Pollution de l'air : le Conseil d'État maintient la pression sur le gouvernement

Le Conseil d'État a une nouvelle fois condamné l'État ce 24 novembre pour des dépassements de seuils de dioxyde d’azote à Paris et à Lyon. Mais les deux astreintes de 5 millions d’euros pour les deux semestres allant de juillet 2022 à juillet 2023 sont réduites de moitié par rapport aux précédentes condamnations.

Après avoir condamné l’État en août 2021 puis octobre 2022 à régler un total de trois astreintes de dix millions d’euros par semestre de retard en matière de lutte contre la pollution de l’air, la plus haute juridiction administrative a annoncé ce 24 novembre 2023 une nouvelle condamnation de l'État, cette fois pour les semestres couvrant la période de juillet 2022 à juillet 2023. L'État devra payer deux astreintes de cinq millions d'euros pour les deux semestres mais ce montant est divisé par deux par rapport aux condamnations antérieures.  

Cette décision est sans surprise dans la mesure où elle suit les conclusions du rapporteur public, qui avait réclamé une telle astreinte réduite le 8 novembre, prenant acte à la fois de progrès "notables" mais aussi de la persistance de certains dépassements, alors que la pollution de l'air favorise des maladies comme l'asthme, les problèmes cardiovasculaires ou le cancer du poumon.

Du mieux pour les particules fines

Pour la pollution de l'air, une première décision remonte à juillet 2017. Le Conseil d'État avait alors enjoint à l'État de mettre en oeuvre des plans de réduction des niveaux de particules fines PM10 ou de dioxyde d'azote (NO2, notamment associé au trafic routier) dans treize zones. L'État a depuis été condamné en 2021 puis en 2022 à verser au total 30 millions d'euros, correspondant à trois semestres, pour ne pas avoir renforcé suffisamment son dispositif contre la pollution.

"Le Conseil d'État constate aujourd'hui qu'il n'y a plus de dépassement du seuil de pollution pour les particules fines dans aucune zone urbaine", observe-t-il à l'appui de sa nouvelle décision. "S'agissant des seuils de dioxyde d'azote, ceux-ci sont désormais respectés dans les zones urbaines de Toulouse et Aix-Marseille, mais restent dépassés de manière significative dans celles de Paris et Lyon, où les mesures déjà prises ou à venir ne permettront pas de descendre en dessous des seuils limites dans les délais les plus courts possibles", note-t-il toutefois.

Lyon et Paris toujours en dépassement pour le dioxyde d'azote

À Lyon, "une station de mesure présente encore un dépassement significatif", précise-t-il. Il juge que les mesures déjà mises en œuvre et à venir "ne garantissent pas que la concentration en dioxyde d’azote descende en dessous du seuil réglementaire de 40 μg/m3 dans les délais les plus courts possibles". À Paris, les dépassements sont encore constatés dans huit stations et la révision en cours du plan de protection de l’atmosphère puis son adoption ne devraient "pas avoir un effet immédiat et sensible sur la pollution de l’air". L’interdiction de circulation des véhicules avec une vignette Crit’Air 3 a par ailleurs été repoussée par la métropole du Grand Paris au 1er janvier 2025, rappelle le Conseil d’État. Et, depuis sa précédente décision d’octobre 2022, "aucune mesure nouvelle" visant à "réduire de façon significative et rapide les taux de concentration en dioxyde d’azote sur la zone de Paris n’a été mise en œuvre".

Les 10 millions d'euros d'astreinte iront à l'ONG requérante, Les Amis de la Terre (pour 10.000 euros), et surtout à un ensemble d'organismes publics ou associatifs impliqués notamment dans des questions santé publique et d'environnement (Ademe, Cerema, Anses, Ineris, Airparif, Atmo).

La décision "montre que l'État ne s'est toujours pas exécuté", a réagi auprès de l'AFP Louis Cofflard, avocat des Amis de la Terre, regrettant toutefois la réduction de l'astreinte versée par l'État. "Je ne pense pas que ce soit un bon signal envoyé à l'État" et "on serait plutôt favorables à une augmentation du taux de l'astreinte parce que ça augmenterait la pression sur l'État pour s'exécuter", a-t-il ajouté.

"Nous poursuivrons la mise en oeuvre des politiques publiques, en lien avec les collectivités concernées, pour améliorer la qualité de l'air et protéger la santé des Français", a de son côté promis le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, cité dans un communiqué. Le gouvernement souligne ainsi son "soutien aux collectivités" pour la mise en oeuvre de zones à faibles émissions (ZFE), qui limitent l'accès de certaines grandes villes à plusieurs catégories de véhicules polluants, ou son plan visant à réduire de moitié d'ici à 2030 les polluants atmosphériques induits par le chauffage au bois domestique.

Le Conseil d’État réexaminera en 2024 les actions de l’État menées à partir du second semestre 2023 (juillet 2023-janvier 2024).