Politique de cohésion : la Cour des comptes européenne pas emballée par la révision à mi-parcours
La Cour des comptes européenne fait part de ses réserves sur la révision à mi-parcours de la politique de cohésion proposée par la Commission. Elle redoute qu'elle ne vienne compliquer davantage encore la mise en œuvre de cette politique "déjà confrontée à des défis", et, plus encore, qu'elle ne vienne mettre à mal l'essence même de cette dernière. Des craintes également partagées par le Comité européen des régions, dans une résolution adoptée ce 15 mai.

© Transparency International EU Office CC BY-NC-ND 2.0/ Cour des comptes européenne
Dans une opinion rendue publique le 6 mai dernier, la Cour des comptes européenne n'a pas caché ses réserves sur la révision à mi-parcours de la politique de cohésion récemment proposée par la Commission européenne (lire notre article du 2 avril 2025) et qui peine décidément à convaincre, que ce soit chez Régions de France (lire notre article du 30 avril), l'Afccre (lire notre article du 24 mars) ou le Comité européen des régions (voir notre encadré ci-dessous).
Risque de mettre à mal la politique de cohésion
Si elle ne se prononce pas sur le choix des priorités – "une décision politique qui relève des colégislateurs de l'UE" –, elle met d'abord en garde contre le risque que cette révision ne vienne mettre à mal l'objet même de cette politique, en divertissant ses fonds "pour soutenir l'évolution des objectifs stratégiques de l'UE". "La Commission devrait prendre des mesures adéquates pour atténuer le risque que la mise en œuvre de ces nouvelles priorités affaiblisse l’approche territoriale et affecte négativement l’efficacité de la politique, entraînant ainsi une augmentation des disparités régionales", recommande ainsi la Cour. Elle invite donc la Commission et les co-législateurs à "procéder à une évaluation ex-post de l'impact des nouvelles mesures" et à "veiller, à l'avenir, à ce que les modifications majeures du cadre de la politique de cohésion soient précédées d'une analyse d'impact idoine".
Des lourdeurs supplémentaires
La Cour redoute en outre que cette nouvelle modification, loin des simplifications promises, ne vienne charger la barque des autorités de gestion, déjà bien lestée. Estimant que "la mise en œuvre efficace du financement de la politique de cohésion est déjà confrontée à des défis", elle invite ainsi les colégislateurs à prendre en compte "un certain nombre de risques potentiels découlant des changements proposés", et notamment "une pression supplémentaire sur les capacités administratives et une plus grande complexité dans la programmation et la mise en œuvre". "L’application différenciée des périodes d’éligibilité et des conditions de financement, en fonction de l’ampleur de la réaffectation, pourrait créer des incohérences dans le traitement des programmes et compliquer la gestion globale de la politique", prévient-elle. Elle recommande en conséquence "d'arrêter une date de clôture unique pour tous les programmes à la fin de la période d'admissibilité, quelle que soit l'ampleur de la réaffectation". Plus largement, elle invite le trio bruxello-strasbourgeois, d'une part "à mieux prendre en compte la nécessité de simplifier les procédures, de limiter la charge administrative et d'éviter d'ajouter à la complexité de la programmation et de la mise en œuvre", et d'autre part à "fournir des orientations appropriées aux autorités de gestion pour faciliter la mise en œuvre de ces modifications".
Mieux cerner les dépenses éligibles et limiter le recours au taux de financement de l'UE à 100%
La Cour appelle également Commission et co-législateurs à clarifier et mieux délimiter les dépenses éligibles. Elle vise en particulier les investissements liés à la défense, qui devraient par ailleurs "être mieux alignés sur les stratégies et instruments financiers existants", et les investissements en faveur du logement abordable, notamment "les types de logements soutenus et les catégories de bénéficiaires ciblés".
Enfin, elle leur recommande de limiter le recours au taux de financement de l'UE à 100%, et d'envisager de le remplacer par un complément aux taux de cofinancement existants, en maintenant la différenciation entre les catégories de régions.
Le Comité européen des régions également sur la défensiveSans surprise, vu ses précédentes positions (voir notre article du 21 février), le Comité européen des régions a adopté, ce 15 mai, en session plénière, une résolution guère favorable à la proposition de la Commission sur la révision à mi-parcours de la politique de cohésion. S'il "convient qu'un soutien est nécessaire pour les priorités actuelles et émergentes de l'UE", il déplore que "les propositions de la Commission européenne n'apportent pas de financements nouveaux ou supplémentaires pour les priorités identifiées, mais favorisent la réaffectation des montants déjà prévus pour les régions". Comme la Cour des comptes européenne, il relève en particulier "que la proposition est susceptible de réduire l'investissement global dans l'UE en raison de la possibilité d'appliquer un taux de cofinancement de l'UE de 100% au lieu de taux compris entre 40% et 85%" – alors que "les modifications précédentes de la législation ont déjà contribué à une réduction de plus de 4 milliards d'euros de l'investissement total initialement prévu au titre de la politique de cohésion pour la période 2021-2027" – et que cette "augmentation du cofinancement à 100% pour toutes les régions aidera le plus les régions les plus développées". Il rejoint également la Cour sur "la complexité accrue" que peuvent induire les règles proposées "uniquement pour les axes prioritaires et les programmes spécifiques qui acceptent de transférer au moins 15% de leurs allocations aux priorités identifiées", au risque de "ralentir la mise en œuvre" de la politique, mais aussi de "détourner des fonds destinés aux objectifs de développement durable à long terme". À son tour, il "regrette qu’aucune étude d’impact, ni aucune évaluation des impacts territoriaux potentiels, n’ait été réalisée". |