PLF : une première copie sur la crête... et toujours sevère pour les finances locales

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 a été présenté ce 14 octobre en conseil des ministres. Du moins une première version, le texte étant en principe voué à fortement évoluer. Premier repérage des équilibres proposés, des mesures - notamment fiscales - les plus notables... et des dispositions concernant plus spécifiquement les finances locales. En sachant que sur ce volet collectivités, le texte reprend en fait l'ensemble des mesures d'économies annoncées en juillet par l'ex-Premier ministre François Bayrou.

Le projet de budget présenté ce mardi 14 octobre en conseil des ministres prévoit un effort d'une trentaine de milliards d'euros pour freiner la dérive des finances publiques. Le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ont été transmis dans la foulée au Parlement, in extremis pour permettre leur adoption d'ici le 31 décembre (sur le PLFSS, voir notre article de ce jour). La commission des finances de l'Assemblée a illico commencé ses auditions. Le même jour, le Premier ministre prononçait sa déclaration de politique générale (voir notre article).

Faute de temps, les textes budgétaires sont identiques à ceux que Sébastien Lecornu avait envoyés pour avis au Haut Conseil des finances publiques (HCFP) le 2 octobre, avant sa démission puis sa reconduction. Et ces textes sont eux-mêmes inspirés de la copie de son prédécesseur, François Bayrou. Sébastien Lecornu, on le sait, a dit vouloir laisser toute latitude au Parlement pour modifier les textes, renonçant à l'article 49.3 de la Constitution. Les mesures qu'ils contiennent pourraient donc fortement évoluer au cours des débats parlementaires.

À ce stade, le gouvernement prévoit un effort d'une trentaine de milliards d'euros, dont 17 milliards d'euros sur les dépenses, notamment celles de l'État qui baisseront à l'exception de la défense (+6,7 milliards), et près de 14 milliards en recettes nouvelles, d'après un chiffrage du HCFP.

Une "année blanche" prévoit le gel des pensions de retraite et des prestations sociales, par exemple les allocations familiales. Une "stabilisation du barème de l'impôt sur le revenu et de la CSG" est également prévue (2,2 milliards).

Au total, 23 niches fiscales (sur 474) jugées "obsolètes" ou "inefficaces" sont supprimées pour environ 5 milliards d'euros. Certains de ces dispositifs touchent bon nombre de foyers, comme l'exemption d'impôt sur les indemnités journalières pour affection longue durée ou la réduction d'impôt pour frais de scolarité dans le secondaire et le supérieur.

Plus de 3.100 postes de fonctionnaires sont supprimés.

Côté recettes, la contribution différentielle est prolongée d'un an. Elle fixe un taux minimal d'imposition de 20% pour les ménages dont les revenus dépassent 250.000 euros pour un célibataire et 500.000 euros pour un couple. Une taxe est instaurée sur le patrimoine financier des holdings patrimoniales, parfois utilisées pour contourner l'impôt. Ces deux mesures doivent rapporter 2,5 milliards d'euros. Les tranches du barème de l'impôt sur le revenu ne seront pas revalorisées en tenant compte de l'inflation, conduisant des ménages à devenir imposables et d'autres à payer davantage d'impôt sur le revenu. L'abattement de 10% dont bénéficient les retraités sur leur pension serait remplacé par un abattement forfaitaire de 2.000 euros. Cette mesure aura pour impact de légèrement réduire l'impôt sur le revenu de certains retraités, mais devrait surtout augmenter ceux des retraités les plus aisés.

Le gouvernement souhaiterait doubler le plafond des dons aux associations qui ouvrent droit au taux de 75% de la réduction d'impôt. Le plafond passerait de 1.000 euros de dons annuels à 2.000 euros.

Le projet de budget pour 2026 confirme que les aides à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' resteront "recentrées sur les logements prioritaires" en 2026, comme c'est déjà le cas depuis fin septembre 2025, selon un document consulté par l'AFP.

Le dispositif MaPrimeRénov' "fait l'objet d'un recentrage sur les logements prioritaires en ce qui concerne les rénovations d'ampleur, tandis que les aides versées au titre des rénovations dites par 'gestes' cibleront en priorité la décarbonation", est-il indiqué dans le PLF. Il n'y a pas plus de précision à ce stade sur cette priorité donnée à la décarbonation par le PLF 2026 et le texte ne précise pas le budget alloué spécifiquement à MaPrimeRénov'.

Les quelque 400 plus grandes entreprises sont également mises à contribution, avec une reconduction de moitié, à hauteur de 4 milliards d'euros, de la surtaxe sur les bénéfices. Et le budget propose "un recentrage des aides de l'État aux entreprises", pour une économie totale de plus d'1,5 milliard d'euros en 2026. Les entreprises obtiennent en revanche la baisse progressive d'un impôt de production (CVAE) jusqu'à sa suppression en 2028, soit deux ans avant l'échéance précédemment prévue. 

Le HCFP a jugé les hypothèses économiques des projets de budget "optimistes", avec notamment une cible "très ambitieuse" en matière de dépenses.

Sébastien Lecornu a déjà lâché du lest sur son objectif de réduction du déficit public, se donnant de la marge pour d'éventuels compromis. Il ambitionne désormais un déficit public sous 5% du produit intérieur brut (PIB) en 2026, plutôt que les 4,7% qui devraient être mentionnés dans le projet de budget, après 5,4% attendus en 2025, alors que la croissance est revue à la baisse à 1%.

Un volet "collectivités" fortement inspiré par le gouvernement Bayrou

Le PLF présenté ce 14 octobre par le gouvernement de Sébastien Lecornu exige des collectivités territoriales des efforts importants pour réduire le déficit public. et pour cause : le texte comprend l'ensemble des mesures d'économies qui avaient été annoncées mi-juillet par l'ex-Premier ministre François Bayrou. Leur coût total, évalué à 5,3 milliards d'euros était jugé excessif par les élus locaux. Doublement du montant du "Dilico", limitation de l'évolution de la TVA, réduction des variables d'ajustement… Passage en revue de ces mesures et plus largement les dispositions concernant les finances locales présentes dans ce PLF. Des dispositions qui devraient faire l'objet de nombreuses évolutions au cours de l'examen parlementaire. 

Dotations et variables d'ajustement. Après trois années de hausse (+320 millions en 2023, +320 millions en 2024 et +150 millions en 2025), la dotation globale de fonctionnement (DGF) doit être stable en 2026, à périmètre constant. Toutefois, à périmètre courant, elle afficherait une augmentation de 5,18 milliards d'euros. Cette somme correspond pour l'essentiel à la réinstauration d'une part régionale de DGF qui avait disparu en 2018, puisqu'à la place les régions avaient été dotées, à la plus grande joie de leurs élus, d'une fraction dynamique de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette part de ressources fiscales serait confisquée aux régions à partir de l'an prochain, ce qui mécontente fortement Régions de France. Le PLF précise que le montant de la dotation affectée aux régions "serait égal au montant de la fraction de TVA qui leur a été attribué en 2025".

La dotation de solidarité urbaine (DSU) enregistrerait une hausse de 140 millions d'euros, un peu moins élevée que la croissance de la dotation de solidarité rurale (DSR, + 150 millions d'euros). Le PLF pour 2026 reconduit ainsi les montants des dotations de péréquation qui étaient inscrits il y a un an dans le PLF pour 2025. À noter que la hausse de la DSR en 2026 serait "répartie au minimum à 60%" sur sa deuxième fraction dite "péréquation", dont la quasi-totalité des communes de moins de 10.000 habitants bénéficient.

Les compensations d'exonérations de fiscalité locale servant de variables d'ajustement seraient réduites de 527 millions d'euros en 2026. Ce montant élevé "reprend le niveau voté par le Parlement en loi de finances initiale pour 2025". Dans la loi de finances pour 2025 votée en février, le coup de rabot sur les variables d'ajustement s'élevait finalement à 487 millions d'euros.

À noter aussi : la compensation par l'État aux collectivités et intercommunalités de l’abattement de moitié des valeurs locatives des établissements industriels institué en 2021 – dans le cadre de la réforme des impôts dits de production – serait réduite de 789 millions d'euros (-25%). Elle serait ramenée ainsi à 3,5 milliards d'euros, soit "son niveau de 2021". 

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. Le calendrier de versement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) serait modifié. Les versements seraient effectués l'année suivant la dépense pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, alors qu'actuellement ceux-ci bénéficient des versements l'année même de la dépense. En outre, les dépenses de fonctionnement aujourd'hui éligibles seraient exclues du fonds, celui-ci prenant donc en compte uniquement les dépenses d’investissement (d'où des économies pour l'État). En revanche, les dispositions sécurisent l'éligibilité au FCTVA des contributions versées par les collectivités dans le cadre des concessions d’aménagement.

En 2026, le FCTVA s'élèverait à 7,866 milliards d'euros, un montant en hausse de 213 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2025.

Dotations pour l'investissement local. Comme l'avait annoncé l'ex-ministre de l'Aménagement du territoire, François Rebsamen, le PLF prévoit, dans un but de simplification, la fusion de plusieurs dotations destinées à l'investissement des collectivités, à savoir : la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation politique de la ville (DPV) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). On devrait parler désormais du "fonds d’investissement pour les territoires" (FIT), qui regrouperait ces trois dotations. Le bénéfice du FIT serait "réservé aux collectivités rurales ainsi qu’à celles marquées par des difficultés urbaines", tout en permettant le financement d’autres collectivités "par exception". L'attribution des fonds serait confiée au préfet de département, lequel s'appuierait sur une commission d'élus, qui, aujourd'hui, est compétente pour la seule DETR.

Mise en réserve ("Dilico"). Des dispositions visent à corriger "certaines malfaçons" du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités locales (Dilico), ce mécanisme de "mise en réserve forcée" créé par la loi de finances pour 2025. 

Ce Dilico ajusté serait reconduit pour l'année 2026 à hauteur de 2 milliards d'euros (contre 1 milliard en 2025). Les ponctions s'élèveraient à 720 millions d'euros pour les communes, 500 millions pour les intercommunalités à fiscalité propre, 280 millions pour les départements et 500 millions pour les régions. Le dispositif concernerait un plus grand nombre de communes et d'intercommunalités qu'en 2025, de manière à ce que les contributions soient moins concentrées sur un petit nombre d'entités.

Des changements importants sont prévus en ce qui concerne le reversement des sommes épargnées. D'abord, la restitution serait étalée sur cinq ans (au lieu de trois années dans le PLF pour 2025). En outre, une fraction de 20% (et non 10%) abonderait les dispositifs de solidarité financière entre collectivités. Le reversement des 80% restants "dépendront, pour chaque catégorie de contributeur, de l’évolution agrégée de leurs dépenses réelles de fonctionnement et d’investissement sur le dernier exercice". Enfin, le PLF instaure un mécanisme d'incitation à la maîtrise des dépenses publiques locales. Selon que l'évolution des dépenses publiques locales sera inférieure ou supérieure à la croissance du produit intérieur brut (PIB), les collectivités se verront restituer des reversements variables. Des mécanismes similaires d'incitation applicables à chacune des collectivités seraient également mis en place.

TVA affectée aux collectivités. La "dynamique" de la TVA affectée aux collectivités locales serait réduite "à compter de l'exercice 2026". Le taux d'évolution de la taxe serait calculé, "pour chaque exercice, en minorant la dynamique annuelle de la TVA, lorsqu'elle est positive, par le taux d'inflation". Mais la TVA octroyée aux collectivités ne pourrait pas baisser "du seul fait de cette minoration".

Aide aux départements fragiles. Le fonds de sauvegarde des départements serait abondé en 2026 par l'État à hauteur de 300 millions d'euros, soit "un montant trois fois supérieur à celui de l'année 2024". Le dispositif serait davantage ciblé sur les départements les plus fragiles.

Taxe foncière sur les propriétés non bâties. Le PLF relève la compensation par l'État de l'abattement applicable aux terres agricoles en matière de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB). La loi de finances pour 2025 avait fait passer cet abattement de 20 à 30%, sans prévoir concomitamment une hausse de la compensation en direction des communes, lésant en particulier nombre de petites communes fragiles. La compensation serait augmentée de 50%, ce qui représenterait une dépense supplémentaire de 50 millions d'euros pour le budget de l'État.

Révision des valeurs locatives. Comme Localtis l'indiquait dans son édition du 10 octobre (voir notre article), le PLF reporte d'un an (de 2026 à 2027) la prise en compte de la révision dite "sexennale" des valeurs locatives des locaux professionnels qui servent au calcul des impôts fonciers auxquels sont assujetties les entreprises. Les dispositions du PLF prévoient aussi un nouveau dispositif de lissage, sur six ans, des variations de cotisations – à la hausse comme à la baisse –, qui prend le relais de celui qui prend fin le 31 décembre prochain. 

Le calendrier de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation est lui aussi reporté, le but étant de "tirer tous les enseignements" de l'actualisation des paramètres des valeurs locatives des locaux professionnels. Ainsi, les commissions départementales des valeurs locatives arrêteront en 2030, et non 2027, les paramètres des valeurs locatives des locaux d'habitation.

Fiscalité des déchets. Le gouvernement prévoit de taxer davantage les déchets pour pousser au réemploi et au recyclage. Parmi les mesures évoquées dans le "verdissement de la fiscalité des déchets", figure notamment l'instauration d'une "taxe sur les emballages plastiques", sans chiffrage. Alors que la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur l'enfouissement est passée, selon les professionnels de la gestion des déchets, de 5 euros à 65 euros la tonne de déchets déposés en décharge, le texte prévoit une "nouvelle trajectoire de hausse" de cette taxe, "avec une augmentation des tarifs d'environ 10% par an sur la période 2026-2030". Il prévoit également "une nouvelle trajectoire de hausse" de la TGAP sur l'incinération. Globalement, le gouvernement souhaite faire évoluer la fiscalité pour "inciter au respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie par le droit européen". Celui-ci donne la priorité au réemploi, au recyclage ou à "toute autre valorisation matière", la "valorisation énergétique" et en dernier lieu "l'élimination (par incinération sans valorisation énergétique ou par enfouissement)". Le gouvernement souhaite donc "faire contribuer" les éco-organismes, responsables, aux côtés des collectivités, de la collecte et du recyclage de ces emballages. "A cette fin", il prévoit "un impôt de répartition à la charge des éco-organismes (...) calculé sur la même base que la contribution à l'Union européenne (quantité nationale de plastiques non recyclés) et ventilé entre éco-organismes à hauteur de leur part de marché". Le tarif supporté par les éco-organismes "est toutefois fixé à un niveau plus faible que celui prévu pour le calcul de la ressource propre plastique (30 euros/tonne la première année au lieu de 800 euros/tonne)" et augmentera de manière "progressive afin de sensibiliser de manière croissante les opérateurs économiques".

Les ministres chargés de l'Aménagement du territoire et des Comptes publics, respectivement Françoise Gatel et Amélie de Montchalin, présenteront ces mesures au Comité des finances locales (CFL) lors d'une séance qui aura lieu ce 15 octobre au matin. 

 

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