Numérisation des données des cimetières : quel est le cadre juridique ?
Constat : Avec le développement toujours plus important de la pratique de numérisation des données, certaines communes commencent à faire le choix d'entamer une transition similaire pour l'ensemble des données relatives à leurs cimetières. Que ce soit pour l’archivage des données, pour le suivi des durées de toutes les concessions ou encore pour la création d’un plan numérique du cimetière afin de faciliter l’orientation et l’accès aux concessions des visiteurs, tout semble être propice à cette pratique. Mais existe-t-il des limites juridiques à cette numérisation dans le milieu funéraire ? Quel est le véritable cadre légal et jurisprudentiel dans le domaine ?
Réponse : En principe, les registres du cimetière doivent être conservés dans les mairies pendant une durée d’au moins 120 ans (articles L212-11 et suivants du code du patrimoine). Dans ce contexte, la numérisation des données apparaît donc comme étant une évolution majeure et nécessaire pour répondre aux exigences de bonne administration de collectivités. Entre gain de place, meilleure conservation et meilleure sécurisation des données ou encore facilité de classification et meilleure gestion et suivi des durées des contrats de concession, son usage est aujourd’hui devenu incontournable.
Il est toutefois important de rappeler que l’utilisation et la publication de ces données demeurent limitées et particulièrement encadrées par le droit et la jurisprudence en vigueur. Effectivement, certaines communes ont d’ores et déjà fait le choix de compléter ce virage de la numérisation par la proposition, à leurs administrés et à tous les visiteurs de leur cimetière, d’un plan numérique du cimetière afin de plus facilement retrouver un défunt parmi les allées de tombes et cases du columbarium.
Saisie sur ces questions, la Commission d'Accès aux Documents Administratifs (CADA) a produit de nombreux avis importants qui font aujourd’hui encore office de points de repère juridiques pour les collectivités comme pour les juges.
La CADA a ainsi considéré que la communication à des sociétés de pompes funèbres des plans de cimetières faisant apparaître les noms des titulaires de concessions est impossible (1). En revanche, un plan cadastral ne faisant pas apparaître les noms des titulaires des concessions funéraires peut être mis à la disposition de tous, ainsi qu’en témoigne l’avis rendu par la CADA du 25 février 2010 (2).
⇒ En d'autres termes, la CADA nous indique qu'il n'est pas possible de proposer une version numérisée du cimetière dans laquelle apparaîtraient des données protégées au titre du RGPD. La simple mention du nom de la ou des personnes inhumées dans une concession est de nature à aller à l'encontre de cette législation. Il reste toutefois possible de proposer un plan de cimetière neutre, sur lequel apparaîtrait la numérotation des tombes. Dès lors, seules les personnes disposant de la référence de la tombe ou celles en ayant fait la demande auprès de la mairie, seraient en mesure de pouvoir retrouver le défunt qu'elles cherchent.
A première vue, la position de la CADA semble paradoxale étant donné qu'une personne se rendant sur place pour rechercher un défunt finirait par obtenir plus d'informations que ce qui est possible de proposer en version numérique (nom, prénom, date de naissance et de mort..). Mais cette position est toutefois justifiée au regard des avis suivants :
CADA, 16 octobre 1997, Maire de Brossac ⇒ la concession d’un emplacement dans un cimetière met en cause le secret de la vie privée du titulaire, et sa communication peut être refusée ;
CADA, 19 décembre 1991, Maire de Moulismes ⇒ sa communication peut, notamment, être refusée à l’égard de personnes ne pouvant établir un lien de parenté avec le titulaire décédé de la concession ;
CADA, 9 janvier 1992, Maire de Prémery ⇒ l’autorité territoriale ne peut pas communiquer le nom des personnes titulaires de concessions funéraires dans le(s) cimetière(s) à des marbriers ;
CADA, avis, 16 juillet 2009, Maire de Paris (service des cimetières), réf. n° 20092364, Recueil des principaux avis et conseils, 2nd semestre 2009, p. 43 ⇒ une personne ayant droit d’une concession funéraire est une personne intéressée, au sens de l’art. 6-II de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, modifiée, concernant l’ensemble des documents se rapportant à la gestion de ladite concession funéraire, à laquelle elle est personnellement et directement concernée. Ces documents lui sont donc communicables de plein droit, dans leur intégralité, postérieurement au décès du fondateur. Si le demandeur agit pour le compte et au nom du fondateur de la concession funéraire, il doit justifier d’un mandat exprès, dans le sens de la communication sollicitée, de la part du fondateur de la concession funéraire (CADA, avis, 16 juillet 2009, Maire de Paris (service des cimetières), réf. n° 20092364).
⇒ la Commission adopte une position similaire concernant les demandes de communication de la liste des personnes inhumées dans une concession funéraire (CADA, avis, 5 novembre 2009, Maire de Paris (service des cimetières), référence n° 20093395).
C'est ainsi que, pour protéger le repos du défunt ainsi que les ayants-droits face au risque de démarchage des entreprises de marbrerie et de pompes funèbres, la CADA a fait le choix d'adopter une position aussi ferme. Il reste toutefois au juge administratif et au juge judiciaire de valider cette interprétation restrictive. En effet, les avis de la CADA n'ont pas, en eux-mêmes, de valeur juridique, les collectivités sont donc libres de faire le choix de ne pas les suivre. Toutefois, il est important de souligner, qu'à ce jour, les juges ont systématiquement fait le choix de s'aligner sur ses avis. Il reste donc plus prudent d'aligner sur les recommandations émises par la CADA.
Références : (1) CADA, 2 janvier 1997, Maire de Limoux, cité in CADA, 9e rapport d’activité, 1995-1998 : La communication des documents détenus par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, Paris : La Documentation française, 1999, p. 37 ; (2) CADA, avis, 25 février 2010, maire de Paris (service des cimetières), réf. n° 20100756, in Recueil des principaux avis et conseils, 1er semestre 2010, p. 50 ;
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