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Energie - Photovoltaïque : suspension transitoire de l'obligation d'achat

François Fillon a présidé le 2 décembre une réunion interministérielle destinée à poser les jalons de l'évolution de la politique photovoltaïque française. La puissance cumulée du parc photovoltaïque installé en France était de 81 MW fin 2008 et sera d'environ 850 MW d'ici la fin de l'année, soit une multiplication par 10 en deux ans.
Cet essor du photovoltaïque, "nettement plus rapide que prévu, a cependant un coût pour la collectivité et pour le consommateur final d'électricité, car il repose sur un tarif de rachat de l'électricité très favorable aux producteurs", a relevé François Fillon. Fin 2009, le secteur photovoltaïque a en effet connu une flambée des demandes de raccordement au réseau, provoquée par la rumeur d'une baisse des tarifs d'achat mis en place en juillet 2006 et faisant craindre une augmentation significative du coût de la compensation accordée à EDF via le mécanisme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE).
Afin d'éviter les effets d'aubaine et suite aux gains de productivité et à la baisse des coûts de fabrication, le gouvernement a procédé, par un arrêté du 12 janvier 2010, à une révision des tarifs d'achat (désormais abrogé et remplacé par l'arrêté du 31 août 2010). Aux yeux du gouvernement, le nombre de projets déposés à ce jour, qui représentent plus de 3.000 MW, justifie la définition d'un nouveau cadre juridique. Au terme de la concertation qui doit être engagée conjointement par la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, et la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, un nouveau cadre devra voir le jour d'ici mars 2011, afin de refléter l'équilibre entre, d'une part, le respect "des engagements forts et consensuels du Grenelle environnement en matière de diversification des sources d'énergie, notamment l'objectif de 500 MW de nouveaux projets par an" et, d'autre part, la maîtrise de l'évolution du prix de l'électricité. Cette prochaine étape laisse présager une nouvelle baisse des tarifs de rachat.
Dans l'immédiat, un projet de décret prévoit de suspendre de façon transitoire l'enregistrement de nouveaux projets. Pris en application de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, qui prévoit la suspension partielle du dispositif d'obligation d'achat lorsque la trajectoire de développement ne correspond plus aux objectifs fixés dans la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, le projet de décret suspend pour une durée de quatre mois l'obligation prévue pour EDF et les autres acheteurs de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite à partir d'installations photovoltaïques. A l'issue de cette période, les demandes en cours d'instruction à la date d'entrée en vigueur du décret devront faire l'objet d'un nouveau dépôt pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat. Toutefois, ce dispositif n'a pas vocation à s'appliquer aux installations photovoltaïques à usage domestique, c'est-à-dire celles d'une puissance crête inférieure à 3 kW. En outre, en sont exclus les projets pour lesquels le producteur a versé au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, un premier acompte en vue de son raccordement audit réseau. Afin de prétendre à l'une ou l'autre de ces dérogations, une condition est cependant posée : l'installation devra être mise en service "dans un délai de 18 mois à compter de la date de versement au gestionnaire de réseau d'un premier acompte en vue de son raccordement audit réseau ou, lorsque ce premier acompte a été versé plus de 15 mois avant la date d'entrée en vigueur du présent décret, à la mise en service de l'installation dans les trois mois suivant cette date".

Divergences sur le poids du solaire dans la facture d'électricité

Dans le but d'alléger le coût pour EDF du rachat de l'électricité solaire, une hausse des tarifs réglementés de l'électricité, pouvant dépasser les 3%, est également envisagée début 2011.
Le Comité de liaison des énergies renouvelables (Cler) et l'association Hespul ont dénoncé dans un communiqué commun du 29 octobre dernier, les "affabulations et les approximations sur le photovoltaïque". Faire comme si les projets correspondant à la "file d'attente" pour lesquels une demande de raccordement a été déposée auprès d'ERDF étaient tous déjà en fonctionnement "relève d'une manipulation", selon ces organisations. Seule une faible part de ces projets sera réalisée, "soit parce qu'il s'agit de demandes à visée purement spéculative, soit parce que les projets seront abandonnés", ont-elles pointé. La filière photovoltaïque pèse aujourd'hui, selon leurs calculs, seulement 0,75% de la facture, soit moins de 3 euros par an pour un ménage moyen. La CSPE liée à l'obligation d'achat représenterait, en réalité selon elles, un bénéfice pour EDF de 670 millions d'euros en 2009. L'association Enerplan, qui représente les professionnels de l'énergie solaire, estime également que les communications qui laissent entendre que le déficit de la CSPE (1,6 milliard d'euros à fin 2010) serait à mettre à la charge du coût d'achat de l'électricité solaire, "relèvent de l'injustice".
Parallèlement à l'annonce de ce "moratoire", le Premier ministre a demandé aux ministres de l'Ecologie et de l'Energie de réunir les industriels du secteur pour élaborer un plan permettant le développement de la filière française. En réduisant le recours aux importations chinoises, il s'agit de traduire le développement de la filière "par un bénéfice non seulement en termes d'environnement mais aussi en termes d'emploi", a insisté François Fillon. Analyse, cette fois-ci partagée  par le Cler et Hespul qui valorisent les 10.000 emplois créés ces dernières années dans la filière proprement dite et relèvent l'importance d'un "marché national dynamique et prévisible".
Le Commissariat général à l'investissement est chargé de lancer, avant la fin de l'année, avec l'Ademe, deux appels à manifestation d'intérêt en matière de photovoltaïque et de solaire à concentration. Un rapport de l'Inspection générale des finances et du conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies sera par ailleurs remis en janvier concernant le traitement des zones non-interconnectées au réseau continental comme la Corse et l'outre-mer.