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Perturbateurs endocriniens : Santé publique France livre des résultats édifiants

L’Agence nationale de santé publique a publié le 3 septembre les résultats de mesures réalisées sur six "polluants du quotidien" présents dans l’organisme des Français. Cette étude inédite doit servir de référence à la deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (PE) présentée ce même jour par les ministres Élisabeth Borne et Agnès Buzyn.

Les ministres Élisabeth Borne (Transition écologique et solidaire) et Agnès Buzyn (Solidarités et Santé) ont présenté ce 3 septembre, lors d'une visite au siège de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), la deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE 2019-2022). Pilier du quatrième plan national santé-environnement (PNSE), elle a fait l'objet d'une consultation publique en février dernier et prévoit treize mesures dont l'accélération de la recherche et l'élargissement de la surveillance. Le focus spécifique fait sur les perturbateurs endocriniens dans le cadre des études de biosurveillance conduites par Santé publique France y est évoqué. Il prend place dans le cadre de la grande étude nationale et transversale Esteban qui pousse loin les synergies entre plusieurs volets de surveillance (surveillance des maladies chroniques, surveillance nutritionnelle) et dont la création était actée dans la loi Grenelle 1 de 2009 (article 37). L'enquête Esteban a aussi fait l'objet d'un décret ministériel. 

Les enfants sont les plus touchés

Les premiers résultats de cette enquête de santé publique publiés le 3 septembre sont édifiants. Ils concernent six polluants du quotidien qui ont progressivement contaminé l’environnement et se retrouvent dans la chaîne alimentaire : bisphénols (S, F et le A dont la population reste majoritairement imprégnée), phtalates (plastifiants assouplissant les matériaux PVC présents dans les emballages, jouets, revêtements, cosmétiques), éthers de glycol (solvants), parabènes, composés perfluorés et retardateurs de flamme bromés (RFB utilisés dans les objets de la vie courante mais réglementés depuis les années 2000). 

Les mesures ont été réalisées entre avril 2014 et mars 2016 sur un échantillon représentatif de la population générale, composé d’environ 1.100 enfants et 2.500 adultes habitant en France continentale. L'ensemble décrit les niveaux d’imprégnation et confirme que ces polluants "qui sont pour certains des perturbateurs endocriniens ou des cancérigènes avérés ou suspectés", sont bien présents dans nos organismes et que "des niveaux d’imprégnation plus élevés sont retrouvés chez les enfants" sauf pour les perfluorés et RFB (résultats non pondérés pour les enfants en raison du faible effectif). Par exemple, les plus jeunes enfants sont plus imprégnés par les bisphénols A, S et F. Si la recherche de déterminants ne met pas en évidence chez eux une association significative avec la consommation d’aliments pré­emballés, de conserves ou de plats préparés, c'est plus nettement observé chez les adultes même si "ces résultats restent à interpréter avec prudence" et que la difficulté à retrouver une tendance, malgré la transversalité de l'étude, est à plusieurs reprises soulignée. 

Des données nouvelles, des études à poursuivre

L’alimentation n’est pas la seule source d’exposition, l'air à l'intérieur du logement l'est aussi et pour les composés perfluorés et retardateurs de flamme bromés, l'influence de la fréquence de l’aération du logement a une influence sur les niveaux d’imprégnation. L’imprégnation augmente aussi avec le nombre d’heures passées par semaine dans la voiture, "jusqu’à plus de 26% pour 4 heures et plus par rapport à moins de 2 heures passées dans la voiture". L'importance de l'aération est moins nette pour les bisphénols même si des observations vont dans ce sens et pourraient concorder avec les résultats d’une étude américaine. L'apport de ces nouvelles données est en tout cas indéniable, tant elles faisaient jusque-là défaut. Ainsi, les niveaux d’imprégnation par le bisphénol A n'avaient pour l'heure été mesurés qu'au travers d'études locales, en Île-de-France, en Rhône-Alpes, à Nancy et Poitiers. Cette étude de Santé publique France devrait aussi permettre d’établir pour la première fois des valeurs de référence d’imprégnation dans la population générale. "La répétition de ces études est nécessaire pour suivre dans le temps les évolutions des expositions de la population et contribuer à estimer l’impact des politiques publiques visant à réduire les expositions", conclut l'agence dans son communiqué.