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Petite enfance / Laïcité - Petite enfance : l'Assemblée adopte une version très allégée du texte sur la laïcité

Au final, la proposition de loi telle qu'amendée et adoptée par les députés se contente d'étendre l'obligation de neutralité "aux structures privées en charge de la petite enfance". Il n'est plus question des assistantes maternelles, ni des centres de loisirs et autres accueils de mineurs avec ou sans hébergement.

Tout ça pour ça ? Après avoir donné lieu à de très vives polémiques et avoir été retirée en catastrophe de l'ordre du jour à quelques heures de son examen par l'Assemblée nationale (voir nos articles ci-contre des 12 et 25 mars 2015), la proposition de loi "visant à étendre l'obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité" (selon son intitulé originel) est finalement arrivée devant les députés, qui l'ont adoptée le 13 mai 2015. Auparavant, elle avait été votée sans difficulté par le Sénat, le 17 janvier 2012 (oui, 2012...) puis, le 4 mars dernier, par la commission des lois de l'Assemblée, qui avait toutefois exclu les assistantes maternelles du champ d'application du texte (voir notre article ci-contre du 6 mars 2015).

L'officialisation de la jurisprudence "Baby Loup"

Le texte adopté par les députés revient, pour l'essentiel, à donner un cadre législatif à la jurisprudence "Baby Loup". Lors de la discussion générale, Laurence Rossignol a d'ailleurs bien précisé qu'"il ne s'agit pas aujourd'hui de recommencer les grands débats qui ont abouti à l'affirmation de la laïcité comme valeur fondatrice de notre République, même si j'ai conscience que cette perspective puisse être tentante". La secrétaire d'Etat chargée de la famille a rappelé qu'"alors que notre pays a plus que jamais besoin d'unité, la laïcité doit être pour nous une valeur d'apaisement et de rassemblement". Elle a également affirmé souhaiter que "le débat (...) soit empreint de sobriété et de responsabilité, qu'il ne provoque pas la surenchère et qu'il respecte l'objet du texte". Message reçu, puisque le texte a été voté par 
l'ensemble des groupes, seul le Front de Gauche s'étant abstenu.

Des restrictions "proportionnées"

Cette approche qui se veut plus consensuelle se lit d'abord dans le nouvel intitulé de la proposition de loi. Celle-ci vise en effet désormais à étendre l'obligation de neutralité 
"aux structures privées en charge de la petite enfance" 
et non plus "à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs", ce qui incluait les assistantes maternelles, mais aussi des structures comme les centres de loisirs et de vacances.
Le texte adopté par l'Assemblée - après réécriture de l'article Ier par un amendement (n°22) du rapporteur - prévoit ainsi que "les établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans gérés par une personne morale de droit public ou par une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public sont soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse", ce qui n'est pas vraiment nouveau compte tenu de la jurisprudence constante du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation.
Les autres structures privées - de type Baby Loup - accueillant des enfants de moins de six ans "peuvent apporter, dans les conditions prévues aux articles L.1121-1 et L.1321-3 du Code du travail, des restrictions, de caractère proportionné, à la liberté de leurs salariés de manifester leurs convictions religieuses. Ces restrictions figurent dans le règlement intérieur ou, à défaut, dans une note de service". Dans tous les cas, les établissements d'accueil de la petite enfance "assurent le respect de la liberté de conscience des enfants", ce qui écarte le prosélytisme.
Afin de lever toute ambiguïté, le texte précise que les dispositions prévues par la proposition de loi "ne sont pas applicables aux établissements et services assurant l'accueil familial non permanent d'enfants de moins de six ans au domicile d'assistants maternels".

Pas d'extension au-delà des crèches

Par un autre amendement (n°15), le rapporteur a également obtenu la suppression de l'article 2. Dans la rédaction adoptée par le Sénat - et déjà modifiée par la commission des lois de l'Assemblée -, cet article prévoyait d'étendre l'obligation de neutralité à diverses personnes morales de droit privé accueillant des mineurs protégés (accueils avec hébergement, accueils sans hébergement, accueils de scoutisme d'au moins sept mineurs avec et sans hébergement...). La commission renvoyait à un décret en Conseil d'Etat la "détermination des conditions d'application de l'article pour chaque catégorie de mode d'accueil collectif à caractère éducatif".
Devant la forte diversité des situations, mais aussi devant la difficulté à concilier un régime général posé par la loi et des applications différenciées relevant du pouvoir réglementaire, l'Assemblée, suivant en cela son rapporteur, a préféré - pour reprendre l'expression de l'exposé des motifs - "renoncer à régir globalement par la loi les personnes morales concernées". Le texte ainsi modifié doit maintenant retourner au Sénat pour l'examen en deuxième lecture.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : proposition de loi visant à étendre l’obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité (adoptée en première lecture par le Sénat le 17 janvier 2012 et par l'Assemblée nationale le 13 mai 2015).

 

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