Protection de l'enfance - Pas de recours en excès de pouvoir contre un signalement du président du conseil départemental au procureur
Dans un arrêt remontant au 9 février 2017, signalé il y a quelques jours par le blog du cabinet d'avocats Landot & Associés, le tribunal administratif de Paris clarifie la nature juridique du signalement d'un enfant en danger effectué par un président de conseil départemental auprès du procureur de la République. Les commentaires de l'arrêt dans la lettre du tribunal administratif de Paris apportent également un éclairage plus général sur le statut des signalements dans le cadre de la protection de l'enfance en danger.
Le signalement au procureur n'est pas détachable de la procédure judiciaire...
En l'espèce, le maire de Paris, agissant en qualité de président du conseil départemental, avait signalé au procureur de la République l'enfant T... comme se trouvant en situation de danger, sur la base d'un rapport de ses services sociaux. La personne mise en cause par ce signalement avait alors saisi le tribunal administratif de Paris d'un recours en excès de pouvoir, en faisant valoir notamment - outre le fait que le signalement serait fondé sur des éléments inexacts - qu'il n'avait pas été informé dudit signalement, qu'il n'avait donc pas été en mesure de faire valoir son point de vue avant le prononcé de la mesure d'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) et que le principe du contradictoire n'avait donc pas été respecté.
Dans sa décision, le tribunal administratif de Paris rejette le recours dans tous ses moyens. Il fait en effet valoir qu'il n'appartient pas à la justice administrative "de connaître de la légalité des signalements effectués par le Président du Conseil départemental ou, directement par l'un des services publics participant à cette politique, au Procureur de la République [...] ; qu'en effet, de tels signalements, tout comme ceux effectués sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, ne sont pas détachables de la procédure judiciaire à laquelle ils participent ; qu'il s'en suit que les conclusions de M. X..., qui demande l'annulation du signalement effectué le 5 juin 2013 au Procureur de la République, sont irrecevables car portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que ces conclusions doivent donc être rejetées comme telles".
... mais d'autres aspects du signalement continuent de relever du juge administratif
Il s'agit là de l'application, au cas de la protection des mineurs en danger, d'une jurisprudence classique selon laquelle la saisine d'une autorité judiciaire par une autorité administrative n'est pas détachable de la procédure judiciaire engagée et se rapporte donc au fonctionnement du service public judiciaire, dont il n'appartient pas au juge administratif de connaître.
Au-delà de cette décision logique, qui protège les présidents de conseils départementaux - mais aussi les services publics participant à la protection de l'enfance - de tout recours en excès de pouvoir contre leurs signalements au procureur, la "Lettre du tribunal administratif de Paris" apporte également, dans son commentaire de l'arrêt, des précisions d'ensemble sur le statut juridique du signalement d'enfants en danger. Ainsi, si le signalement au procureur est exclu du champ de compétence de la justice administrative, le refus d'un président de conseil départemental de saisir le procureur de la République sur un signalement d'enfant relèverait lui, le cas échéant, d'un recours en excès de pouvoir. De même, le juge administratif est également compétent pour indemniser les préjudices subis à raison des fautes commises lors d'un signalement au procureur de la République.
Autre précision importante : les signalements administratifs à la cellule de recueil des informations préoccupantes (Crip) présente dans chaque département, effectués de façon préventive, peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Mais celui-ci n'exerce alors qu'"un contrôle restreint".
La décision du 9 février 2017 comportant, en toutes lettres, le nom de l'enfant (contrairement à celui du plaignant mis en cause, anonymisé), Localtis a choisi de ne pas la mettre en lien du présent article. La décision et son commentaire peuvent néanmoins être consultés dans le n°50 de la "Lettre du tribunal administratif de Paris" (juillet 2017), disponible en ligne sur le site du TA.
Références : Tribunal administratif de Paris, 6e section, 3e chambre, décision n°1518644/1518648 du 9 février 2017, M. F... X...