Plan psychiatrie et santé mentale : le gouvernement veut renforcer la formation au repérage et la coordination des acteurs

Faute de psychiatres et autres professionnels de santé en nombre suffisant, le gouvernement invite à un "changement de culture", appelant à former le plus grand nombre d’intervenants au repérage de troubles, notamment en milieu scolaire. Pour désengorger les urgences, les solutions amont – les centres médicopsychologiques en particulier – et aval seront renforcées – mais avec des moyens qui ne sont pas précisés. L’accent est mis, à court terme, sur la coordination entre acteurs – y compris les collectivités – et, à long terme, sur la formation de nouveaux psychiatres. L’objectif est d’atteindre 100 internes en psychiatrie de plus par an, indique le ministre qui déclare plus largement qu’il va prochainement supprimer le numerus apertus pour former davantage de médecins. 

À l’issue d’un comité stratégique présidé par le délégué ministériel à la santé mentale, Frank Bellivier, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a dévoilé le 11 juin 2025 le plan psychiatrie et santé mentale du gouvernement. C’est "un plan de sursaut et de refondation", visant à "reconstruire [la psychiatrie] non pas autour de la seule urgence ou de l’hôpital, mais depuis la base : l’école, les médecins généralistes, les CMP, les soignants du quotidien", affirme le ministre de la Santé. 

Un plan sans beaucoup de moyens, comme l’ont déploré plusieurs syndicats. "On ne peut pas rattraper dix ans d'atermoiements et d'attente en deux coups de cuillère à pot. On prend ces mesurettes, mais ça ne va pas résoudre quoi que ce soit", a ainsi déclaré à l'AFP Jean-Pierre Salvarelli, membre du Syndicat des psychiatres hospitaliers. 

Créer une culture de la "vigilance collective" en milieu scolaire 

Présenté en cette année de "grande cause nationale" dédiée à la santé mentale, mais également au lendemain du meurtre d’une surveillante par un collégien de 14 ans à Nogent, ce plan comporte un premier axe dédié au repérage et à l’intervention précoce. Le gouvernement promet un "investissement massif" dans de la formation et des outils pour rendre possible "un changement de culture" et une "vigilance collective", à défaut de pouvoir disposer de médecins et infirmiers scolaires en nombre suffisant. Ces postes sont en effet "budgétés mais non pourvus parce que nous manquons de soignants", a rappelé Yannick Neuder ce 12 juin, au micro de France Inter.

Concrètement, il s’agit de former d’ici 2026 deux "personnels-repères" par établissement scolaire et par circonscription du premier degré, de former également au repérage l’ensemble des personnels sociaux et de santé (infirmiers, médecins, psychologues et assistants de services sociaux), de mobiliser les étudiants en santé en service sanitaire pour des interventions en milieu scolaire, ou encore de doubler le nombre de personnes formées au secourisme en santé mentale pour atteindre 300.000 personnes d’ici 2027. 

Des crédits supplémentaires pour les CMP proposant des créneaux non programmés

Le deuxième axe du plan vise à "reconstruire une offre de soins lisible et graduée", en s’appuyant davantage sur la médecine de ville, les équipes mobiles, les centres médico-psychologiques (CMP), les psychologues et les acteurs du premier recours, pour "désengorger les urgences". Des crédits nouveaux – dont le montant n’est pas précisé – seront attribués aux CMP, via les agences régionales de santé (ARS), "en priorité aux établissements qui proposent des créneaux non programmés et des dispositifs de suivi ambulatoire post-urgences" et "notamment pour les enfants, adolescents et jeunes adultes". Actuellement, les délais "anormalement longs" de prise de rendez-vous en CMP "empêchent la gradation des soins en favorisant un report de l’activité vers les urgences", observaient les députées Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau dans leur rapport de décembre 2024 sur la psychiatrie (voir notre article). 

Le gouvernement fixe également l’objectif de passer, d’ici 2027, de 6.000 à 12.000 psychologues conventionnés dans le cadre de Mon soutien psy. Le déploiement dans 30 territoires, en 2025, des filières psychiatriques du service d’accès aux soins (SAS) est également annoncé. Ce SAS psychiatrie devra permettre "une orientation rapide vers une offre de soins adaptée pour les personnes en situation de détresse psychique". Cela suppose un maillage territorial des prises en charge amont, en particulier des équipes mobiles de crise (EMC) et des centres d’accueil et de crise (CAC), que le gouvernement entend cartographier à l’échelle nationale pour "identifier les besoins non couverts" et inciter les ARS à "financer les dispositifs manquants". 

Autre mesure : la désignation d’un infirmier référent en santé mentale dans chaque maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) et service d’urgence générale sans équipe psychiatrique. Des solutions d’aval (post-hospitalisation ou post-crise) devront en outre être développées dans chaque projet territorial de santé mentale (PTSM), en s’appuyant notamment sur "des partenariats formalisés entre établissements, structures médicosociales, collectivités et bailleurs sociaux". 

Yannick Neuder annonce la suppression prochaine du numerus apertus

Un troisième axe est dédié à la formation et l’attractivité de la filière, le ministre de la Santé fixant l’objectif d’atteindre d’ici 2027 600 internes en psychiatrie par an, contre 500 actuellement. La formation initiale en psychiatrie des étudiants en médecine sera également renforcée. 

Pour former globalement plus de médecins, "je vais supprimer le numerus apertus le 17 juin", a indiqué sur France Inter le ministre, dans le cadre de la proposition de loi (PPL) visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation qui sera alors examinée au Sénat. Yannick Neuder avait lui-même, en tant que député à l’automne 2023, porté ce texte – qui avait été adopté par l’Assemblée en décembre 2023 et n’a ensuite débuté son examen au Sénat qu’en mai 2025. Une mission conduite par l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et des représentants de professionnels va en outre se pencher sur les conditions de travail en psychiatrie – des annonces du gouvernement suivront en 2026. 

Des mesures portent enfin sur la coordination, à travers notamment le renforcement des PTSM et leur "réorientation" pour "[couvrir] les angles morts de la première génération (prévention, inclusion, enfants et adolescents, addictions)" (instruction annoncée pour la fin de l’année). Le gouvernement promet en outre d’"outiller les collectivités pour la gestion des situations complexes en santé mentale" (errance, troubles du comportement dans l’espace public, addictions, isolement…), à travers l’élaboration d’un guide et le renforcement des collaborations entre conseils locaux en santé mentale (CLSM) et conseil locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). 

Enfin, sur la formation des professionnels de santé comme sur les médicaments, le ministre de la Santé affiche sa détermination à renforcer la souveraineté de la France. Une task force dédiée à la lutte contre les pénuries de psychotropes sera notamment créée au sein de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). 

 

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