouti à une situation catastrophique". Les intéressés demandent donc "que l'archéologie soit sortie du secteur marchand".

Une concurrence venant du privé mais aussi des collectivités

Au-delà des craintes engendrées par la concurrence des services d'archéologie préventive privés - au demeurant peu nombreux -, mais aussi des services d'archéologie préventive des collectivités, ces mouvements sociaux à répétition illustrent le malaise de la profession.
Celui-ci tient pour une bonne part à la multiplication des critiques envers l'Inrap. Les collectivités ne manquent pas de se plaindre de la longueur des chantiers d'archéologie préventive, qui bloquent parfois des opérations d'aménagement urbain jugées essentielles.
Le Sénat s'est fait, à plusieurs reprises, l'interprète de ce mécontentement à travers divers amendements sur le sujet. Sans oublier la Cour des comptes, qui a publié, à l'été 2013, un rapport dans lequel elle voyait "une sérieuse menace" sur l'avenir de l'Inrap (voir notre article ci-contre du 29 août 2013).
Dernière cerise sur le gâteau : dans les cinquante mesures du "choc de simplification" présentées, le 30 octobre dernier, par Thierry Mandon, le secrétaire d'Etat à la Réforme de l'État et à la Simplification, et par le Conseil de la simplification, il en est une qui vise directement l'archéologie préventive. Il s'agit en l'occurrence de limiter la durée d'immobilisation des chantiers liés à l'archéologie préventive, en développant notamment des "techniques alternatives de sondage", afin de "rendre les diagnostics plus rapides".

En attendant les résultats du rapport Faure...

C'est donc peu dire que les archéologues de l'Inrap et - plus largement - l'ensemble du monde de l'archéologie préventive sont sur les nerfs. Pour espérer sortir de ce climat délétère, il reste maintenant à attendre le rapport, prévu pour la fin mars, de la députée (PS) de Gironde, Martine Faure, sur la mise en place du nouveau dispositif du service public de l'archéologie préventive. Ce rapport, commandé par la ministre de la Culture, devra notamment "assurer la coordination et la complémentarité de l'ensemble des acteurs publics de l'archéologie préventive afin de veiller à leur bonne coopération" et se prononcer sur l'organisation et l'équilibre financier de l'Inrap.
Et mars, c'est aussi le mois où serait présenté en conseil des ministres le projet de loi relative à la liberté de création, l'architecture et le patrimoine. Les archéologues n'ont jamais caché qu'ils souhaitaient réviser à cete occasion la législation sur l'ouverture au privé de l'archéologie préventive.