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Social - Observatoire national de la pauvreté : pour une "pédagogie de l'assistance"

"Il faut justifier le fait d'être au RSA. Il faut leur fournir des tas de papiers. C'est une situation qu'on a du mal à vivre, on est considérés comme les profiteurs de la société..." C'est en écho à ce type de témoignages – ici celui d'une mère célibataire allocataire du RSA – que l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) a décidé de consacrer son huitième rapport annuel, non pas à une collecte de chiffres, mais à un seul sujet, celui du regard porté par la société française sur "l'assistance".
Sous ce terme, l'Onpes désigne "les politiques d'aides sociales en direction des plus démunis, qui comprennent notamment les minima sociaux". Il est ainsi évidemment beaucoup question, dans ce rapport de 100 pages, du RSA et de ses bénéficiaires. "Il ne faut pas avoir honte du terme d'assistance", a d'emblée souligné le président de l'Onpes, Jérôme Vignon, en remettant ce 16 mai son rapport à la ministre déléguée Marie-Arlette Carlotti, relevant d'ailleurs au passage que celle-ci aurait préféré le terme de "solidarité".
L'ouvrage commence par retracer l'historique de la notion d'assistance, montrant ainsi que le débat autour du comportement supposé opportuniste dont feraient preuve les bénéficiaires des dispositifs d'aide "est récurrent tout au long de l'histoire de la protection sociale". Et que ce débat a tendance à se réveiller en période de crise... En fait, les périodes de crises feraient naître des réactions contradictoire : d'une part, "la crise avive le sentiment solidariste" et "si une partie de l'opinion française craint les effets déresponsabilisants des politiques sociales, la majorité défend l'idée que des filets de sécurité sont nécessaires, plus encore pendant les périodes de crise économique" ; mais dans le même temps, les propos dénonçant l'"assistanat" ont "particulièrement d'audience dans les périodes économiques tendues comme celle que nous vivons", a souligné Marie-Arlette Carlotti.
Jérôme Vignon a pour sa part évoqué le "tempérament à la fois solidariste et soupçonneux" de la société française, face auquel il faut absolument mener "une pédagogie de l'assistance". "Les pouvoirs publics doivent lutter contre les visions simplistes de l'assistance, contrecarrer le sentiment de stigmatisation de tous ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté", a de même insisté Etienne Pinte, le président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), présent lors de la remise du rapport (sachant que "l'Onpes représente en quelque sorte l'Insee du CNLE", tel que l'a formulé Etienne Pinte).
L'Onpes aborde aussi la question dans sa dimension juridique, interrogeant entre autres les équilibres entre droits et obligations. A ce sujet, il considère que "la tendance consiste à penser en termes de devoirs individuels en contrepartie d'un droit à une prestation"... et que dans les faits, "de plus en plus de contreparties sont exigées lors de l'ouverture des droits". Ce serait même dans ce domaine de l'assistance "que la politique des contreparties a pris le plus d'ampleur". Avec, toutefois, un nouveau mouvement de balancier : "Actuellement, en réaction à cette vision stigmatisante qui insiste sur les responsabilités individuelles", on commence à constater que les décisions de justice "mettent plus l'accent sur le fait que le bénéficiaire de prestations sociales a des droits qu'il convient de respecter."

Pour des modalités d'attribution des aides plus automatiques

Jérôme Vignon accorde une place centrale au "travail social" (l'assistance n'est-elle pas en effet représentée au premier chef par "l'assistante sociale" ?), jugeant qu'"il faut à la fois l'individualiser et l'institutionnaliser". Une idée développée dans le rapport : "Il convient à la fois de personnaliser les liens que noue chaque accompagnateur avec son interlocuteur et de l'institutionnaliser au sens de reconnaître la place essentielle d'un tel travail d'accompagnement au coeur du lien social." A l'heure où le gouvernement prépare pour 2014 des "Etats généraux du travail social", précédés en 2013 d'assises régionales, le rapport trace d'ailleurs des pistes devant permettre d'améliorer les conditions d'exercice du travail social et de le revaloriser.
La principale recommandation de l'Onpes est sans doute celle consistant à automatiser au maximum le système de versement des prestations. "Privilégier des modalités d'attribution des aides automatique comme les prestations familiales, les allocations personnalisées au logement, dont on connaît l'impact important dans la lutte contre la pauvreté, aurait l'avantage d'éviter le sentiment de stigmatisation éprouvé par leurs allocataires [...] et éviterait aux allocataires de devoir justifier sans cesse leur demande par des considérations personnelles", détaille le rapport, rappelant que des expériences locales ont déjà été menées dans ce domaine et citant à ce titre l'exemple de Grenoble en matière d'aide à la nutrition infantile.
Autre série de propositions, toujours pour "combattre les idées reçues" : "mieux évaluer et analyser les effets des politiques de solidarité", qu'il s'agisse de non-recours ou de suivi des trajectoires des personnes. Il s'agit aussi de "considérer les dépenses d'assistance non seulement comme liées à la solidarité, mais comme un investissement social".
Marie-Arlette Carlotti a relevé que la Conférence nationale contre la pauvreté de décembre dernier - puis le plan pluriannuel - était déjà très axés sur "la bataille du refus du discours sur l'assistanat" et a surtout mis en avant la volonté du gouvernement de lutter contre le non-recours, d'associer les bénéficiaires aux politiques qui les concernent et de montrer que "nul n'est inemployable", notamment en proposant "des contrats adaptés aux capacités de travail de la personne".