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Plan Climat : un premier bilan en demi-teinte

Énergies renouvelables, rénovation énergétique des bâtiments, mobilité propre, biodiversité, économie circulaire, fiscalité écologique... : en un an, de nombreux chantiers ont été engagés dans le cadre du plan Climat du quinquennat mais tous n'avancent pas au même rythme et la nécessité de "changer d'échelle" a été mise en avant par le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot.

Nicolas Hulot l'a reconnu le 6 juillet dernier, en présentant le premier bilan du plan Climat du quinquennat lancé il y a un an : "changer d'échelle est plus que jamais d'actualité" pour lutter contre le réchauffement climatique. Car on est encore loin des objectifs de l'Accord de Paris. L'an dernier, les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse. "C'est le signe que notre logiciel économique n'a pas tout à fait changé", a observé le ministre de la Transition écologique et solidaire. "C'est pour ça qu'on a passé une année à faire des plans très concrets", dans les domaines du logement et des transports, des énergies renouvelables, de l'économie circulaire ou encore de la lutte contre la déforestation importée, a-t-il poursuivi.

Vers une économie décarbonée

Après l'adoption fin 2017 de la loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels d'ici à 2040, l'engagement vers la neutralité carbone à l'horizon 2050 a commencé à trouver des traductions concrètes à travers la loi de finances 2018. Outre l'augmentation du prix du carbone - elle prévoit que la trajectoire de la valeur de la tonne de carbone accélère, passant de 44,6 euros en 2018 à 86,20 euros en 2022 -, elle a aussi acté l'augmentation de la fiscalité applicable au gazole. Le tarif de TICPE du gazole a ainsi été revu à la hausse de 2,6 centimes d’euros par litre par an pendant quatre ans afin d’annuler progressivement d'ici 2021 l’avantage fiscal accordé au diesel.
Parmi les dispositions mesurables un an après le lancement du plan Climat, Nicolas Hulot s'est félicité le 6 juillet du "véritable succès" de la prime à la conversion pour acheter une voiture moins polluante. Entre janvier et juin 2018, 75.000 personnes ont bénéficié de cette prime dont le montant est de 1.000 euros pour les ménages imposables et de 2.000 euros pour les ménages non imposables. Le ministère a aussi initié une prime pour changer les chaudières au fioul et a notamment décidé de relever le montant du chèque énergie à 200 euros en 2019.

Relance des énergies renouvelables

Le gouvernement a par ailleurs poursuivi la déclinaison du "plan de libération des énergies renouvelables" présenté en octobre dernier. Alors que l'objectif de 23% d'énergies renouvelables dans le mix énergétique national en 2020 apparaît difficile à atteindre - cette part est aujourd'hui de 15,7% -, il reste d'autant plus d'actualité que l'Europe entend passer à 32% d'énergies renouvelables pour 2030 pour accélérer la lutte contre le changement climatique. En attendant la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie, fin 2018 - en même temps que la nouvelle stratégie nationale bas carbone -, des mesures ont été identifiées pour relancer l'éolien terrestre, la méthanisation et le solaire.
Après une période de flottement, le développement des six parcs éoliens off shore a été confirmé, avec un engagement des industriels à réduire de 30% les tarifs de mise en service, permettant, selon le gouvernement, de faire baisser le coût du soutien public de 40%, soit environ 15 milliards d'euros sur les vingt ans des contrats d’achat. Plus surprenant, c'est à travers un amendement au projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance que la question a été tranchée. Toujours au chapitre des "énergies vertes", un plan Hydrogène a été présenté le 1er juin. Dans cette période de transition énergétique synonyme de mutations économiques d'ampleur pour les territoires concernés notamment par la fermeture de centrales à charbon, les nouveaux contrats de transition écologique doivent permettre d'expérimenter une nouvelle démarche d'accompagnement de l'État et de ses opérateurs dans une logique de guichet unique.

Bâtiment : faire plus et mieux

S'il y a eu des avancées et des accélérations, "il y a des domaines où on n'a pas assez fait", a reconnu Nicolas Hulot lors du bilan d'étape du plan Climat. C'est sur le secteur du bâtiment et des transports que devront désormais porter les efforts du gouvernement car "le compte n'y est pas", a-t-il estimé. Alors que 7 millions de logements sont mal isolés en France et que 3,8 millions de ménages ont des difficultés à payer leur facture de chauffage, le plan national de rénovation énergétique des bâtiments présenté en avril dernier entend mobiliser tous les acteurs pour faire "plus, mieux et moins cher". Et entraîner les territoires dans cette nouvelle dynamique car "rien de tout ce qui pourra arriver ne se fera sans les collectivités locales", a prévenu le ministre de la Transition écologique. Ces dernières vont en outre bénéficier d'un programme d'actions spécifique pour accélérer la rénovation énergétique de leur propre patrimoine immobilier, à commencer par les bâtiments d'enseignement et les établissements de santé.

Aller vers une mobilité plus propre

Dans le secteur des transports, qui représentent 30% des émissions nationales de gaz à effet de serre, on attend beaucoup du projet de loi d'orientation sur les mobilités (LOM) dont la présentation en conseil des ministres, maintes fois reportée, doit avoir lieu à la rentrée. En attendant, son volet mobilité propre dévoilé le 20 juillet dernier mise notamment sur le déploiement des zones à faibles émissions (ZFE) pour trouver des solutions de réduction de la pollution de l'air dans la quinzaine de territoires visés par le contentieux européen sur les particules fines (PM10) et le dioxyde d'azote (NO2) et pour lesquels de feuilles de route qualité de l'air ont été élaborées et rendues publiques au printemps.

Plan Biodiversité : un chantier en devenir

Autre grand chantier en devenir : la mise en oeuvre du plan Biodiversité présenté par Nicolas Hulot, à l'issue du premier comité interministériel consacré le 4 juillet à cet enjeu. Parmi les 90 actions de ce plan, la moitié impliquent de près ou de loin les collectivités. L'État souhaite mieux les accompagner en rendant plus contraignants les outils qui existent et en mobilisant certains financements. Mais les associations environnementales les jugent d'ores et déjà insuffisants.

Économie circulaire : premiers accrocs sur la fiscalité

La feuille de route pour l'économie circulaire (Frec) présentée le 23 avril dernier repose elle aussi pour une bonne part sur l'action des collectivités. Mais alors que le gouvernement a repoussé à septembre 2019 la loi sur les mesures de la Frec, le projet de loi de finances 2019 doit déjà contenir plusieurs dispositions fiscales - définition d’une trajectoire pluriannuelle d’augmentation de la TGAP sur l'élimination des déchets payée par les collectivités, réduction du taux de TVA à 5,5% pour la prévention, la collecte séparée, le tri, la valorisation matière des déchets, réduction pour les collectivités des coûts de fonctionnement de la Teom, de 8 à 3% - qui passent mal auprès des collectivités.
Dans un communiqué diffusé ce 27 juillet, Amorce a annoncé que les associations de collectivités* qui comme elle avaient initialement soutenu la feuille de route et même accepté le principe d'une augmentation sous condition du taux nominal de TGAP sur l'élimination des déchets s'opposent désormais "catégoriquement" au projet de réforme du gouvernement. Elles ont d'ailleurs écrit au Premier ministre pour lui demander une rencontre "en urgence" pour lui expliquer "les conséquences désastreuses d'une telle réforme de la fiscalité sur les déchets et la gestion de plus en plus incohérente et donc suspecte de la feuille de route pour l'économie circulaire, dont l'addition sera in fine payée par les contribuables locaux".
Cette vive réaction des associations d'élus fait écho à une revendication plus générale sur leur souhait de voir les collectivités bénéficier d'une  territorialisation de la contribution climat énergie qui ne manquera pas de resurgir lors des débats sur la prochaine loi de finances.

*ADCF, CNR, France urbaine, Régions de France et Villes de France.