Pour protéger son eau potable le syndicat mixte des eaux de Seille et Moselle mise sur l'herbe (54)

Face à la pollution récurrente aux nitrates et pesticides de sa principale source d'eau potable, le syndicat mixte des eaux de Seille et Moselle a opéré la remise en herbe de 58 hectares autour de la zone de captage. Une solution efficace pour filtrer l’eau et un travail de terrain qui a nécessité pédagogie et fermeté. Le tout opéré avec un très large soutien financier de l'agence de l'eau Rhin-Meuse.

A mi-chemin entre Metz et Nancy, en Meurthe-et-Moselle rurale, la commune de Bouxières-aux-Chênes (1.500 habitants), abrite les sources de Moulins. Gérées par le syndicat des eaux de Seille et Moselle, elles procurent 65% de l'eau potable aux 11.500 habitants résidant sur 31 communes. Dès les années 1990, ce captage situé sous un plateau céréalier aux sols calcaires connaît des pollutions récurrentes aux nitrates et pesticides. La diminution progressive des épandages de fumier et intrants azotés permet de faire baisser les taux de 70 mg à 50 mg en moyenne (seuil maximal pour l'eau potable).

Arrêté préfectoral

Pour autant, la source continue à connaître des pics récurrents de pollution. Classée Grenelle en 2009, mesure qui inventorie 500 captages pollués prioritaires en France, elle fait l'objet d'un arrêté préfectoral en 2013 qui classe l’aire d’alimentation du captage (AAC) de 400 hectares avec définition d’un plan d'actions associé, porté par le syndicat.

Remettre en herbe une partie du périmètre de captage

"Pour que ce plan d’action ne reste pas dans les tiroirs, notre syndicat a embauché dès septembre 2013 un coordinateur du programme", indique le président du SIAEP, Michel Dono. "Puisque travailler avec les agriculteurs uniquement sur la baisse des produits phytosanitaires ne suffisait pas, l’idée phare du plan était de modifier radicalement les pratiques agricoles sur le périmètre du captage en remettant en herbe une surface substantielle (environ 25% de la partie agricole de l’AAC)", indique Dominique Labaye, la chargée de mission eau recrutée pour porter le projet.

L’herbe fauchée filtre les nitrates

En effet, sous de l’herbe fauchée, les taux de nitrates descendent à 20-25 mg, l’herbe constituant un filtre naturel. Si l’hydrogéologue missionnée sur le projet préconise dans l’idéal, au milieu des années 1990, la remise en herbe de la moitié des 400 hectares, un premier objectif d’une cinquantaine d’hectares est fixé, résultat d’un compromis entre les acteurs du projet : élus locaux, agence de l’eau, préfecture et représentants de la profession agricole.

Échange de foncier et préemption

L’idée de remettre en herbe n’est pas nouvelle. En 2010 déjà, une vingtaine d’hectares ont été convertis en prairie par des agriculteurs volontaires bénéficiant de mesures agro-environnementales. Mais ces mesures incitatives n’ont pas suffi. "Le plan d’action de 2013 a donc prévu un volet foncier plus musclé avec l’idée de déplacer les cultures conventionnelles des agriculteurs présents sur le site", poursuit la chargée de mission. Avec pour outil principal un conventionnement avec la Safer Lorraine chargée, avec le pré-financement du syndicat des eaux et à sa demande, de stocker du foncier en dehors de la zone de protection pour permettre ensuite l’échange avec des terrains dans la zone de captage.
En parallèle, un droit de préemption urbain a été instauré par de la commune de Bouxières-aux-Chênes sur les 190 hectares du périmètre de protection rapproché et transféré au syndicat sur les 50 ha plus centraux du captage.

Négocier avec les agriculteurs…

"C’est surtout le bouche-à-oreille qui nous a permis de trouver les affaires foncières. Après, il a fallu négocier avec la profession agricole pour qu’elles ne soient pas utilisées à d’autres fins mais bien à la protection du captage", souligne Dominique Labaye.

… et instaurer un rapport de force avec l’appui de l’État

En 2014, face à la difficulté à faire bouger la profession agricole et à la résistance des agriculteurs en place, les élus du syndicat sont reçu en préfecture. "Instaurer un rapport de force s’est avéré indispensable pour faire bouger les choses, souligne le président. Sans l’implication forte des services de la préfecture que nous avons obtenue, une mission eau ne peut pas aboutir seule face à une profession agricole très structurée."

Tout en sensibilisant les populations

Pour faire avancer le projet, le syndicat a aussi bénéficié d’une prise de conscience globale ainsi que locale : articles dans la presse locale suite aux révélations du magazine "Cash Investigation" sur les pesticides dans le Bordelais, questionnements de parents d’élèves, sensibilisation des enseignants des écoles à la qualité de l’eau avec un travail pédagogique et la publication d’un recueil illustré de poèmes sur l’eau.
Finalement, le syndicat a réussi à acquérir une trentaine d’hectares cultivés par un agriculteur céréalier dont l’activité a été relocalisée en dehors du périmètre de captage.

Périmètre en herbe gravé dans le marbre

Aujourd’hui, autour des sources de Moulins, 60 hectares sont en propriété publique dont 30 sont enherbés, le reste étant boisé. 28 hectares supplémentaires, restés en propriété privée, sont également en herbe. La déclaration d’utilité publique (DUP), modifiée en 2017, grave dans le marbre le principe des 58 hectares en herbe, quel que soit le propriétaire des parcelles à l’avenir.

Travail de longue haleine

"Nous devrions constater rapidement l’impact de cette remise en herbe sur la qualité de l’eau, souligne la chargée de mission. Et même s’il reste encore 80 hectares en cultures conventionnelles sur le périmètre du captage (colza, blé, orge, tournesol), nous sommes désormais moins dans l’urgence. Nous allons avancer doucement, en poursuivant notre travail de gré à gré, pour convertir toujours plus d’espaces en herbe."

Projet largement soutenu par l'agence de l'eau Rhin Meuse

L’ensemble de ce projet, stockage et acquisition des terres, remise en herbe et poste de chargée de mission a été très largement soutenu par l'agence de l'eau Rhin-Meuse qui a pris en charge 80% des coûts, une aide indispensable pour un syndicat qui ne se rémunère que grâce au litre d’eau vendu. Un programme similaire a été mené sur la commune voisine de Loisy où, en outre, du matériel de désherbage mécanique a été acquis par la commune et mis à disposition gratuitement auprès des agriculteurs qui utilisent désormais moins d’herbicides.

Syndicat mixte des eaux de Seille et Moselle

Nombre d'habitants :

11500
25, Route de Pont à Mousson
54610 Nomeny

Michel Dono

Président

Dominique Labaye

Chargée de mission Protection des ressources en eau

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